Chapitre 3 : Jour 8 (début)

28 3 2
                                    


Il faisait sombre dans notre cellule mais de faibles rayons lumineux traversaient la petite vitre teintée qui se dressait au-dessus de moi. Ici je ne dormais jamais réellement, j'avais toujours peur de fermer mes yeux et de laisser ce monde m'engloutir avant même que je ne puisse me réveiller. En une semaine à peine, j'avais changé du tout au tout, me pliant à des règles qui me dépassaient, abandonnant mon identité et mon humanité. Je cohabitais avec elle, cette fille insupportable qui me regardait presque tout le temps de haut. Pourtant, elle n'était que le numéro 3005 de la section vingt. Elle ne faisait pas partie de cette élite que constituait la section six, et elle ne cessait de me tapait sur les nerfs, comme si nos vies n'étaient pas déjà assez énervantes. Il en était ainsi sur Tzagar, les commandants nous répartissaient par binômes pour permettre à notre formation d'être plus complète ; j'avais hérité de Gaïa. Mes compagnons de la section six étaient également accompagnés de transférés dont la durée de formation dépassait les trois mille jours, mais eux ne semblaient pas s'en plaindre.

Le numéro 3005 et moi aurions pu nous entendre, mais dès les premiers jours, elle s'était efforcée de me rabaisser ou de se moquer de moi lorsque je tentais de cohabiter avec elle. Sur Terre, elle serait probablement devenue ce genre de fille aux grands airs, l'une de celles qui vous séduisent avant de vous démontrer qu'elles sont inconditionnellement plus intelligentes que vous. Elle me méprisait et cela était réciproque. Mais là nuit, lorsque les tensions s'apaisaient et qu'elle dormait profondément, je laissais mon esprit s'apaiser en contemplant cette petite vitre rougeâtre. Parfois les rayons lumineux dessinaient des formes étranges sur le visage du numéro 3005, cela la rendait encore plus mystérieuse. J'étais sur le point de me rendormir dans mon coin de la cellule lorsqu'elle se réveilla et me toisa de ses grands yeux verts :

« -Qu'est-ce que tu fais Billy ? demanda-t'elle interloquée de me voir ainsi éveillé en pleine nuit.

-Je dors, répondis-je d'un ton sec et froid.

-Je suis presque certaine que tu ne dormais pas il y a quelques minutes.

-Ca ne te regarde pas numéro 3005.

-Je m'appelle Gaïa ! S'exclama-t'elle. Et cela me regarde, car si tu n'es pas en forme demain, nous ne pourrons pas entamer notre formation dans de bonnes conditions. Les commandants seront en colère et nous passerons un sale quart d'heure.

-Je me moque bien de ton nom, ici nous n'en avons plus, dis-je d'un ton énervé. De plus je te signale que je fais partie de la section six, donc j'ai déjà de l'avance sur toi. C'est toi qui devrais retomber dans les bras de Morphée, pas moi.

-Tu n'es qu'un crétin Billy Craker, me répondit-elle en me fusillant du regard.

J'esquissai un sourire moqueur avant de lui répondre :

-Qu'est-ce que j'ai bien pu te faire numéro 3005, pour que tu me haïsses autant ? Lui demandais-je d'un air insolent.

-Je ne te hais pas, je hais ta passivité.

-Ma passivité ?

-Comment peux-tu accepter tout ceci, comment peux-tu concevoir le fait que ton nom ne signifie plus rien pour toi ?

-Te moquerais-tu de moi ? Lorsque nous étions dans ce terrible vaisseau et que tu m'as adressé la parole pour la première fois, tu t'es presque esclaffée lorsque je t'ai fait part de ma décision de ne pas me laisser berner par ces... par ces choses ignobles.

-Je ne me moquais pas, seulement je savais à quoi m'attendre : ils ne s'encombreront pas de nous. Alors oui, ils auraient pu te tuer Billy Craker !

-Et bien soit ! Au moins je ne risque plus rien maintenant, je fais tout ce qu'ils m'ordonnent de faire.

-Tu me désespères. On devrait se battre tu sais, on devrait tous tenter de partir.

-Oui on devrait, mais c'est impossible : je te rappelle que nous nous trouvons sur une planète inconnue, à des milliers de kilomètres de la Terre, une planète ravagée par ces bêtes. Alors pour le moment je préfère faire semblant de m'adapter. Je préfère porter fièrement mon numéro, si cela me permet de rester en vie... Dis-je tout bas.

-Fort bien, c'est ton choix après tout, mais dis toi que je ne compte pas mourir ici, encore moins sous une fausse identité qui me réduit à un vulgaire nombre. Je trouverai quelqu'un d'autre pour m'aider.

-On a tous besoin d'aide ici, mais personne ne nous sauvera. On doit absolument gérer toute cette situation, aussi incongrue soit-elle. C'est une question de survie. Demain ma section doit rencontrer le roi de cette planète, et j'en apprendrai plus sur notre condition. Si tu veux je te raconterai l'entrevue.

-Cela me convient, mais j'exige de tout savoir dans les moindre détails.

-Tu ne devrais pas te montrer aussi sévère avec moi, lui répondis-je fermement. Moi aussi je ne suis pas enchantée d'être ici, mais on devrait faire en sorte que la cohabitation se passe bien. Tu es peut-être le seul être humain auquel je risque de pouvoir parler pour les années qui viennent.

-Ne dis pas ça s'il te plaît. Je ne compte pas rester ici pendant « des années ».

-Moi non plus, mais visiblement nous n'avons pas le choix.

-Oh, et où est passé ce garçon qui se fichait éperdument de l'avis de ces monstres ? Ricana-t'elle fièrement.

-Il tente de survivre, tout comme toi numéro 30...

-Gaïa ! Je m'appelle Gaïa ! Tu devrais garder ce stupide numéro pour l'entraînement de demain. Elle ronchonna et me tourna le dos, comme pour m'indiquer que notre conversation venait de prendre fin.

-Bonne nuit Gaïa, murmurais-je en m'endormant à mon tour. »

A mon réveil, elle était déjà partie, probablement rejoindre sa section pour l'entraînement de la matinée ; entraînement dont ma section avait été dispensée afin de pouvoir rencontrer le roi Legoros. Mes compagnons m'attendaient dans un grand couloir blanc, ils semblaient tendus et inquiets. En approchant, je me rendis compte que le commandant R-26 se tenait près d'eux, et que mon retard risquait d'être fortement sanctionné. Pourtant, lorsque je rejoignis mes camarades, il ne me dit rien et se contenta de nous conduire dans une immense salle dorée. De grands piliers venaient soutenir le dôme de cette étrange salle du trône, où siégeait une chose immonde et repoussante. Le commandant R-26 s'inclina et se tourna vers nous pour que nous l'imitions. Nous ne nous fîmes pas prier et nos corps se courbèrent face à ce monstre venu d'un autre temps. Je pouvais sentir la peur envahir l'esprit des autres, et moi-même je commençais à paniquer.

Lorsque nos bustes se redressèrent, la bête s'était avancée considérablement, si bien que je pouvais sentir son souffle putride sur nous. Avant même que l'un d'entre nous ne puisse dire quelque chose, le roi ouvrit la bouche et prononça ces mots ....

Suite du chapitre prochainement.

Aimez-vous ce chapitre ? Que pensez-vous que la roi va bien pouvoir déclarer ? 

Numéro 524Where stories live. Discover now