I - Chapitre 14 - Le Rancunier

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Le Capitaine Bruce était l'officier général commandant le Rancunier, un croiseur lourd rattaché au puissant SCRFF (Service de Contrôle et de Répression Fiscal Fédéral). Le poste n'était pas vraiment considéré comme l'un des plus prestigieux au sein de la Flotte Fédérale, surtout si l'on considérait l'ancienneté des vaisseaux constituant ce service. Renouvelés peu souvent pour minimiser autant que possible les crédits budgétaires affectés, ils étaient néanmoins suffisamment armés pour constituer une sérieuse menace pour les planètes des secteurs excentrés refusant de verser les taxes et impôts dus au gouvernement fédéral.

Il était l'image même de l'officier fédéral dans toute sa grandeur. Arrogant, fanatique, et surtout doté d'un sens stratégique très faible, il avait atterri comme Lieutenant au sein du SCRFF après son élevage à l'Académie. En effet, ses performances étaient très faibles et il avait manqué de peu d'être reconditionné.

Il avait fallu pour cela toute l'influence du Maitre de Protocole, celui qui enseignait à marcher au pas, en cadence et à chanter pour la gloire de la Fédération. Le reconditionnement était la punition la plus terrible possible à l'Académie. Ce n'était même pas une punition en fait, il pouvait être décidé de façon arbitraire... C'est tout du moins ce que le Capitaine Bruce en avait retenu de son élevage à l'Académie.

Cette dernière était une vraie usine à soldats, éduqués pour servir la Fédération et compenser le manque de volontaires, récurrent depuis des siècles. Au début, quand le déficit de volontaires par rapport aux besoins de recrutement avait commencé, on avait instauré une loi permettant de tirer au sort des enfants pour qu'ils soient directement confiés à l'Académie et commencer leur formation plus tôt, avant qu'ils ne puissent vraiment choisir par eux-mêmes. La mesure n'étant évidemment pas populaire, on avait décidé qu'il serait plus simple que les jeunes recrues soient directement produites sur place. Le laboratoire comportait des millions de tubes en verres dans des immenses salles, permettant d'assurer une production continue, avec un brassage génétique réalisé automatiquement pour éviter les problèmes classiques liés au clonage, par exemple la vulnérabilité aux maladies génétiques.

Les enfants de chaque classe d'âge étaient séparés et répartis en escouades, sections, compagnies, bataillons, régiments, brigades et divisions, chaque échelon comportant dix unités de rang précédent. Ainsi, une escouade regroupait dix enfants, placés sous l'autorité d'un sergent référent. Dix escouades formaient une section, et dix sections formaient une compagnie, l'unité de base de l'Académie. Généralement, chaque compagnie disposait d'un ensemble de bâtiments qui lui était réservés, comprenant tout ce qui était nécessaire, en quasi autonomie.

Le but était la productivité, et la production de militaires efficaces et loyaux. C'est là où intervenait le processus de reconditionnement : dès le plus jeune âge, on enseignait aux jeunes que s'ils étaient désobéissants, ils seraient reconditionnés. Etaient reconditionnés également les personnes inaptes, ayant des performances considérées comme trop faibles. En vérité, les enfants ne savaient pas vraiment ce dont il s'agissait. L'explication officielle pour les plus jeunes était : « quand quelqu'un est reconditionné, il ou elle n'est désormais plus avec vous, et ne reviendra pas : il ou elle continue à servir la Fédération, mais d'une autre manière ».

Beaucoup de rumeurs circulaient à ce sujet, parmi les cadets plus âgés, et de multiples théories plus ou moins farfelues expliquaient ce que devenaient les personnes reconditionnées. Certains pensaient qu'ils étaient vendus comme esclaves et que cela permettait d'apporter un supplément d'argent à l'Académie, d'autres disaient qu'ils étaient simplement envoyés dans un trou noir ou dans un soleil, ou encore que leur matériel organique était recyclé dans d'immenses silos pour servir de nutriments.

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