— Je m'appelle Orëlaya, je suis princesse d'Atalantys. Je suis la clef qui mène à la cité engloutie. Je porte quelque chose en moi qui permet d'ouvrir le portail menant à Atalantys. On peut y accéder si on me tue et qu'on récupère ce qui se trouve dans mon corps.

— Je sais, ma belle. Mais ce n'est pas moi qu'il faut craindre. Je ne veux pas retourner à Atalantys, je n'y ai pas ma place. Les harpies ne sont plus les bienvenues...

— Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda-t-elle, soudain intéressée par cette partie de l'histoire qui demeurait cachée à sa mémoire. Shannon baissa la main qu'il tendait toujours à la jeune femme et s'assit devant elle dans ce coin sombre qui était devenu le lieu de leurs confidences. Il était toujours nu comme un ver, mais aucun des deux ne semblaient dérangés par cela.

— Je ne connais pas les détails, mais de ce que je sais, les harpies viendraient d'Atalantys, tout comme les sirènes. Nous sommes originaires du même peuple, de la surface, et je ne sais pas pourquoi, nous avons évolué différemment. Certains sont devenus des sirènes, d'autres des harpies. Et nous nous faisons la guerre depuis des millénaires. Mais ça n'a plus d'importance aujourd'hui. Tu dois rentrer chez toi. Tu dois vivre, Phoebe... ou Orëlaya, ou qui que tu sois. Si tu meurs, toute vie sur terre disparaîtra. Tu es la clef qui mène à Atalantys, et plus encore.

Shannon passa encore beaucoup de temps à raconter à Phoebe ce qu'il savait sur Atalantys, les sirènes et les harpies, sous l'oreille attentive de la jeune femme qui buvait ses paroles dans un silence religieux. Toute urgence de partir semblait avoir disparu dans l'esprit du jeune homme, remplacée par celle de mettre la jeune femme au courant de tout ce qu'il savait, afin qu'elle possède tous les éléments. Au fil des heures qui passaient, ils s'étaient levés pour aller se blottir ensemble sous la couette. Rassurée sur les désirs de son compagnon, la jeune femme ne le craignait pas et se sentait même rassurée dans ses bras. Ils finirent par ne plus parler pour s'embrasser et laisser leurs mains parler à leur place. Ils firent l'amour longuement avant de s'endormir enlacés, leurs âmes apaisées et repues, pour le moment.

*****

Il se passa plusieurs jours avant que Shannon n'ait des nouvelles de sa cousine. Phoebe avait remarqué l'inquiétude de son compagnon, et avait bien tenté de savoir ce qui le tracassait autant. Mais elle avait laissé tombée quand à sa troisième tentative, le regard du jeune homme était devenu noir de rage, déclenché par l'angoisse de la situation. Ils étaient dans la cuisine, se préparant un dîner en amoureux, plateau repas en prévision d'une soirée devant la télévision, quand le téléphone de Shannon sonna. La voix de Sage lui parvint lointaine, et rauque, alors que Phoebe rentrait en transe, les mains à plat sur le plan de travail, ses iris habituellement bleu devenus tellement clairs qu'ils en étaient translucides.

— Sage, je te rappelle, lâcha Shannon à la volée en reposant le téléphone sur la paillasse et se précipitant pour rattraper le corps de Phoebe qui s'effondrait. Elle reprit conscience à peine une seconde après, dans les bras de son compagnon au visage livide.

— Qu'as-tu vu ? demanda-t-il, visiblement inquiet.

La jeune femme lui sourit, navrée, et posa une main sur la joue rugueuse de la harpie.

— Ils sont là, dit-elle simplement.

Il l'aida à se relever et se rendirent ensemble dans le vestibule. Shannon ouvrit la porte de la maison et le couple assista à un spectacle peu commun. Sage était là, au milieu de la cour gravillonnée, les ailes et la tête basse, les épaules voûtées. A sa droite se tenait une autre Harpie un peu plus grande qui semblait la contrôler. Phoebe sut, grâce à ses nouvelles facultés qu'il s'agissait de Devon. Elle comprenait bien des choses à présent, sur ce qui s'était passé plus d'un an auparavant. Devon avait essayé de la tuer. Pourquoi n'avait-il pas été au bout, là était la question. Elle ne tenait pas vraiment à le savoir en réalité. De l'autre côté de Devon atterrit deux autres harpies, Phoebe reconnaissant Kristopher et Jocelyn dans leurs atours de créatures démoniaques. Rien ne l'étonnait plus vraiment. Elle serra ses doigts autour de ceux de Shannon qui soupira.

La Sirène de BrooklynOù les histoires vivent. Découvrez maintenant