♀ CHAPITRE 29 ♀

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J'étais toujours sur l'épaule de Sacha, lui hurlant de me reposer au sol. Le garçon faisait le sourd et ne me répondait pas. Il me transportait à travers les couloirs de fer sombres. Nous croisâmes de temps à autres des hommes, qui ne prêtaient absolument pas attention à moi. Je me débattais comme une lionne, mais je finis par abandonner, à bout de force.

Finalement, Sacha me reposa au sol. Je n'avais pas eu le temps de parler qu'il me jetait dans une pièce. Il verrouilla la porte derrière lui. Je commençais à avoir peur : je ne connaissais pas ce garçon après tout. Et s'il s'en prenait à moi ?

— Ils ne viendrons pas te faire chier ici, finit-il par dire.

J'étais face à lui, dos à la pièce. Je ne répondais pas, à court de mots. J'étais paralysée par la peur et l'incompréhension.

Je me retournai lentement, observant l'endroit où je me trouvais. C'était une pièce assez grande, blanche et grise. Les parois de fer des conteneurs semblaient avoir été peinte. Je dus descendre un petit escalier pour atteindre ce qui s'apparentait à un salon. Face à moi était disposé une grande télé écran plat, devant laquelle se trouvait un grand canapé gris. A droite il y avait une sorte de cuisine avec un four, un frigo et tout le nécessaire. A gauche j'apercevais deux portes. Sacha se tenait à présent au milieu de la pièce, la capuche toujours bien enfoncée sur sa tête. Il retira enfin cette dernière.

— Bienvenue chez moi, c'est pas très luxueux mais c'est déjà ça...

— C'est plutôt cool en fait, répondis-je. Tu as repeint les murs ?

— Oui, j'suis pas comme Adam, je vis pas dans l'ombre !

Je hochais la tête. Les deux garçons semblaient proches, et pourtant ils semblaient aussi se détester. Ma curiosité à propos de ces deux-là s'enflammait de minutes en minutes. J'avais tout un tas de questions à poser, mais je devais tout d'abord me focaliser sur les choses importantes.

— Qui es-tu en fait ? Pourquoi tu m'as emmené ici ?

— Je ne suis personne, ça n'as pas d'importance. Et si je t'ai emmené ici, c'est pour éviter que quelqu'un de malveillant te tombe dessus.

— Qu'est-ce qui me prouve que tu n'es pas quelqu'un de malveillant ?

Il ricana et s'appuya sur le dos du canapé.

— Je me doutais que tu dirais ça. Mais tu peux toujours retourner voir Adam et les autres. Et passer la nuit dans un taudis, entouré de gens étranges...

J'avalais ma salive. Dit comme ça, c'est sûr que je préférais rester ici.

— Ça ira merci...

— Je t'en prie, on sait pas qui on peut croiser ici...

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Ici, je veux dire dans cet endroit qu'Adam à construit, les gens viennent pour oublier ce qui se passe dehors. Des femmes viennent se cacher, les hommes viennent oublier qu'ils ont perdu leurs mères, leurs sœurs, leurs filles, leurs femmes. Ils se droguent, ils dansent, ils fument... Tout ça leurs permet d'oublier le chaos qui se trouve dehors. Et je t'épargnerais le petit trafique qu'Adam fait avec les femmes, j'imagine que tu vois de quoi je parle.

— J'ai une idée oui, dis-je à deux doigts de vomir.

— Mais toi, j'ai l'impression que tu es différente. Tu es une fille gentille ça se voit, qui ne semble pas comprendre ce qu'il se passe dehors. Tu crois qu'il y a encore de l'espoir, que les gens sont gentils. Tu es naïve, plus personne n'est gentil, c'est chacun pour soi.

Je n'arrivais pas à savoir si c'était un compliment ou un reproche. Je grimaçais discrètement.

Sacha me proposa de m'asseoir sur le canapé, ce que je fis avec prudence.

— Je ne comprends pas, dis-je pour briser le silence. Dehors tout semble à peu près normal. Je veux dire les hommes vont travailler, les rues ne sont pas aussi salles que ce qu'elles pourraient être. La télévision fonctionne, on continu de faire des émissions, les supermarchés fonctionnent aussi... Il n'y a juste plus... de femmes. J'ai pas l'impression que les hommes soient très perturbés...

Il se mit à rire, et je découvrais ses belles dents blanches. Je m'attardais d'ailleurs à observer son visage, à présent en pleine lumière. Il était d'un brun très foncé, avec des yeux en amandes aux longs cils. Des yeux bleus, au regard perçant.

— Tu n'y connais rien. Tout ça ce n'est que l'apparence, c'est ce que les gens croient et veulent croire. Mais en réalité, que font les hommes après le travail ? Pendant les jours de congés ? Ils viennent ici, ils viennent se divertir, se noyer dans l'alcool et la drogue. Tu es une femme, hétéro je suppose. J'ai l'impression que tu ne comprends pas ce que ça fait de ne plus avoir de femmes. Nous avons besoin de vous, et pas dans un sens grossier bien entendu ! Nous avons besoins de femmes qui savent garder la tête froide, de femmes qui nous remettent dans le droit chemin. Nous avons besoin de vous pour nous conseiller, pour être nos amies, nous avons besoin d'être amoureux, d'avoir quelqu'un sur qui veiller, nous avons besoin de vous... Il y a tellement de choses que vous savez faire et que nous ne savons pas...

Les mots me manquaient. Je n'avais pas vu la société sous cet angle. Le peuple était en train de mourir, les hommes buvaient, se droguaient, cautionnaient la prostitution et le trafic de femme. Mais ont-ils vraiment eut le choix ? Je baissais la tête, honteuse d'être aussi naïve.

— Bien ! Dit-il plus fort, un peu mal à l'aise. Hum, tu peux rester ici aujourd'hui si tu veux te reposer, il n'y a rien que tu puisses faire de toute façon. Et tu peux rester pour la nuit si tu le souhaites.

— Merci.

— Je t'en prie. Je dormirais sur le canapé, la salle de bain est juste derrière cette porte et la chambre de

l'autre côté.

— D'accord, murmuré-je. Est-ce que je peux aller me reposer un peu ? J'ai encaissé beaucoup de choses depuis ce matin, et il n'est même pas midi...

— Bien-sûr ! Accepta-t-il en me montrant la porte de la chambre.

Je me levai en silence, et me dirigeai vers la chambre.

La pièce n'était pas très grande, rien de bien spécial. Un lit deux place, une armoire, un bureau. Je retirai mes chaussures et m'allongeai sur le lit. C'est alors que des images floues flottèrent dans mon esprit. Emportant mes pensées à la dérive. Les images devenaient plus net, et je vis ma petite protégée, s'éloignant de moi, emportée par les traqueurs. Je vis Maxime, que j'avais violemment rejeté par simple jalousie.

Des perles d'eau se formèrent aux commissures de mes yeux, et roulèrent lentement le long des mes joues rouges. Comment en était-on arrivé là ? Certes les humains avaient fait pas mal de dégâts sur terre, mais nous ne méritions pas un tel sort. Pourquoi nous ? Pourquoi les femmes ? Comment m'étais-je retrouvée dans cette situation ? J'étais seule, entourée de gens que je ne connaissais pas ou à peine... Comment allai-je m'en sortir ? A force de me poser des questions, de me torturer l'esprit, je finis par sombrer dans le sommeil. Un sommeil long et très agité. 

HEAVENOù les histoires vivent. Découvrez maintenant