Mon Dieu que c'est bon  ! J'aimerais tellement pouvoir rester sous cette douche. Je laisse l'eau bienfaisante couler sur ma peau encore un peu tandis que mes pensées continuent de dérouler le fil de ma vie.   Après avoir accouché, j'avais décidé de passer le concours de professeur des écoles. Après l'avoir obtenu, j'étais revenue vivre dans le sud de la France, près de ma mère, et j'avais décroché un poste dans une chouette petite école. J'avais un emploi stable, je gagnais un salaire correct et m'épanouissais dans mon rôle de mère. Pas une seconde je n'avais regretté d'avoir choisi d'élever mon fils. Pas une seconde non plus je n'avais cessé de croire en mon destin. Durant toutes ces années, chaque soir, après avoir couché Leo, j'avais inlassablement noirci des centaines de pages dans l'espoir d'être un jour éditée. C'était ma dernière option, mon unique joker pour réussir. Des bancs de l'école à la maison d'édition dans laquelle j'avais travaillé, on avait toujours vanté mes qualités de plume. J'avais du talent, semblait-il  ! Mais voilà  : «  Nous sommes désolés, ce n'est pas ce que recherche le public...  ».   Je me revois ce dimanche matin, prête à déposer les armes. Fatiguée de lutter contre ce destin banal, fatiguée de rêver. Pourtant, dans un ultime sursaut d'espoir, je m'étais quand même posé une question. Une simple question qui allait changer ma vie pour toujours  : mais qu'est-ce qu'il recherche, ce fichu public  ?

J'avais donc pris mon ordinateur et j'étais partie en quête des dernières tendances littéraires. Les yeux écarquillés, j'avais découvert que pour vendre, en 2016, il fallait soit s'appeler Guillaume Musso, soit avoir écrit une fanfiction érotique. Une fanfiction... C'est quoi au juste, ce truc  ? J'avais cherché frénétiquement la définition.   Fanfictions  : récits écrits par certains

fans, destinés à prolonger, à amender ou même à transformer un univers qu'ils affectionnent, qu'il s'agisse d'un roman, d'un manga, d'une série télévisée, d'un film, d'un jeu vidéo ou encore d'une célébrité.   Ok.   J'avais bien capté que Cinquante nuances de machin avait cartonné et qu'ils en avaient fait un blockbuster, mais j'étais loin d'imaginer que ce style de littérature était autant à la mode. Une grande maison d'édition avait même lancé un concours en ligne sur ce thème avec une publication à la clé. L'idée avait rapidement germé dans mon esprit.

Pourquoi pas, après tout... Il ne me restait plus qu'à trouver la star de ma fanfiction. Il me fallait un vrai mec canon, capable de faire fantasmer la minette de seize ans aussi bien que la ménagère de cinquante ans. N'ayant aucune idée des derniers penchants en matière de fantasmes féminins, j'avais tapé «  sex-symbol  » sur mon clavier. Et là, ce fut le choc. Comment avais-je fait pour ne pas le remarquer avant  ? James Knight, le nouveau sex-symbol d'Hollywood à l'affiche de Superman  ! Waouh  ! James Knight... À côté de lui, même Brad Pitt ressemblait à Robert, mon voisin de palier. Je venais de mettre la main sur Ma star.

Il était beau, très beau. Peut-être un peu trop musclé à mon goût... Non, en fait, il était parfait  : un regard bleu à tomber, deux adorables fossettes encadrant un sourire irrésistible, et un corps... Ce n'est pas possible un corps pareil, si  ? C'est ainsi que par hasard –  et aussi un peu parce qu'il était beau à couper le souffle  –, je choisis d'écrire une fanfiction sur James Knight et que je couchai les premières lignes de The Star and Me sur le papier. Trois mois plus tard, je gagnais le fameux concours d'écriture et j'embarquais pour cette folle aventure.

  Je coupe enfin l'eau de la douche. Je suis restée sous le jet une éternité. Maintenant,

c'est sûr, je vais être en retard à mon premier rendez-vous. Le programme est chargé. Je dois tout d'abord voir mon agent, avant d'enchaîner sur un déjeuner avec John Barett, mon éditeur. Et, pour finir, je vais au siège de la Warner pour donner mon avis sur le casting de l'adaptation en tant que consultante spéciale. Je regarde l'heure. 10   h   15. J'ai rendez-vous dans quinze minutes. Je m'habille rapidement. J'enfile un jean, un tee-shirt blanc et des Stan Smith. Tant pis, j'aurais aimé avoir le temps d'élaborer une super tenue d'auteure qui déchire, mais celle-ci fera très bien l'affaire. Je me fais une queue-de-cheval haute, mets un peu de poudre minérale, du blush, du mascara, et le tour est joué. Je jette un dernier regard dans le miroir. Finalement je ne m'en suis pas trop mal tirée. J'ai l'air d'être fraîche, et cette vilaine ride qui apparaît entre mes yeux quand je suis fatiguée a totalement disparu. Je compose le numéro de la réception.

—  Il me faut un taxi, s'il vous plaît... Pour quand  ? Euh... pour hier  ?  

Cinq minutes plus tard, je me retrouve à bord d'un véhicule avec chauffeur, prêté par l'hôtel. En route pour l'une des journées les plus excitantes de ma vie  !
















Superman, mon éditeur et moi ( sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant