Chapitre 6 : Quel maladie ai-je attrapé ?

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Il n'y a personne. Mais comment ? Je n'ai pas rêvé, pourtant. Je suis certaine d'avoir entendu des bruits de pas. Je regarde partout mais toujours rien.

Soudain, un homme apparaît et je pousse un cri.

— Aah !

— Aah !

On se fait peur mutuellement avant que je ne reconnaisse la personne devant moi.

— M. De la Roche ? Mais que faites-vous ici ?

M. De la Roche est le jardinier de la maison mais il s'occupe aussi de tout l'extérieur du manoir et pas seulement du jardin.

— Oh Bonjour Mlle Francfort. Je débarrasse la toiture du manoir de divers objets. Il y a même des morceaux de nids d'oiseaux !

Je ressens un petit pincement au cœur. Je ne sais pas pourquoi mais je suis déçue de voir que ce n'était que M. De la Roche. J'aurais voulu voir Gaspard même s'il ignore mon identité. Et probablement, je dois déjà être sortie de sa tête. Je n'ai fait que bafouiller durant notre très courte conversation. C'était vraiment un moment rempli d'élégance. Oui, il doit déjà avoir tourné la page.

Mais je ne comprends pas. Je ne l'ai vu que quelques minutes – autant de temps que lui en fait – mais il s'est déjà fait une place en moi. Normalement moi aussi, je devrais ne plus m'en préoccuper mais pourtant, il est toujours là, dans ma tête. Je ne me comprends pas. Mon esprit est tellement accaparée par Gaspard que j'irais même à oublier mon prénom. Mais que m'arrive t-il ?

•.•.•.•

Deux jours passent et je suis toujours incapable de trouver ce que j'ai. Quel maladie ai-je attrapé ? Pourquoi pensé-je tout le temps à lui ? Même la nuit, il me hante. Ses yeux émeraudes m'attaquent dans mon sommeil, sa voix m'envoute dans la nuit et sa main m'électrise dans la ruelle.

Tous les soirs sans exception, je rêve de lui. Mais les rêves varient. Certains se transforment en cauchemars et d'autres sont une reconstitution de notre rencontre. Pourquoi vient-il s'insinuer dans mon esprit sans que je le veuille ? Pourquoi est-il entré en moi pour ne plus jamais repartir ?

Je respire un bon coup. Assise dans le jardin, j'essaie de reconstituer mon cerveau qui est en train d'exploser à cause de toutes les questions qui m'assaillent de tout les côtés. J'en ai presque les larmes aux yeux. Je suis tellement frustrée. Moi qui ai réponses à tout, me voilà en train de réfléchir comme une folle à une question pourtant si simple. Les questions sur la forme de la Terre sont bien plus compliqués et pourtant, tout le monde arrive à y répondre, même si la réponse est fausse. Mais au moins, une réponse a été donné. Mais moi, rien. Aucune proposition de solution n'arrive à moi.

J'aimerais qu'Anna me vienne en aide mais j'ai tellement peur de sa réaction. Je sais qu'elle ne me jugera pas mais j'ignore pourquoi, j'ai tellement peur de me confier. Alors que normalement, je lui raconte tout. Elle sait ce que je ressens. Quoi qu'il arrive, je me confiais à elle. Je lui disais n'importe quoi, je lui parlais de mon père, de ma mère... Mais je n'arrive pas – et ne veux pas – discuter de Gaspard. Elle me disputerait. Elle me dirait que ce n'est pas bien de parler à des inconnus. Je lui aurais répliqué qu'il m'avait sauvé. Mais après, je ne sais pas ce qui allait se passer. Peut-être qu'elle voudrait le rencontrer – ce qui serait vraiment gênant mais de toute façon, il y a un problème qui s'appelle M. Francfort – peut-être qu'elle se méfierait de lui... J'ai plus un penchant pour cette version là. Ou bien, peut-être qu'elle ne dira rien. Peut-être qu'elle me dirait de le rejoindre ? Non. Impossible. Inimaginable.

— Mademoiselle, voulez-vous quelque chose ?

Quelqu'un me sortit de mes pensées. Je sursaute.

Tout d'un coup, une chaleur m'envahit. A t-elle remarqué que je pensais à elle, juste avant qu'elle n'apparaisse dans mon champs de vision ?

— Non merci, Anna.

J'ai réussi à aligner trois mots d'une façon cohérente mais ma voix est allée se nicher à un ton plus haut que d'habitude.

— À boire ? Ou à manger peut-être ?

Je secoue la tête en guise de refus.

— D'accord. Mais vous devriez vous nourrir un peu plus. Ces temps-ci, vous mangez moins que d'habitude.

— Anna, je n'ai besoin de rien.

J'essaie d'adoucir ma voix au maximum mais l'agacement se fait quand même comprendre. Mais je ne sais même pas pourquoi je suis agacée. Et cela me frustre encore plus.

Anna hoche la tête et rejoins le manoir. Je me lève pour m'allonger dans l'herbe verte. Regarder le ciel m'a toujours apaisé. Ce tableau uniquement composé de la même teinte de bleue m'aide à réfléchir.

J'aimerais tellement revoir Gaspard. Juste pour le regarder. De toute façon, ce serait comme la dernière fois. Je serais incapable de prononcer une phrase entière sans bégayer. Il me prendrait pour une folle si ce n'est pas déjà le cas.

J'admire le ciel sans penser à rien pendant une seconde. Même si le cerveau n'est pas capable de ne penser à rien, parfois, on dirait que j'y arrive. En tout cas, consciemment, j'y arrive. Peut-être que, inconsciemment, je pense mais c'est une tout autre chose.

Soudain, une idée me vient. Et si j'allais au village ? Je trouverai sûrement des réponses à toutes les questions qui se stagnent dans ma tête. Ce n'est pas l'idée du siècle mais c'est une idée que je ne négligerai pas. Je repense à la dénommée Constance. Je frissonne. Et si je la croisai ? Non. Il y a bien trop d'habitants pour que je tombe sur elle. Plus je vais loin dans mes réflexions, plus je me sens légère et insouciante. Je veux revoir Gaspard.

Je ferme les yeux. J'ai pris ma décision. Je vais sortir et le trouver. Trouver Gaspard et trouver des réponses.

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