Chapitre 6

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Le calme qui règne dans la voiture semble irréel comparé au vacarme qui s'était emparé du centre commercial. Je fixe silencieusement les lignes délimitant la route qui défilent par la fenêtre. 

- Tu comptes m'expliquer ce qui vient de se passer ? 

Je tourne lentement la tête en direction de mon père sans pour autant prononcer le moindre mot. 

- Maddison... J'ai dû quitter mon bureau au beau milieu d'une réunion extrêmement importante, j'ai le droit à des explications. 

Je l'ignore et reporte mon attention sur la route. 

- Tu es grande maintenant Maddison ! Alors sois mature et parle moi, bon sang ! 

- Ne t'inquiète pas, je ne me permettrais plus de te faire perdre une seule seconde de ton précieux temps !

- Maddie... C'est pas ce que j'ai voulu dire et tu le sais. Si tu étais dans une situation délicate alors tu as eu le bon réflexe en m'appelant. Je suis heureux que tu l'ai fait... Mais je voudrais seulement comprendre pourquoi. Tu avais l'air tellement paniquée au téléphone, je me suis inquiété. 

Je n'ai aucune envie de lui en parler tout d'abord car ce à quoi je viens d'assister est difficilement descriptible, mais aussi car je ne veux pas me confier à quelqu'un comme lui. 

- Tu n'a qu'à me laisser ici, l'arrêt de bus est à 200 mètres. 

Il soupire tristement, gare la voiture sur le côté et pose son regard sur moi. 

- J'essaie Maddie, j'essaie sincèrement d'arranger les choses... Mais seul, je n'y arriverais pas. Il va falloir que toi aussi tu fasses des efforts. 

J'évite son regard durant de longues secondes avant de répondre froidement :

- Est-ce que tu peux me ramener à la maison tout de suite ? Tu ne seras pas en retard pour ta prochaine réunion ? 

- Bien sûr que je peux, ma prochaine réunion peut attendre. 

Il marque une petite pause avant de me demander : 

- Tu n'as plus envie de prendre le bus ? 

- Je veux juste rentrer le plus rapidement possible, je ne veux pas que Teddy s'inquiète. 

Je décèle une pointe de déception dans ses yeux. 

- Très bien... Alors je ferais mieux de me dépêcher. 

Nous restons silencieux durant le reste du trajet. Papa s'arrête devant la grande allée de sa propriété et prend une grande inspiration. Je comprends ainsi qu'il va certainement me ressortir l'une de ses phrases tout droit sortie d'un magazine de psychologie. Je décide donc de le devancer :

- Merci d'avoir pris le temps de venir me chercher. On se voit ce soir. 

Je saisis mon sac et sors rapidement de la voiture. Je rejoins la porte d'entrée sans accorder un seul regard à la voiture de mon père qui fait déjà demi-tour. Je n'ai pas le temps de poser mon deuxième pied dans le hall d'entrée que Teddy déboule déjà sur moi. 

- Maddie ! Mais où t'étais ? Emmanuel m'a dit que tu étais partie à la bibliothèque, mais je l'ai pas cru, c'est impossible que tu ailles dans un lieu rempli de livres de ton plein gré ! 

La remarque de mon petit frère me fait sourire et je m'empresse de passer ma main dans ses cheveux pour le décoiffer.

- J'essaie de ne pas me vexer, petit insolent ! Serais-tu en train d'insinuer que ta grande sœur manque de culture ?  

Les rires de Teddy résonnent soudain dans la maison et attirent l'attention d'Emmanuel. 

- Mademoiselle Maddie ! Vous êtes rentrée ! Votre petit-frère était bien plus difficile à convaincre que votre père... Impossible de lui faire croire que vous étiez à la bibliothèque ! 

Je pose alors un regard attendri sur ce dernier.

- C'est parce qu'il me connaît, lui. 

Je consacre le restant de ma journée à Teddy, je le laisse m'entraîner à la piscine, dans sa salle de jeu et même dans sa bibliothèque sur les dinos. Je n'évoque à aucun moment l'épisode du centre commercial car Teddy est bien trop jeune pour savoir une chose pareil. Mais malgré tout, un besoin d'en parler s'immisce peu à peu en moi. C'est pourquoi je profites d'un moment où mon frère est absorbé par un programme télé pour rejoindre Emmanuel à l'étage. 

- Emmanuel ? 

- Dans le bureau, Mademoiselle Maddie ! 

Je retrouve mon majordome sous un tas de paperasse. Il semble trier les fichiers administratifs de Papa. 

- En quoi consiste votre travail, exactement ? 

- Et bien, j'aide votre père à s'y retrouver dans toutes ses factures, j'organise ses rendez-vous, je reçois ses appels...

- Vous êtes donc un employé de l'agence immobilière de mon père ?

- Non, je suis seulement un employé de votre père, disons que je gère sa vie personnelle.

Mon ton devient soudainement froid et distant : 

- Pourquoi ? Il est incapable de la gérer seule ?... 

Emmanuel me regarde tristement. 

- Je m'excuse, ma mauvaise humeur n'a rien à voir avec vous. J'ai passé une journée pour le moins... épuisante...

Le majordome me lance alors un regard interrogateur.

- Si je vous raconte une chose totalement dingue, pouvez-vous au moins envisager de me croire ?

Emmanuel entreprend alors de s'asseoir et débarrasse un tabouret recouvert de feuilles de papier afin que je puisse m'installer en face de lui. J'inspire profondément avant d'entamer le récit de ma récente virée shopping ayant pris une tournure inquiétante. Le majordome ne prononce pas à un seul mot durant l'intégralité de mon monologue et se contente d'hocher gravement la tête. 

- Mon père est ensuite venu me récupérer sur le parking du centre commercial et m'a ramenée à la maison... Je vous avez bien dit que cette histoire était dingue. 

- Je ne vois qu'une seule explication à tout cela Mademoiselle Maddie, une hallucination collective !

- C'est ce que j'aimerais penser moi aussi, mais croyez-moi Emmanuel, tout ce qui s'est passé dans ce magasin semblait bien trop réel pour être seulement issue de notre imagination... 

Il marque alors une longue pause durant laquelle il semble réfléchir à propos de toutes les révélations que je viens de lui apprendre. 

- Vous avez l'air épuisée Mademoiselle Maddie, vous devriez aller vous reposer dans votre chambre avant le dîner. Nous pourrons reparler de tout cela quand vous vous sentirez mieux. 

- Merci de m'avoir écoutée. 

Malgré ma volonté de penser à autre chose, les images de ce matin ne cessent de tourner en boucle dans mon esprit. Je tente de me vider la tête mais finis par me résoudre à la conclusion que je ne parviendrai pas à me détendre. Je saisis mon téléphone se trouvant toujours dans mon sac et hésite de longues minutes face à la barre de recherche qui s'affiche sur mon écran. Je parviens finalement à taper les mots : Attaque, Centre commercial Le Boréale. Les premiers résultats trouvés par mon moteur de recherche s'affichent progressivement sur mon téléphone. Mon rythme cardiaque accélère à mesure que je survole les informations avancées par différents sites d'informations, ayant pour la plupart l'air sérieux et fiables. Mais c'est en lisant le titre d'un article tiré d'une grande chaîne d'information nationale que l'ensemble de mon corps se raidit soudainement.  


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⏰ Dernière mise à jour : Jun 19, 2016 ⏰

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