Episode 37 : Rapprochements

Depuis le début
                                    

Je sais que c'est pas l'information la plus importante de son discours, mais ça m'a fait tiquer, il fallait que je le coupe. Un demi sourire narquois appuie ma question. Yannick me répond, faussement dépité :

– Trois.
– C'est vrai ?
– Oui, je suis le plus jeune.
– Oh, trois grandes sœurs... J'imaginais pas. C'est mignon !
– Tout est relatif.

Je glousse.

– Excuse-moi, je t'ai coupé, mais oui tu n'as pas tort. Je pourrais animer ma page autrement, mais le problème c'est qu'il y a tellement de filles qui le font déjà... Et puis je ne vois aucun intérêt de parler de mes produits préférés sans pouvoir montrer ce que ça donne.
– Pourquoi tu pourrais pas montrer ce que ça donne ?
– Ben parce que... je sais pas, je vais pas...
– Je pense pas que ce soit un souci, tu peux trouver des cobayes dans ton entourage, ou même mieux, te montrer toi. Ça te permettrait de te rapprocher de ton public, de créer un lien plus fort avec tes clientes potentielles. En plus, vu que ce sera toi sur les photos, tu vas engendrer beaucoup de likes venant de tes proches, et vu que les photos d'une page sont en « Public », ton travail va apparaître dans le fil d'actualité des amis de tes amis et même au-delà, ça peut aller très vite.
– Wow, wow, wow doucement !

Il se met à rire :

– Quoi ?
– Je... Me montrer, c'est pas le but.
– Pourtant, je pense que ça t'aiderait beaucoup. Tu pourrais tirer ton épingle du jeu. Et question pratique, c'est plutôt judicieux ; le visage que tu connais mieux que personne et que tu sais le plus mettre en valeur, c'est le tien, non ?
– ...On peut dire ça.
– Alors, c'est la meilleure vitrine pour montrer l'étendue de tes capacités. T'auras même pas besoin d'en faire trop, poster un selfie amélioré de ton maquillage au quotidien, c'est amplement suffisant. Tandis qu'en utilisant un cobaye, tu vas perdre du temps et des ressources, parce que – arrête-moi si je me trompe – mais j'imagine que te ravitailler en différentes teintes de fond de teint par exemple, ça doit pas être donné.
– Non, t'as pas tort... Mais franchement, je sais pas. Je... Et puis, comme je t'ai dit, je pense pas que je tirerais mon épingle du jeu vu qu'il y a des milliers de blogueuses beauté qui font ça.
– Peut-être, mais la différence entre elles et toi, c'est que toi tu abordes le truc dans l'autre sens : tu ne tiens pas un blog pour parler beauté en espérant rentabiliser à terme, toi tu proposes déjà des services de maquilleuse en utilisant parfois ton image pour optimiser la force de ton business. Alors qu'elles, elles ont juste un blog et pas de business.

Mon Dieu, cet homme réfléchit à 300 à l'heure.

– Mais la plus grande des différences entre elles et toi, c'est que toi, tu es...toi.
– ... ?
– Peut-être qu'il y a des milliers de blogueuses sur le net, mais elles ne sont pas toi. Et je pense que chacun est différent, chaque parcours est unique et surtout chacun a sa chance.
– ...
– Moi, quand je te regarde, je vois déjà un potentiel que tu ne vois pas forcément. Je vois quelle cible tu pourrais toucher, quel moyen tu pourrais utiliser pour capter son attention pour l'orienter vers ton business et le faire fleurir.
– Sérieux ?
– C'est clair comme la sauce des grandes occasions en Côte d'Ivoire, et je suis pratiquement sûr que personne n'est sur ton créneau actuellement en France.

J'éclate de rire, il est complètement allumé et son cerveau doit carburer à l'essence, c'est pas possible autrement. Tout ce qu'il vient de me sortir rien qu'en regardant ma pauvre page Facebook est juste hallucinant. Moi je voulais simplement tenter le freelance pour faire des missions par-ci, par-là et lui voit carrément plus grand. Peut-être trop grand ; je dois avouer qu'il me fait un peu peur.

Le regard au sol et le sourire aux lèvres, je secoue lentement la tête :

– Euh... je suis sans voix.
– Désolé, quand il est question de business, je décolle vite. Faut me frapper si tu vois que je redescends pas. Mais sérieusement, je pense qu'il y a quelque chose à faire... Tu devrais vraiment te lancer.
– Je doute pas de ton flair, mais pour le fait de m'exposer, je pense que j'aurai beaucoup, beaucoup de mal.
– Pourquoi ?
– ...

Sandy KilosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant