Partie 3 - chapitre 2

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- Juliette?
- Hum?
- Je pense, très sérieusement, que cette taie d'oreiller n'a plus AUCUN plis. Vraiment.
- Gab?
- Ça fait... Euuuh... un quart d'heure que tu repasses la même taie d'oreiller.
A quoi tu penses...?

"Crois-moi mon ptit Gaby... Tu veux pas savoir..." se dit Juliette. Gabriel avait toujours été, (avec Alderic, qu'elle était une des seules à ne pas croire complètement barré), le membre de la famille duquel elle était le plus proche. Cela ne l'empêchait pas d'être proche de ses autres frères et soeurs, bien sûr, mais elle parlait curieusement plus à ses grands frère qu'à ses soeurs.
Bon, ok, il y avait aussi Jeanne, sa soeur sourde, grâce à qui elle avait pu s'exprimer en lague des signes pendant 7 ans.

En vérité...
Elle repensait à la guerre, avec toutes ses images... qui tournaient, tournaient, sans relâche, dans sa tête, et qui l'horrifiaient.
Les cadavres.
Toutes ces expressions figées, ces visages petrifiés, ces vies qui étaient restées inachevées, comme un livre arrêté au milieu d'une phrase.

Elle pensait aussi à Neville, et à ce qu'elle avait vu, et à sa lettre perdue, aussi. Au fait que ça la rendait triste.

Elle pensait à George, à Fred. Elle y pensait beaucoup.
Beaucoup trop.

Elle pensait à l'hotel et à ses chambres aux noms de personnages de littérature, qui étaient presque vides, à ses parents à côté de leurs pompes, à sa soeur Charlotte qui assumait tout, à...

- Depuis quand t'es là? Se contenta de demander Juliette.
- J'ai installé Geogeo au 4ème étage, suite Lucie, dit Gaby en guise de réponse.
Juliette se raidit légèrement en entendant le nom de la chambre. Elle posa son fer à repasser et plia sa taie d'oreiller plus que repassée en haut d'une pile de linge.
- Geogeo? George Weasley? Pourquoi tu n'es pas venu me chercher? demanda Juliette en ouvrant des yeux gigantesques.
C'est pour la suite Roméo, précisa-t-elle en désignant le tas de linge propre et plié. je monterai changer les draps tout à l'heure.

- C'est une ombre, dit Gabriel au boût d'un moment. On dirait que le mort, c'est lui.

Juliette fourra un tas de draps sales dans une des machines d'un geste brusque.
- Qu'est-ce que... Qu'est-ce tu crois? Il vient de se faire arracher une moitié de lui-même! Tu ne te rappelles p...
- Chuuut. Crie pas.

Gabriel eut un étrange pincement au coeur en pensant que c'était la première fois que sa ptite soeur élevait la voix depuis qu'elle pouvait parler de nouveau.

Le jeune homme regarda sa soeur ouvrir le hublot du 4ème sèche-linge et attraper un couvre-lit pour le mettre sur la table à repasser.

- Charlotte a pété un fusible, commença Gaby.
- Contente d'être restée en planque avec mon linge, alors, répondit Juliette avec un sourire amusé.
Le jeune homme s'assit sur une machine à laver.
- ... En fait, c'était parce que j'ai dit à George qu'on le prenait en pension tout le temps dont il aura besoin et... gratos, termina-t-il en se grattant la tête d'un air faussement détaché.

La jeune fille donna un coup de fer sur un pli de la housse de couette, et leva les yeux vers son frère.

- Ah...?
Réussit-elle à articuler dans sa surprise.

- En même temps, vu la gueule qu'il tirait, j'allais pas lui dire : "Bon, Georginounet, t'es mignon, mais c'est pas gratuit, alors ça te fera 100 Gallions, steuplaît, et on prend les chèques"

Tu parles... Je suis carrément allé le coucher, je l'ai bordé, j'ai fermé les volets, et tout... Il a pas réagi... a rien... J'avais l'impression de traîner un cadavre...

En fait, je... J'ai pensé que... Peut-être que... ça te ferai plaisir... Enfin... Enfin tu vois?

Juliette sourit en voyant son frère d'1m90 rougir et se prendre les pieds dans ses mots alors qu'il venait de porter un gars du même âge que lui pendant 3 étages de colimaçon, puis de se faire engueuler et envoyer des projectiles... "culinaires" dans la tête par Charlie, qui buvait encore et toujours trop de café, parce qu'elle avait peur de faiblir.

- Par contre, ma vieille, maintenant, tu te débrouilles, hein, parce c'est pas moi qui vais aller lui lire une histoire tout les soirs, je te le dis...

Juliette lui fourra une pile de linge propre dans les bras.

- Tiens, monte ça, au lieu de dire des conneries.

Hopewell Where stories live. Discover now