Chapitre 38

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Erohel les mène dans une petite pièce qu'il ferme à clé, le visage sombre. Ses pieds résonnent lourdement contre le sol quand il s'éloigne. Freyja reste là, un instant, à contempler la porte. Le visage de Faolàn, à côté d'elle, est tordu de rage.

"Laisse-nous sortir de là ! Laisse -nous! Fils de chien!", hurle-t-il en tapant des poings contre la porte qui ne cède pas. Freyja s'éloigne et s'assoit au sol, laissant tomber sa tête dans ses mains. Lorsque Faolàn s'arrête de crier, il a la respiration haletante. Elle le sent s'approcher d'elle... Il la prendre par les épaules, la secoue.
"Pourquoi tu as accepté ? Freyja, pourquoi ? Tu veux être mariée à ce minable ? Mais pourquoi ?"
Des larmes se mettent à rouler sur les joues de la jeune fille.

"Si j'avais dit non, il nous aurait fait pendre, Faolàn. Je ne veux pas encore mourir: il nous faut juste un peu de temps jusqu'à ce que nous puissions nous échapper."
Faolàn déglutit.
"Pour aller où ?", murmure-t-il.
"Je ne sais pas encore."
Il ferme les yeux et secoue la tête avant de lui essayer les larmes sur les joues d'un pouce rugueux.
"Je suis désolé, Frey-"
"Tais-toi.", lui coupe-t-elle la parole "Je ne veux pas d'excuse. Je ne veux pas de mots qui ne vont rien changer de toute façon. Tout ce que je veux... Ce que je souhaite... C'est qu'on me rende ma liberté.", elle renifle, "Je n'aurais jamais du naître une fille. Condamnée à la passivité, reléguée à un rang moindre. Mais pourquoi ? Les viols, le mariage, est-ce que je ne suis qu'un objet qu'on peut utilisé ? Je suis plus que ça ! Je sais faire plus que la cuisine et avoir des enfants, je suis plus qu'un simple corps..."

Le dos de Freyja se courbe lorsque son corps est secoué de sanglots. Elle pleure, parce qu'elle ne peut rien faire, elle pleure devant l'injustice du monde, devant le désespoir qui lui brise le coeur.

Faolàn hésite quelques instants, d'abord subjugué quelques instants par les mots de la jeune fille. Jamais n'avait-il entendu une femme se plaindre réellement de sa situation... Elles gardent habituellement leurs cris dans leur coeur. Faolàn déglutit et finalement, après avoir inspiré un grand coup, prend Freyja dans ses bras.

"Je ne suis pas une femme, Freyja, mais je sais ce qu'être traité injustement ou comme un objet dénué de liberté signifie. Je comprends Comment tu te sens, et même si ce ne sont pas des mots, comme tu l'as dit, qui vont changer quelque chose, je voudrais que tu saches... Je m'excuse sincèrement de tout ce que j'ai pu faire et de t'avoir entraîné dans tout ça. Et si je suis resté et que j'ai accepté de travailler pour Erohel, alors que je sais très bien qu'il va en profiter, c'est juste parce que je ne peux pas te laisser seule avec cet idiot. La mort ne me fait pas peur: elle a arrêté de me faire peur lorsque les coups s'abattaient sur mon corps."

Freyja se presse un peu plus contre lui. Faolàn pose sa tête sur ses cheveux et ferme les yeux.
"Je vais trouver une solution.", murmure-t-elle contre son torse "On va s'en sortir. On va partir d'ici et ça va aller. Ça va aller."

Il hoche la tête même s'il préférerait pleurer devant la situation presque sans issus qui se présentent à ses yeux.

Ils allaient y arriver.

Ils allaient vivre.

~***~


Erohel traverse la forêt à grand pas, perdu dans ses pensées.
Le maître allait être fier de lui.
I

l sourit.
La maison de sa mère apparaît devant ses yeux et il entre sans même prendre le temps d'annoncer sa présence.

La vieille femme est de dos en train de nettoyer la grande table en bois. Elle chantonne des airs anciens et lorsqu'elle entend qu'on entre, elle ne se retourne pas, pensant savoir qui est là.

"Faolàn ? Freyja ?"

Erohel grimace.
"Non, mère c'est moi."
Elle se fige et se retourne lentement.
"Que fais-tu ici, Erohel ?", sa voix s'est refroidi et le jeune homme jure intérieurement.
"Je sais que j'ai mal agi.", murmure-t-il de sa voix la plus douce possible " Mais avant... J'ai vu Freyja. Je me suis excusé... Je lui ai fais une demande en mariage, mère."
La vieille femme fronce les sourcils.
"Et Freyja a accepté ?"
Il hoche la tête.
"Et Faolàn?"
Erohel se racle la gorge.
"Je lui ai proposé un emploi."

La vieille femme ne dit rien. Quelque chose sonne faux mais elle n'arrive pas à mettre le doigt dessus.

Pourquoi Freyja, que son fils a humiliée, souhaite soudainement l'épouser?

Pourquoi Faolàn a-t-il accepté l'emploi d'un homme qu'il n'apprécie pas ?

"Erohel, je souhaite leur parler avant le mariage."

C'est au tour du jeune homme de se figer.
"Tu ne me fais pas confiance, mère ? Tu penses que je te mens ? Mais pour qui me prends-tu? Je ne te mentirais pas sur une demande en mariage, quand même, tu me connais pourtant !"

"C'est ce que je pensais, Erohel, mais les derniers événements ont provoqué que je ne sais plus vraiment qui tu es. Tu as... Pris la virginité d'une jeune fille pour l'insulter, elle et un homme blessé, ensuite ! Le fils que je connais n'est pas comme ça."

Erohel pâli.
"Je suis désolé mère. Vraiment... Désolé. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. Depuis que... Depuis que...elle m'a quitté, je ne suis plus le même. Mais je souhaite réellement épouser Freyja."
Le visage de sa mère s'adoucit un peu. Elle s'approche de lui à pas lent et lui caresse la joue.

"Tu resteras mon petit quoiqu'il arrive", souffle-t-elle," Mais promets-moi que quoiqu'il arrive, tu réfléchisses avant d'agir: c'est tout ce que je demande. Je ne veux pas perdre mon seul enfant."

Erohel prend sa mère dans ses bras et sourit dans ses cheveux.
"Mère, je te le promets. Quoiqu'il arrive, je serais toujours là pour toi."

Vénus a froidWhere stories live. Discover now