Chapitre 7

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« La nature impose toujours aux êtres cet impérieux dilemme : s'adapter ou disparaître »

Les corps affamés se cambraient, se frôlaient, dans un balai sensuel sous le rythme des basses. Sage et Devon aiment se retrouvaient dans cette boîte de nuit à la musique sauvage un peu dépassée, pour laisser libre court à leur trop plein d'énergie. Depuis toujours on leur interdisait de se transformer, de se nourrir comme ils le devaient, de trancher des gorges et de se délecter du sang de leur proie. Alors ils baisaient sans vergogne, comme des bêtes sauvages et plus encore. Ils se faisaient saigner entre eux, se blessant presque jusqu'à la mort, pour se sentir plus libre ensuite. Et puis ils venaient ici pour danser, se frotter aux humains qu'ils ne pouvaient chasser, sentir les fragrances de la frustration jusqu'à ne plus tenir et en blesser quand même un ou deux, discrètement et cela passait pour une overdose. Sage en voulait toujours plus, plus de sexe, plus de sueur, plus de sang. Elle se laissait toucher par les mains baladeuses des hommes collés à elle. Devon l'acceptait jusqu'à un certain point, mais il ne fallait pas trop pousser quand même. Il franchit l'espace qui le séparait de Sage et ses prétendants en quelques pas, bousculant les danseurs sur son passage qui le remarquèrent à peine, enivrés par l'alcool, la drogue et la musique. Il attrapa le poignet de celui qui avait sa main sur la poitrine de Sage et lui brisa les os du bras aussi facilement que si ça avait été un fétu de paille. Le cri de douleur de l'homme fut étouffé par la musique et on remarqua à peine son corps qui s'effondrait au milieu de la forêt de pieds bougeant en rythme. Devon attrapa Sage et l'emmena au dehors de la boîte par la porte de derrière. La jeune femme se débattit quand ils arrivèrent dans la ruelle mal éclairée et lui balança une droite digne d'un boxeur.

— Qu'est-ce qui te prends ? Tu crois que je t'appartiens déjà ? On avait dit pas d'attache, chacun sa vie, tu te rappelles ?

— Je peux pas ! postillona Devon en lui criant au visage. Tu es à moi ! Je peux pas ! répéta-t-il, le visage rouge de rage. Il tenait les deux bras serrés de la jeune femme et la maintenait fermement près de son visage, leur nez se touchant presque. Sage ne pouvait détacher son regard de celui de son partenaire, comme hypnotisée. C'était le pouvoir des harpies mâles sur la femelle qu'ils se choisissaient. Et celles-ci avaient peu de choix. Sa mère l'avait toujours prévenue contre ce phénomène, lui intimant de ne sortir qu'avec des humains et c'est ce Sage avait toujours fait, jusqu'à ce qu'elle rencontre Devon. Il était le seul Harpie qu'elle connaissait en-dehors de sa famille et il lui montrait tellement plus que ce que ses parents avaient faits. Elle était subjuguée par lui, mais elle n'en perdait pas pour autant le contrôle de ses envies.

— Et moi, je peux pas me contenter de toi, il va falloir t'y faire. Alors lâche moi, lui demanda-t-elle d'une voix ferme mais calme.

Devon obéit, relâchant les bras de sa compagne, levant ses mains en signe de capitulation et recula d'un pas. Sage plissa les yeux, sceptique. Devon n'était pas homme à lâcher prise aussi facilement. Et elle avait raison. Avant qu'elle n'ait le temps de réagir, la harpie sortait ses griffes et lui lacérait le ventre, déchirant ses vêtements, légers pour l'occasion, coupant net ses chairs et ses muscles en trois sillons parfaits de la droite vers la gauche, d'une précision chirurgicale. La douleur vint après la surprise. Son réflexe fut de porter ses mains à son ventre, comme pour retenir ses entrailles et les empêcher de sortir de son ventre, mais Devon n'avait pas cherché à la tuer. Sage saignait seulement abondamment et c'est là qu'elle prit peur. La terreur sur le visage, se tenant toujours le ventre, la jeune femme tourna les talons et se mit à courir dans la rue. Elle disparut à l'angle d'un bâtiment et Devon souriait, une lueur écarlate dans le regard, un sourire suffisant sur les lèvres. Il prit le même chemin et bifurqua à l'angle d'une autre rue. Il rentrait chez lui.

La Sirène de BrooklynOù les histoires vivent. Découvrez maintenant