Chapitre 4

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Le lendemain matin, je prend soin de me lever tôt car je ne veux pas croiser Papa. Après avoir pris une douche et avoir enfilé un jean, un débardeur noir et des converses je me dirige vers la chambre de Teddy. J'entrouvre lentement la porte afin de laisser une fine raie de lumière pénétrer dans la pièce. Le rayon de soleil vient se déposer sur le visage encore endormi de mon frère. Je referme la porte sans un bruit puis me retourne sur la pointe des pieds. Je fais un bon et pousse un léger cri en me retrouvant nez à nez avec Emmanuel.
- Toutes mes excuses Mademoiselle Maddie ! chuchote-t-il
- C'est rien, j'ai juste failli faire un infarctus... Il va falloir envisager de vous faire porter une petite clochette, histoire que l'on vous entende venir.
Il me fixe d'abord sans comprendre puis quand il me voit pouffer, il saisit que j'avais seulement tenter de faire de l'humour et rit alors à son tour.
Je lui fais signe de me suivre jusque dans ma chambre.
- Je peux vous aider Emmanuel ?
- Je venais seulement m'assurer que tout allait bien, ce n'est pas tous les jours que quelqu'un est réveillé aussi tôt dans cette maison.
- Vraiment ? Mais Papa n'est pas parti travailler ?
- Non, ses nombreuses fonctions lui permettent de moduler ses horaires comme il le souhaite.
Je baisse la tête et mon expression devient tout à coup triste et renfrognée.
- Tout va bien Mademoiselle Maddie ?
Cet homme est sincèrement inquiet pour moi. Je le trouve déjà attachant et son visage rassurant me donne envie de me confier.
Alors, je lui expose toute la situation. Pendant de longues minutes je lui explique mes problèmes et je me sens réellement libérée d'un poids en racontant tout ça à Emmanuel.
- Je comprends Mademoiselle Maddie. Ça ne doit pas être facile. Mais une question me tourmente... Votre mère ? Elle ne vous en a pas parlé ?
Je me sens tout à coup stupide. Je n'avais pas pensé à ça. Maman non plus ne m'avait rien dit, pourtant elle aussi devait le savoir. Excédée par toutes ces révélations je ressens soudain un besoin immense de prendre l'air. Je me souviens alors de la raison pour laquelle je m'étais levée à une heure aussi matinale.
- Emmanuel, vous savez quel bus je dois prendre pour me rendre au centre commercial ?
Compréhensif, il m'explique en détail le trajet que je devrais effectuer pour atteindre le magasin.
- Merci beaucoup.
Je prends mon sac que j'avais préalablement préparé et commence à sortir. Prise d'une crainte je me retourne vers Emmanuel.
- Si jamais Papa vous demandez ou j'étais, qu'est-ce que vous lui diriez ?
- Que vous êtes aller étudier à la bibliothèque du centre ville.
Il me fait un clin d'œil avant de quitter la pièce en chantonnant. J'apprécie de plus en plus cet homme.

Malgré mon voyage en bus désagréable au possible, avec un homme, ses relents de transpiration et sa gaufre au nutella qui ne cesse de dégouliner dangereusement en direction de mon sac, j'atteind saine et sauve ma destination.
Le centre commercial est à l'image de toute cette ville : démesuré. Ses larges et longues allés commerciales se composent chacune de magasins en tous genres. Je passe devant une boutique de cuisine, une boutique de livres, une boutique animalière et même une boutique spécialisée dans la vente de tondeuses. Mais aucune trace de boutique de vinyles. Étrangement, ça ne me surprend pas.
Je remarque à plusieurs reprises qu'un groupe de 5 filles me dévisage avec insistance. Tout d'abord optimiste, je me laisse à penser qu'elles veulent seulement faire connaissance. Mais leur regard méprisant et leurs gloussement sournois me rappellent rapidement qu'elles ne sont rien de plus que des adolescentes de 16 ans, avec pour seuls centres d'intérêt le maquillage, les garçons et leur hiérarchie sociale.
Je repère en un seul regard la meneuse de la bande, une grande blonde à la taille élancée dont la tenue manque sérieusement de tissu. Elle a le profil type de la reine tyrannique suivie par ses fidèles sujets. Je suis consciente que ce point de vue peut sembler légèrement cliché et digne de ces mauvais films sur les lycées américains, mais c'est pourtant la triste réalité.
Leur comportement de gamines pourries-gâtées me conforte dans l'idée que je ne serais jamais l'une des leurs.
Je les fixe quelques secondes d'un regard froid qui en dit long sur ce que je pense d'elles. Je ne veux pas qu'elles se réjouissent d'une quelconque victoire. Je tourne ensuite les talons et me dirige d'un pas assuré jusqu'à un escalator menant au troisième étage. J'entends des rires moqueurs et des insultes fuser dans mon dos. "Et la nouvelle ! On veut pas se faire de nouvelles amies ?", "Bah t'en vas pas, un manque de style pareil ça peut s'arranger !", "Je crois qu'on l'a froissée les filles, en même temps avec une tête pareille la vie doit déjà être compliquée pour elle..."
Je reste de marbre et enjambe quatre à quatre les marches de l'escalier roulant. Quand enfin je suis hors de leur portée et assez loin pour que leurs voix de harpies ne m'atteignent plus, j'expire profondément et tente de calmer mes nerfs sous pression. Je ne comprends vraiment pas ce que ça leur apporte d'agir de la sorte.
Même si l'ambiance qui règne à la maison est loin d'être détendue, je ressens malgré tout le besoin de rentrer. Je fouille dans la poche avant de mon sac afin de regarder le prochain bus que je pourrais prendre pour quitter ce stupide centre commercial. Mes doigts rencontrent enfin le dépliant avec les horaires de bus, qui s'est évidemment logé sous la tonne d'objet en tous genre présents dans mon sac. Pas de bus avant 10h. Je soupire en comprenant que je ne pourrais rentrer que dans 40 minutes. Je prends mon mal en patience et décide d'explorer le troisième étage du bâtiment.
Il est aussi grand que les deux premiers, mais je découvre cette fois-ci des boutiques bien plus intéressantes. Je repère notamment un adorable magasin d'art. J'entends par là un magasin dont les vitrines sont remplies de palettes de peintures, de toiles, de crayons, de craies grasses et de pleins d'autres petits objets colorés.
Je met dix bonnes minutes à atteindre le bout de l'allée marchande. Je suis sur le point de faire demi-tour quand une insigne dont la forme m'est familière attire mon regard. Elle annonce : Vinyle's Shop et est évidemment en forme d'un gros vinyle. Je relis à plusieurs reprises l'inscription sans réellement parvenir à y croire. Une boutique de vinyles dans ce magasin ? Incroyable mais vrai. Ravie de ma trouvaille je me dirige vers l'intérieur de la boutique, mais un cri strident me coupe soudain dans mon élan.

Ne pas ouvrir, morts à l'intérieur...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant