♀ CHAPITRE 4 ♀

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Un silence s'était installé entre nous deux. Je n'osais pas lui poser des questions, elle m'intimidait un peu à vrai dire. Mais je devais en apprendre le maximum.

— Quel âge as-tu ? Demandé-je entre deux bouchées.

— Comme ça !

Elle releva sa petite paume fragile face à moi, ses cinq doigts tendus. Cinq ans. C'était une toute petite chose, frêle et innocente.

— Et toi Noa ? Me demanda-t-elle.

L'entendre dire mon prénom me faisait toujours quelque chose. Je n'avais plus l'habitude.

— Moi j'ai dix-neuf ans.

— C'est beaucoup ! T'es une maman ?

Un petit rire m'échappa.

— Non, je ne suis pas une maman.

Elle me dévisageait de ses grands yeux ronds. Elle tenait sa fourchette maladroitement, et faisait tomber la moitié de ses pâtes lorsqu'elle les portait à sa bouche.

Une fois que nous eûmes fini de manger, je me chargeai de faire la vaisselle. J'hésitai, devais-je lui parler maintenant, devais-je prendre des pincettes, comment aborder le sujet ? Puis finalement je me décidai enfin.

— Élisa ?

— Oui Noa ?

J'essuyai mes mains sur un torchon.

— Il va falloir qu'on parle ma belle.

Ses petits sourcils blonds se relevèrent sur son petit front pâle. Je l'emmenais au salon, suivie à la trace par Kira. Nous nous assîmes sur le canapé et Élisa se mit en tailleur, prête à m'écouter.

— Je vais te dire la vérité, lui dis-je. Je pense que tu es une grande fille et que tu peux comprendre. Ta maman ne va pas revenir d'accord ? (Ses yeux commencèrent à s'humidifier, je me dépêchai de continuer). Mais je suis là, et on va aller voir ton oncle, ensemble.

— Je ne veux pas, dit-elle avec une moue triste.

Je devais trouver quelque chose, quitte à mentir.

— Il le faut, les méchants messieurs qui ont pris ta maman vont revenir. Nous allons devoir partir, et ton oncle nous protégera.

Elle se mit à mâchouiller l'oreille de son lapin nerveusement.

— Et Kira ? Demanda-t-elle. Elle peut venir ?

— Élisa, écoutes, soupiré-je.

— S'il te plaît, me supplia-t-elle au bord des larmes.

Encore une fois, mon côté humain prit le dessus.

— Bon, d'accord.

Elle se leva d'un bond et prit la chienne dans ses bras. Élisa lui expliquait l'importance d'être sage et de bien se tenir, comme si l'animal pouvait comprendre. Pourtant, Kira remuait la queue énergiquement, comme si elle avait compris qu'on allait sortir.

J'avais d'autres questions à lui poser, tout un tas en fait. Qu'est-ce qu'elle mangeait ? À quelle heure elle se couchait ? Où était son père ? Depuis quand était-elle ici ?

— Ma belle, l'appelé-je. Il faut que je te demande des choses.

Elle hocha la tête et vint près de moi sagement. Il ne fallait pas que je l'effraie, mais elle devait savoir de quoi il en retournait.

— Dis-moi tout ce que ta maman t'a dit sur ce qu'il se passe là dehors, la sommé-je pour commencer.

Elle hocha la tête.

— Il faut rester cachées. Parce que les garçons emmènent les filles. Ils sont méchants. Il n'y a plus de filles, on est les dernières. C'est pour ça que je ne dois pas aller dans le jardin.

Elle savait pas mal de choses, c'était un poids en moins.

— Très bien, je vais t'expliquer ce qu'on va faire.

Elle rangea maladroitement ses cheveux derrière son oreille.

— On va marcher la nuit, parce que le jour les garçons peuvent nous voir.

— On est invisible la nuit ?

Je ricanai. Il fallait que je lui parle dans le langage qu'un enfant peut comprendre.

— Pas vraiment, les garçons dorment la nuit, donc ils ne peuvent pas être dehors. Nous allons marcher jusqu'à chez ton oncle, et peut-être que nous volerons une voiture, (elle écarquilla les yeux). Tu devras être sage et surtout très silencieuse.

Elle hochait la tête énergiquement.

— On sera comme des espionnes, personne ne doit nous voir ou nous entendre d'accord ?

— Est-ce qu'on aura des armes secrètes ?

— Oui, mentis-je. Je te les donnerais plus tard.

Je jetai un regard rapide à l'horloge qui affichait qu'il était à peine treize heures.

— Tu va faire la sieste, pour t'habituer à dormir le jour, et ce soir, nous commencerons ton entraînement d'espionne, d'accord ?

— Oui ! Dit-elle enthousiaste.

Cela me fendait le cœur. Certes, si elle dormait cela l'habituerait à prendre le rythme, mais c'était surtout un prétexte pour me débarrasser du corps de sa mère.

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