Chapitre 2

5 2 1
                                    

« Intuition. Cette faculté prodigieuse à saisir les indices les plus subtils, ceux que personne n'aperçoit.»

Phoebe tenait son petit poing en l'air, prête à frapper au bureau de Kristopher, quand la porte s'ouvrit sur une Jocelyn plus souriante que jamais. Phoebe se recula d'un pas sur le côté pour laisser passer sa collègue. Celle-ci lui adressa un clin d'œil et un sourire narquois en passant à côté d'elle. Suspecte, l'odeur de son déodorant exhalait sur son passage. Elle levait le menton, hautaine, en traversant le couloir pour se rendre jusqu'aux toilettes pour dames. La voix de Kristopher parvint à Phoebe depuis l'intérieur de la pièce, l'invitant à entrer. La jeune femme s'exécuta et ferma la porte derrière elle. L'homme était en train de boucler la ceinture de son pantalon, glissant les pans de sa chemise à l'intérieur. Phoebe s'approcha du fauteuil devant le bureau, tandis que Kristopher allumait un bâton d'encens. Rien de très discret, pensa Phoebe, gardant ses réflexions pour elle. Mais son regard en disait long et Kristopher lui sourit, amusé. Il l'invita à s'asseoir et vint lui-même s'asseoir, une fesse sur le bureau, devant Phoebe, la toisant de sa carrure impressionnante. Phoebe se prit à le détailler, comme hypnotisée. Il avait de longs cheveux blonds retenus en queue de cheval impeccable à l'arrière de son crâne, ses yeux bleus profonds vous transperçaient l'âme et son visage était trop parfait pour être sincère. Mais on lui donnait le bon dieu sans confession. Son charisme était indéniable et il obtenait toujours ce qu'il voulait. Phoebe cligna des paupières en percevant la voix de son patron.

— Tu devrais y aller, ça te ferait du bien.

La jeune femme regarda son patron, sans trop savoir quoi répondre. Elle n'avait pas entendu le début et ne savait pas de quoi il s'agissait. Elle gardait ses mains sur ses cuisses, le dos bien droit, en bonne petite fille sage craignant de se faire gronder. Autrefois, elle avait les cheveux colorés, le plus souvent en noir et rouge, ou noir et violine, ou blond et noir, ou d'autres mélanges de sa composition. Elle arborait une coupe déstructurée de son fait, plus court d'un côté et derrière, une grande mèche lui barrant le visage qu'elle rejetait sans cesse vers l'arrière d'un coup de tête. Désormais, elle gardait ses cheveux fins et lisses en un carrés sage un peu long, jusqu'aux épaules et une couleur ton sur ton châtain clair, sa couleur naturelle. Les évènements de l'année dernière étaient encore trop ancrés en elle et elle avait perdu une partie de sa joie de vivre en tombant de l'escalier. Parfois, il lui semblait qu'elle chutait encore et encore...

— Phoebe ?

— Oui ? répondit-elle machinalement, reprenant contenance.

— Le séminaire, tu veux y aller ? C'est la semaine prochaine, une personne s'est désistée, il reste donc une place. Est-ce que je te la réserve ? Ça te ferait du bien, tu ne crois pas ?

— Le séminaire ? demanda-t-elle perdue.

— De coiffure. Tu m'en parles depuis bientôt six mois. Je ne pouvais pas te l'accorder jusqu'à maintenant, mais tu sembles vraiment avoir besoin de te retrouver, de sortir un peu d'ici. Ça te permettrais de retrouver des personnes du milieu de la coiffure, de rapporter des nouveautés, qu'est-ce que tu en penses ?

La jeune femme n'en revenait pas. En effet, il y avait six mois maintenant qu'elle tannait son patron pour assister à un séminaire de coiffure qui se tenait à NYC. Une de ses anciennes collègues du salon où elle travaillait à la sortie de l'école, y assiste et l'avait invitée, mais Kristopher avait toujours farouchement refusé. Pourquoi avait-il subitement changé d'avis, surtout maintenant qu'ils étaient en plein recrutement de nouveaux models et en pleine campagne pour le magazine ? Le « Camée'Léon » était un magazine un peu différent des autres magazines de mode. On y trouvait uniquement des articles sur la mode chic, élégante, un peu rétro et vintage. Phoebe s'était spécialisée dans les coiffures des années 50-60 pour l'occasion et elle était douée pour les chignons et nattes compliqués. Elle adorait ça !

La Sirène de BrooklynOù les histoires vivent. Découvrez maintenant