Acte 1

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NIGHTMARE (republication)

S'il y a bien deux choses que je déteste plus que toutes les autres au monde (le monde entier, hein, je pourrais même dire l'univers pour que vous vous rendiez compte que le taux de détestation de ces deux choses-là est tellement élevé que vous risquez de vous rompre le cou en regardant vers le haut) et je pèse mes mots, deux choses pour lesquelles je voudrais ne jamais avoir existé depuis que je les ai découvertes (je remets même ma propre naissance en jeu, vous vous rendez compte ?), deux choses qui me font sortir de mes gonds à coup sûr, que je déteste au plus haut point, de tout mon cœur et de toute mon âme, ces choses qui m'irritent atrocement, plus que n'importe quelle autre chose sur la planète Terre, c'est bien ça : Cette sensation ignoble et dégueulasse d'avoir du sable entre les orteils. De toute manière, je déteste le sable. Le sable, c'est fourbe, sournois, ça se glisse partout où ça ne devrait pas (qui n'a jamais eu du sable dans son slip après un séjour sur la plage, c'est pervers, le sable en plus de ça). En été, ça devient brulant, vous cramant littéralement la plante des pieds, histoire de vous faire souffrir le plus possible et que vous ayez l'air totalement ridicule devant les filles canons à marcher comme si vous étiez un débile mental se croyant sur de la lave. J'entends leurs rires de là, à ces pintades ! Puis quand c'est mouillé c'est encore pire, il y a les méduses échouées dessus, les restes de la marée, dégueulasses et tout, les pipis des gamins pas foutus de se retenir plus de 5 minutes. Je déteste le sable, c'est fourbe (enfin ça je vous l'ai déjà dit, mais bon, j'aime bien me répéter histoire que ça rentre dans vos petites cervelles), ça paraît innocent le sable, mais il suffit d'un coup de vent pour que vous vous en preniez plein dans la tronche, dans les yeux, dans la bouche et tout (je vous rappelle que des gamins ont pissé dessus, hein). Bref, je déteste le sable ! Mais la seconde est encore pire que la première. Cette deuxième chose que je déteste plus que tout au monde répond au doux nom de Thomas Edison.

Alors imaginez ma souffrance lorsque la proviseure de mon lycée de campagne est entrée dans notre classe de terminale Littéraire option Arts appliqués (une belle bande de bras cassées) pour nous annoncer et avant tout nous féliciter car nous avions été sélectionnés pour un concours de peinture, imaginez ma douleur lorsqu'elle a annoncé, rayonnante, le thème de ce concours : la mer. Imaginez mon visage parfait de blond angélique et absolument magnifique se tordre dans une grimace affreuse. Vous voyez où je veux en venir ? Là, mes deux pupilles noires s'écarquiller de peur, de terreur, de douleur, de souffrance et surtout, surtout de dégoût. Qui dit « mer », dit « sable » ! Et vous vous souvenez ce dont je viens de vous parler ? Je hais le sable ! Elle continua son exposé en nous expliquant qu'on serait sur une île pour une dizaine de jours, en compétition directe avec une dizaine d'autres lycées. Beurk !
Et sardine sur le gâteau, je suis, infortuné que je suis, dans la même classe que ce cher et tendre Thomas Edison (sinon imaginez-vous bien que je ne lui aurais jamais adressé la parole, je n'allais pas gaspiller ma salive pour une « chose » comme lui). Ce qui signifie... Ce qui veut dire... que ça va être un putain de COMBO ! Comment vous voulez que je survive à ça ? Moi, pauvre petite chose. Je vais aller à la mer (en plein mois de décembre, juste comme ça) en même temps que Thomas Edison. Mon lycée souhaite ma mort, la directrice souhaite ma mort, ma mère elle-même souhaite ma mort, le monde entier souhaite ma mort. Je vais mourir ! J'ai beau fixé la directrice dans les yeux, dans le but de lui faire ressentir toute la culpabilité de la planète sur ses épaules, elle ne bronche pas, souriante et enthousiaste, j'ai beau lui adressé le regard le plus assassin de tous les temps en lui souhaitant qu'elle s'étrangle avec sa propre salive, rien n'y fait. L'euphorie a déjà gagné la classe.
Je vais mourir.

« Newt ! T'as vu, c'est génial !! Dix jours à la mer, ça va être tellement bien ! » L'hystérique qui vient de me sauter sur le dos alors que je me dirigeais vers mon casier, résigné à l'idée de perdre ma vie sous peu, ce n'est personne d'autre que ma petite amie, Sonya. Ou du moins, l'usurpatrice de la petite amie de mes rêves. Oui, je sais, vous allez me faire la morale, je sais, je n'ai pas plus de sentiments pour elle que pour l'ancienne peluche que j'ai donné à mon chien pour qu'il s'amuse. Je n'ai jamais eu de sentiments pour elle, pas une once de sentiments amoureux, jamais je n'ai ressenti de papillons dans le ventre ou autres conneries du genre, jamais je n'ai senti mon cœur s'emballer comme un dingue quand je l'embrasse ou même je n'ai jamais rougi comme une gamine de quatorze ans en sa présence. Mais oui, je sors avec elle. Pourquoi ? Eh bien, ne soyez pas stupide, elle est amoureuse de moi. Alors autant qu'elle sorte avec le mec qu'elle aime plutôt qu'avec un connard qui la baise comme ça, sans rien éprouver pour lui. Cependant, n'allez pas trop vite me lapider. (Toi, là ! Range ce caillou, putain). J'aime beaucoup Sonya, je l'adore même. Elle et moi sommes super complices. Je dois vous avouer que c'est un putain de bon coup aussi. Oui, allez-y ! Insultez-moi ! Je suis un connard. Dites-le ! (Si ça vous soulage).

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