Prologue

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Quand on est enfant, on se fait forcément une idée de la famille idéale et du grand amour, même dans une famille brisée ou détraquée. Toute jeune, j'ai eu des amoureux comme la plupart des petites filles, mais les choses n'ont pas été faciles. Les enfants n'aiment pas la pauvreté, la crasse et les odeurs de tabac, tout ce qui exhalait de moi autrefois. Mes cheveux sales, mes vieux vêtements, mes ongles noirs et mes piètres résultats à l'école ne me conféraient aucun avantage.

Je n'étais pas complexée, juste triste, solitaire et mes quelques coups de cœur restaient secrets. Je ne voulais mettre personne dans l'embarras, surtout pas moi-même.

Un jour, un de mes camarades de classe, particulièrement moqueur et désagréable, s'est approché de moi après une sortie. Il m'a alors dit une chose que je n'ai jamais oubliée.

— Tu pourrais être une des filles les plus jolies de la classe et j'en connais même à qui tu plais. Mais t'es vraiment trop mal habillée, tu fais honte comme ça et t'es moche.

J'avais envoyé chier ce petit con et ravalé ma fierté en lui disant qu'un jour, j'aurais l'occasion de m'acheter des vêtements, alors que sa tête à lui était vraiment laide, jamais il ne pourrait en changer. L'intelligence ne se monnayant pas, je me demande s'il a depuis réussi à trouver l'âme sœur, faute de charme et faute d'esprit...

En réalité, ces mots m'avaient marquée au fer rouge. Et l'image de ce que je représentais était restée ancrée en moi. La souffrance était présente chaque jour à travers les regards. J'avais peu confiance en moi et je haïssais chaque chose qui composait ma vie. Tous ceux que mon bonheur indifférait, ma mère en tête qui s'était tirée le jour de mes dix ans, mon père, rongé par ses addictions, oisif et égoïste, et la vie en général.

Lorsque j'ai eu 13 ans, ma mère a revendiqué ma garde ; j'ai déménagé, mais je n'ai toujours pas pardonné. Et si ma condition de vie s'est améliorée, de peu, j'ai toujours ressenti cet ignoble fossé entre les gens « normaux » et moi, tout en bas.

Avec un peu d'hygiène, d'argent de poche et des habits décents, le regard des autres s'est mis à changer. Surtout celui des garçons. Je suis peut-être effectivement devenue une des filles les plus acceptables du bahut, à mon très grand étonnement, mais je n'ai pas oublié. Je n'ai jamais pu oublier l'importance de l'apparence, la superficialité des regards et la petite fille blessée est restée à vif, engendrant une adolescente meurtrie et pleine de rancœur. Aucun homme ne faisait office de figure stable et paternelle dans mon entourage, personne à la hauteur en qui j'aurais pu avoir confiance. L'homme, résolument, était devenu pour moi comme une sorte de distraction sans engagement possible. J'envisageais les garçons de mon âge comme une source d'amusement dont je ne cherchais pas à ménager les sentiments. Je m'étais bâti ma propre défense.

Et unecarapace que j'aurais vraiment voulue efficace.

LIZ (Sous contrat d'édition chez Elixyria)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant