- Elle l'a appelé. J'ai failli perdre le contrôle à cause du froid. Elle a ouvert une fenêtre et elle a pris mon portable pour appeler Stiles et lui dire que je faisais une de mes crises. Il est venu tout de suite ...

- Et ensuite ? Pourquoi étiez-vous au sous sol ? m'interroge Deaton.

Bien que je ne m'en souvienne pas dans les moindre détails, le fait d'entendre le vétérinaire mentionner cette soirée me fait mal et j'ai beaucoup de difficultés à continuer mon récit.

- Malia a entendu un bruit, expliqué-je. Elle disait que ça venait de la chaufferie. Je l'entendais aussi. Stiles voulait qu'on sorte du lycée mais Malia est allée voir et je ne voulais pas la laisser seule. J'avais peur pour elle.

- Tu l'as rejointe ? demande mon meilleur ami.

- Nous. Nous l'avons rejointe, Stiles et moi. Mais lorsqu'on est arrivés, tout était brisé, démonté et il faisait affreusement froid.

La tristesse de m'être faite bernée fait place à la colère et la rage lorsque je me souviens du visage satisfait de mon père qui se tenait derrière la porte.

- C'est de sa faute. James ... dis-je les dents serrées. Il a enrôlé Malia et elle l'a aidé à nous enfermer dans la pièce.

Cette fois, je descends de la table et commence à faire les cents pas, espérant que cela puisse calmer mes nerfs. En vain.

- Il savait ! Il savait que c'était la nuit la plus froide de l'hiver ! C'était le cas aussi lorsque j'ai tué ma mère !

Je prends ma tête entre mes mains et je me hais pour avoir été aussi peu méfiante, aussi naïve et idiote.

- Il a dit qu'il voulait que je vive la même chose que cette nuit là mais je n'ai pas fait le rapprochement avec le froid ! Il m'avait donné une semaine pile parce qu'il savait que je ne ferais rien comme il le voulait et que ça lui donnerait le temps nécessaire pour réfléchir à son plan jusqu'à cette nuit !

Incapable d'en supporter davantage, je me laisse glisser contre le mur. Si j'en ai fait abstraction jusque là, je sens désormais que mes membres sont courbaturés et que ma peau (malgré les soins évidents de Deaton) est parcourue de longues griffures et autres blessures. Stiles a dû se défendre. Contre le wendigo. Contre moi ...

- C'est tout ce dont tu te rappelles ? me demande Deaton. Rien d'autre ?

Son visage impassible me rappelle celui des médecins lorsqu'ils sont sur le point d'annoncer un décès à une famille et je déteste cela. Je me remets debout malgré mes douleurs musculaires.

- Mais enfin ça veut dire quoi toutes ses interrogations ? m'énervé-je.

- On veut seulement essayer de comprendre, me dit Scott en essayant de me calmer.

- De comprendre quoi ? C'est à moi que vous devez des réponses ! Je veux savoir où est Stiles !

- Hailey, je ne crois pas que ...

- Où est-il ???

La colère contrôle mes mouvements et je ne me rends compte qu'après geste que j'ai empoigné Scott par le haut de sa chemise, bien plus violemment que je ne l'aurais pensé. Probablement las d'avoir à me laisser dans le doute, mon meilleur ami finit par parler malgré le regard de Deaton qui lui commande le contraire.

- Il est à l'hôpital ...

Mon sang ne fait qu'un tour et toute mon existence se réduit en une seconde à ce garçon dont je suis tombée amoureuse et à qui j'ai fait du mal au point de l'envoyer aux urgences.

Il ne m'en faut pas plus pour qu'un courant d'énergie ne me frappe et je suis déjà dehors à courir en direction de l'hôpital quand j'entends Scott et Deaton me rappeler.

Mais je n'écoute pas, je n'écoute plus. Je ne pense qu'à Stiles.

Les rues sont déjà bondées à cette heure matinale. Les gens se succèdent sur les couloirs et s'écartent comme la mer rouge lorsque j'arrive à leur niveau. Je me fiche des regards sur moi, sur mes vêtements déchirés, les marques de combat sur mes bras nus, mon maquillage défraîchi. Je ne fais que courir, comme tirée en avant par un fil invisible.

Lorsque j'arrive à l'hôpital, je passe par l'entrée des urgences, espérant tomber sur Mélissa, à l'accueil. Une fois à l'intérieur du bâtiment, le blanc des murs et du sol m'aveuglent et l'odeur du désinfectant me pique jusque dans la gorge. Pas de traces de la maman de Scott, cependant.

Je traverse les couloirs sans prendre la peine de me présenter à la secrétaire. J'ai l'air si épuisée que l'on pourrait sans peine me prendre pour une patiente.

A l'angle du service de cardiologie, j'entends la voix de Mélissa discuter avec je ne sais qui. Je m'interromps dans mon élan et reste contre le mur, écoutant la conversation.

- Alors, comment va-t-il ? demande la voix brisée de la jeune femme.

Je suppose qu'elle parle avec un médecin et à l'image de Deaton tout à l'heure, la réponse à la question se fait longuement attendre.

- Je suis vraiment navré, répond la voix du chirurgien. On a fait tout ce qu'on a pu.

La seconde suivante, j'entends Mélissa éclater en sanglots.

Mon coeur se brise et je dois poser ma main droite sur mes lèvres pour éviter de hurler de douleur. Il est mort. J'ai tuée un jeune homme de dix-huit ans, celui dont j'étais amoureuse.

De longues larmes ruissellent à flot contre mon visage. Être un wendigo est une malédiction, une douleur constante mais en rien comparable à la perte de celui que l'on aime. Mon père avait raison. Même les souffrances physiques avec lesquelles je dois vivre chaque jour ne sont pas un prix suffisant pour payer ce que je lui ai fait subir. Je lui ai arraché sa moitié, aujourd'hui je comprends ce que ça fait. Et c'est insupportable.

- Je suis désolée, Stiles, murmure la voix de Mélissa.

Attendez. Quoi ?

Mes tremblements cessent légèrement et je prends enfin la peine de regarder dans le couloir. La mère de Scott est debout et serre dans ses bras un silhouette que je reconnaîtrais entre mille : son mètre quatre-vingt, ses yeux noisettes, ses cheveux bruns ébouriffés. L'homme que je croyais mort quelques secondes plus tôt est debout, en chair et en os et tient Mélissa dans ses bras.

Je ne sais pas si je suis folle mais je choisis d'y croire et je traverse le peu de mètres qui nous séparent. Stiles m'aperçois et relâche Mélissa, avant que je ne me jette à mon tour dans ses bras.

- Mon dieu, Stiles ... J'ai eu tellement peur ... sangloté-je.

À l'inverse de l'immense soulagement que j'éprouve, mon copain me parait plus distant que jamais. Son corps est froid et il ne me serre pas contre lui.

Pensant qu'il est encore sous le choc de ce qui a failli lui coûter la vie hier soir, je choisis de m'écarter pour le laisser respirer. Je l'observe en détails et certains points m'intriguent : il ne semble pas avoir la moindre égratignure, aucune marque de sang séchés, ni même de bleus. Seul ses yeux sont rougis et bouffis comme si il avait versé toute les larmes de son corps.

- Stiles qu'est-ce que tu as ? demandé-je.

- Hailey, tu devrais sortir, intervient Mélissa.

Je la regarde sans comprendre. Elle fixe un point devant elle et je choisis de suivre la ligne de son regard.

Les portes battantes donnant accès aux blocs opératoires s'ouvrent et laissent place à un infirmier portant encore son masque de protection. Il pousse un brancard et je ne reconnais pas tout de suite l'identité du corps sans vie qui gît dessus. Le peu de peau que l'on peut voir sur le cadavre est habillée de traces de morsures sévères et de griffures profondes que je devine sans difficulté, être mon œuvre. Certains endroit paraissent même nécrosés.

Puis j'aperçois des cheveux courts et clairs, des lèvres fines, quelques rides qui ont creusés un visage carré et fier et des paupières qui ne se rouvriront jamais.

Monsieur Stilinski. 

Flesh & Blood || Stiles StilinskiDonde viven las historias. Descúbrelo ahora