Prologue ✒

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Le rouleau de scotch roule le long du carton le scellant jusqu'à notre prochaine destination. Jusqu'à notre nouveau départ. Nous aimons l'appeler comme ça avec papa : notre nouveau départ, notre nouvelle aventure, notre changement d'air.

Je contemple l'écriture penchée de mon père qui orne la boîte marron : vêtements Jade.
C'est le dernier carton bouclé. En tee-shirt à l'effigie de leur société, les déménageurs s'activent.
Il ne nous reste plus beaucoup de temps avant ce changement de ville.

Je les regarde en silence vider notre petite maison, comme celle-ci m'a regardé grandir.

" La maison du Paradis " l'appelait maman. C'était au bon vieux temps. À l'époque des rires et des sourires. Avant que la maladie frappe.

Nous avons tous des ennemis jurés. Le mien, c'est le cancer.
Celui du poumon plus précisément, lui et ses copains ont fait de sales dégâts.
Mais surtout, ils m'ont pris ma mère.

Aujourd'hui, un an après, c'est devenu douloureux de vivre ici.
Chaque coin et recoin nous donnent l'impression que maman peut encore surgir à tout moment, avec son éternel sourire, et ses longs cheveux blonds encadrant son beau visage.

Ça nous serre le cœur. C'est pour ça que nous partons.
J'ai longtemps hésité, je pensais que c'était mal d'abandonner ce lieu plein de souvenirs. Mais c'est devenu étouffant. On est passé du rassurant au troublant.

Ainsi quand mon père s'est vu offrir une mutation dans le sud, il n'a pas hésité :

« Ça tombe bien Pierrick habite là-bas ! »

Il était tout joyeux à l'idée de revoir son copain d'enfance, celui qu'il n'avait pas vu depuis vingt ans.
Il a même failli s'étouffer de bonheur quand son vieil ami lui a proposé une colocation avec lui et son fils le temps pour nous de trouver un endroit où loger.

Ah, mon papa ! Que c'est bon de le revoir sourire !

Je contemple la petite maison vide, où mon père fait les cent pas, tout en parlant fort dans son téléphone.
Il fouette l'air de son bras gauche en riant.
C'est sans doute Pierrick :

« Bien nous allons partir... Ah, tu ne seras pas là à notre arrivée... Les clés sous le paillasson, d'accord. »

Oui c'est bien Pierrick.
Je ne veux pas le presser, mais par la fenêtre j'aperçois les déménageurs qui s'impatientent, adossés au camion.

Je tire alors mon père par le bas de son polo, il place sa main gauche sur le combiné et m'interroge du regard :

« Nous devrions y aller papa. »

Il hoche la tête. Ce n'est pas comme si nous avions 4 heures de route à nous taper pour arriver ''dans le sud''!
Il raccroche et embarque le dernier carton qui ornait cette maison.

Tout est... Vide. La maison paraît triste, comme fade, ou... abandonnée ?
Impossible de deviner que j'ai fêté tous mes anniversaires dans la cuisine, ou encore que je me suis ouverte l'arcade en trébuchant sur la table basse du salon.

Je soupire légèrement.
Ce n'est pas plus mal de changer d'air, ça refermera sans doute ces blessures, encore à vif, que j'ai dans mon cœur.

Sans m'attarder plus, je suis mon père à travers la maison en faisant l'inventaire de toutes les pièces plus vides les unes que les autres, jusqu'à la petite cour.

Le camion bleu attend, garé de travers sur le trottoir d'en face. Il attend notre départ, tout comme ma meilleure amie que j'aperçois devant la voiture.
Elle serre son sac contre sa poitrine, en m'approchant je peux distinguer ses yeux rouges.

Je la serre dans mes bras en lui murmurant :

« Ça va aller, d'accord Pauline ? Nous nous verrons plus souvent que tu ne le penses. »

Je dépose un bisou sur sa joue, et essaye, du bout des doigts de sécher ses larmes.

"Arrête de pleurer sinon je vais m'y mettre aussi. Et Titanic seul sait que je peux pleurer beaucoup !"

Ca la fit rire légèrement. Je ne veux pas la voir triste, je veux garder son beau visage souriant en mémoire, pas la couleur de ses larmes.

Ma Pauline.

Nous nous connaissons depuis tellement longtemps... Ça me brise le cœur de devoir l'abandonner. J'ai bien essayé de la faire rentrer dans ma valise, mais même avec sa taille 34 ça ne passait pas.

Je ferme un peu trop longtemps les yeux pour essayer de retenir mes larmes et un flot de souvenirs m'envahit.

Je nous revois gamines, fumant l'herbe fraîchement tondu de son gazon

pour "voir ce que ça fait"...C'est dans son jardin aussi que j'ai embrassé pour la première fois un garçon.

Yan Arnaud.
5 ème.

En parlant de garçon...
J'observe les alentours, à m'en tordre le cou.
Pauline, en me voyant faire me lance un regard désolé :

« Il n'est pas venu... »

À l'annonce de mon départ, Evan, mon copain - désormais ex - a pris peur à cause de la distance et a préféré mettre fin à nos trois ans de relation.
C'était mon premier amour. Mon cœur en saigne encore.

Pauline secoue la tête :

« Ce n'est qu'un con, il ne te mérite pas. »

Elle a raison sans doute, pourtant je n'arrive pas à lui en vouloir. Les relations à distance ne sont pas choses faciles et je comprends tout à fait sa réaction même si j'avais espéré qu'il serait là.

Avec un dernier baiser comme au-revoir.

Mais je me suis visiblement trompée.
Je soupire et Pauline passe son pouce sur ma joue pour essuyer la larme qui m'a échappé :

« Jade ? M'appelle mon père."

Il s'est appuyé à la voiture et attend sagement.
Je serre fort Pauline dans mes bras et elle rit nerveusement pour masquer ses larmes :

« Ramène-moi un beau gosse. »

Un son étranglé proche du rire m'échappe.
Je me retourne la laissant derrière moi.

Ne la regarde pas Jade, ne te retourne pas.

Dans un effort surhumain, je regagne la voiture. Le camion est déjà parti.
Je lance un dernier coup d'œil à Pauline, qui tamponne ses yeux avec un mouchoir en papier.

Puis, j'admire une dernière fois la maison aux volets à la peinture grise vieillie par le temps. Si mes souvenirs sont bons, mon père avait promis de les repeindre.

Dans le jardin, ma vieille balançoire me fait de l'œil, me suppliant de revenir m'y asseoir, comme au bon vieux temps. Le temps où maman me poussait...

Maman...

Je souris.

Mon père replace une de mes mèches brunes rebelles derrière mon oreille et me glisse :

« Prête ma grande ? »

J'hoche la tête et j'avoue qu'un brin d'excitation monte en moi.

La voiture démarre, et nous éloigne un peu plus de notre ancienne vie à chaque kilomètre. Notre passé comme qui dirait.

J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et appuis sur le bouton play : "Final song" de MØ.

Je regarde le paysage défiler pendant que la musique défile dans mes oreilles.

Nouveau départ. Nouvelle vie.

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Chapitre réécrit
Et ouiiii ! Je reprends "friends"n'hésitez pas à me donner vos avis sur cette partie réécrite.

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"Friends" [Édité Histoire pas complète]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant