Chapitre 5

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« Dis-moi qu’tu m’aimes... Dis-moi juste que tu m’aimes. Parce que moi j’oserai jamais te l’dire la première, j’aurais trop peur que tu crois qu’c’est un jeu... »

Sophie, Jeux d’Enfants (2003)

Cambridge, 1967.

Dans la nuit noire, je regardais le paysage que je ne connaissais que trop bien. J’avais peur de rentrer à la maison : il était presque minuit, et j’avais passé la journée à Londres avec Syd et ses amis sans prévenir personne. Juste une escapade improvisée. Si ma mère l’apprenait elle allait être furieuse, bien que je sois majeure.

Lorsque le train s’arrêta à la gare de Cambridge, nous descendîmes rapidement. Syd me prit par la main, et je ne protestais pas. J’étais trop heureuse pour protester. La journée avait été parfaite. J’avais rencontré le nouveau groupe de Syd, et je devais avouer qu’ils étaient super sympas. J’espérais que pour une fois, le groupe allait marcher, plus que sur Cambridge…

Nous marchions dans les rues de notre ville, riant aux éclats en nous rappelant les bons moments de cette journée. J’allais rarement à Londres – aussi loin que je m’en rappelle, j’ai du y aller deux fois en ne comptant pas cette journée – et la découvrir sous un autre jour qu’avec mes parents était vraiment appréciable.

« C’était quand même épique de te voir courir dans la rue à la tour de Londres parce que tu te faisais courser par un corbeau, se moqua Syd, alors que nous étions au bord de la rivière.

- Eh, mais t’as vu la taille du monstre ? Il était gigantesque, c’est rien comparé aux corneilles qu’on a ici, et pourtant, elles sont déjà grosses ! »

Syd continuait de rire. Je lui donnais un coup de coude pour le pousser. Avant qu’il ne réplique, je sautais sur mon skateboard, et fonçais pour le distancer. Je l’entendais courir derrière moi en m’appelant. Je pris un peu plus de vitesse et arrivée à un des ponts qui menait sur l’autre rive, je fis un demi-tour et m’arrêtais, juste pour le plaisir d’attendre Syd qui était essoufflé.

« Ne refais plus jamais ça, Doraleen Mac Arthur !

- Un problème, Roger ? »

Il pencha la tête sur le côté et me regardait d’un faux air méchant. Il détestait que je l’appelle comme ça, mais de son côté, il savait que je ne supportais qu’on m’appelle par mon nom complet. Doraleen était déjà un prénom dur à porter, mais si en plus on rajoutait le ‘Mac Arthur’ derrière, ça faisait juste pompeux.

Histoire de l’embêter encore plus, j’ébouriffais sa tignasse, ce qu’il détestait promptement également. J’aurais du avoir plus de réactivité, car il m’attrapa par la taille et commença à ébouriffer mes cheveux. Dire que nous nous amusions comme des gamins en pleine rue, alors que les douze coups allaient sonner à l’horloge de la ville.

Nous reprîmes notre chemin et arrivâmes bientôt dans ma rue. Je jetais mon skateboard à terre et montait dessus pour arriver plus rapidement chez moi. Syd, ayant accéléré le pas, me suivait de près. Un vent frais souffla dans mes cheveux, me rafraîchissant un peu. Même au mois d’Août il était inconcevable d’avoir une température caniculaire.

« Bon, eh bien, c’est ici que nos chemins se séparent, soupira-t-il, comme déçu.

- On peut se voir dans la semaine si tu veux, souris-je. Et puis les vacances ne sont pas encore finies.

- Avec plaisir. C’est vrai que dans un mois, tu seras définitivement installée dans la capitale.

- Il était temps de quitter Cambridge. J’adore cette ville, mais je ne vais rester là toute ma vie à ne rien faire. Autant que j’étudie, d’autant que l’art est ma passion.

The Heart of the SunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant