Chapitre 2 : Billy Craker-Numéro 524

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Quelques heures plus tard, un son strident réveilla Billy. En sursaut, il se hissa sur ses jambes et tenta de repérer l'endroit d'où provenait ce bruit insupportable. Il ne lui fallut que quelques minutes d'une intense observation pour se rendre compte que le vaisseau tout entier produisait ce son violent. Epuisé par ce réveil brutal, et angoissé à l'idée que cet horrible moment ne soit plus si impensable que cela, Billy retrouva sa place dans le rang, tout en espérant que le commandant R-26 ne surgirait pas soudainement devant lui. Il jeta un coup d'œil du côté de Gaïa, elle semblait sereine, mais le jeune garçon qui se tenait près d'elle paraissait toujours autant terrifié, il restait debout comme s'il avait été pétrifié et que la vie qui l'animait auparavant s'était subitement envolée. Les yeux fixés sur le garçon, Billy ne remarqua pas qu'un régiment entier d'extraterrestres venait d'entrer dans la pièce où les humains étaient parqués. Il ne s'en rendit compte qu'au moment où le souffle du commandant R-26 vint le sortir de sa torpeur. Billy détourna lentement la tête et planta son regard dans celui de la bête. Il avait des yeux jaunes comme des éclairs, aussi perçants que ceux d'un cobra s'emparant de sa proie. Ce fut exactement ce que Billy ressentit à ce moment là : il était une victime, certes une victime comme toutes les autres ; mais bel et bien une victime. Son cœur battait très fort dans sa poitrine et le sang affluait dans son crâne, comme pour l'inciter à fuir au plus vite. Mais il savait que s'échapper ne le mènerait à rien d'autre qu'à la mort. Comment pouvait-il ne serait-ce qu'envisager de quitter le vaisseau, alors qu'il devait probablement se trouver à des milliers de kilomètres de la Terre ? En réalité, Billy ne savait pas où ces monstres les conduisaient, il ne pouvait rien distinguer de là où il se trouvait, mais il était intimement convaincu qu'ils étaient sur le point d'entrer dans un nouveau monde, encore plus cruel que celui que les hommes avaient mis sur pieds.

Le commandant R-26 le fixait toujours, il le dévisageait comme l'on regarde une bête que l'on s'apprête à sélectionner. Billy aurait voulu parler, s'exprimer et manifester son incompréhension, mais il sentit qu'une telle audace serait sévèrement réprimée, et il préféra se contenir. Ce ne fut pas le cas du commandant R-26 :

« -Comment te nommes-tu ? Demanda-t'il d'un air grave.

-Billy. Répondit le jeune homme, d'une voix tremblante.

-Billy comment ?

-Billy Craker.

-Et bien monsieur Billy Craker, veuillez me suivre. »

Là encore, Billy pensa à refuser l'offre de l'extraterrestre, mais sa raison le poussa à se taire et à avancer à la suite de la bête. Complètement paniqué, il ne laissait rien paraître et décida de ne pas laisser ses angoisses prendre de l'importance. Tous les regards s'étaient posés sur lui et sur le commandant R-26 qui le brusquait pour le faire avancer plus vite. Billy croisa le regard de Gaïa qui d'une moue presque insolente murmura quelques mots, qu'il parvint à lire sur ses lèvres :

« -Pauvre Billy Craker ».

De tous côtés, d'autres commandants s'approchaient de quelques humains avant de leur adresser la même consigne. Tous avaient l'air terrifiés à l'idée qu'une de ces choses ne se place devant eux, mais ils s'efforçaient de rester calme du mieux qu'ils le pouvaient. Billy repassa le détail des derniers évènements dans sa tête, il cherchait désespérément ce qu'il avait pu faire de mal. Rien ne lui venait à l'esprit, et pour cause : il n'était pas le seul à s'être endormi, et n'avait absolument rien fait d'autre. Il s'était contenté de se fondre dans la masse et de se faire remarquer le moins possible. Pour la première fois de sa vie, Billy Craker avait aimé ressembler à tout le monde, et il se serait volontiers effacé derrière la foule pour que personne ne le distingue des autres. Pourtant ce n'était pas le genre de Billy que de ressembler à tout le monde. Depuis tout petit, il avait toujours fait le contraire de ses camarades, estimant que la vie qui s'offrait à lui ne devait pas ressembler en tous points à celle des autres êtres vivants. La routine « métro, boulot, dodo » était sa hantise, et il s'efforçait de vivre selon des principes que certains jugeaient bien trop austères. Ses propres parents l'avaient même mis en garde contre ce comportement « d'ermite rêveur aux idéaux impossibles ». Mais aujourd'hui, face au commandant R-26, Billy sentit comme une envie de coller à la normalité, pour échapper à ce que la bête lui réservait.

Numéro 524Where stories live. Discover now