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Sybillus était triste. Les affaires ne repartaient pas.

Il attaqua le troisième steak. La viande, légèrement saignante, était fumée selon une antique méthode dont seule Catlinée, sa cuisinière, avait le secret.

Il coupa un bout de steak d'environs deux centimètres sur deux, le posa délicatement au dessous du palais, laissa les papilles s'imprégner des saveurs puis mastiqua en fermant les yeux. Et l'instant de mastication, cet instant précis où tous les goûts convergent vers une même fin, la conquête d'un orgasme gustatif, était son moment privilégié.

Après les steaks, il s'attaqua au dessert, un tiramisu classique provenant directement des cuisines italiennes de l'hôtel Ferrara. Il arrosa le tout avec le pinot noir ouvert un peu plus tôt.

À contrecœur, il fit tinter la petite clochette afin que Catlinée vienne débarrasser. Les assiettes nues l'observaient tristement comme si elles culpabilisaient de ne plus rien avoir à proposer. Il posa la main droite sur le dossier de la chaise, s'appuya de la gauche sur le bord de la table puis, précautionneusement, souleva le tout. Ses jambes n'étaient pas assez fortes pour porter d'un seul coup tout le poids de sa bedaine, de ses épaules et de sa tête. Tout ceci finira par s'effondrer un de ces jours, se dit-il en entendant ses articulations craquer.   

La Compagnie V.Where stories live. Discover now