Chapitre 3

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- Maddie ! Maddie !
La voix de Teddy m'extirpe peu à peu de mon sommeil.
- Quoi...?
- Viens voir !
- Teddy... Pas maintenant...
- Mais ça va faire plus de 2 heures que tu dors !
Dans un effort surhumain je parviens à ouvrir entièrement les yeux et je m'aperçois que la nuit commence en effet à tomber.
- Bon... Qu'est-ce qu'il y a ?
- Il FAUT que tu viennes voir ma chambre, et le jardin, et la piscine, et...
- Teddy on va rester ici pendant au moins 2 mois, j'aurais largement le temps de voir tout ça, tu crois pas ?
Je me redresse difficilement et essaie d'éviter le regard implorant de mon frère.
- Maddie...
- Bon d'accord... Je te rejoins dans 5 minutes, laisse moi juste le temps de me changer.
- Oui !!
Il me serre quelques secondes dans ses petits bras avant de sauter gaiement jusque dans le grand couloir de l'étage. Je retire donc mon débardeur blanc froissé et enfile le premier t-shirt qui me tombe sous la main en ouvrant ma valise.
Teddy s'improvise alors agent immobilier, et même si Papa nous a déjà présenté la maison je préfère largement écouter les explications farfelues de mon frère.
- Et là c'est ma chambre ! T'es prête ?! me demande-t-il d'une voix surexcitée.
Je hoche la tête en le laissant me saisir la main et me tirer avec énergie dans son antre. La chambre de Teddy est incroyable et je comprend désormais son enchantement. Tout dans cette pièce est inspiré des dinosaures : du lit mezzanine en forme de T-Rex jusqu'au rideaux imprimés raptors.
- Ouah... C'est super Teddy !
Il hoche énergiquement la tête et sans cesser de sourire, il m'indique une bibliothèque gigantesque également en forme de dinosaure.
- Regarde-ça ! Des tonnes et des tonnes de livres sur les dinos !
Après m'avoir fait une description détaillée de l'intégralité des meubles, objets et même tapis présents dans sa chambre, Teddy m'entraîne dans le jardin. Enfin si l'on peu qualifier ça d'un jardin. Toutes les baies vitrées de la maison communiquent avec la terrasse extérieure sur laquelle de nombreux petits coins "détente" ont été installés. De magnifiques salons d'extérieur sont visibles sur chaque extrémité de la terrasse, ainsi que de nombreuses tables en fer forgé sur lesquelles reposent des vases de fleurs. Mais le plus grandiose reste tout de même l'immense piscine à débordement qui se dresse devant nous.
- Tu penses qu'on peut aller se baigner ? me demande-t-il
- Il doit être presque 19h Teddy, tu auras tout le temps de profiter de la piscine, t'en fais pas.
J'entends des pas derrière nous puis la voix de Papa.
- Tout se passe bien les enfants ? La maison vous plaît ?
Teddy se jette dans ses bras.
- C'est trop cool ici Papa ! Et ma chambre, elle est géniale !
- Je savais qu'elle te plairait mon grand. Et toi Maddisson, qu'est-ce tu en penses ?
Je fais un effort pour avoir l'air sincère.
- C'est très beau, on va se plaire ici.
- J'en suis sur ! Bon et si on rentrait ? Le repas est prêt. Vous avez faim ?
Comme à son habitude lorsque l'on parle de nourriture, Teddy est le premier à se diriger vers la salle à manger.
Le dîner est succulent, il se compose d'une tranche de viande tendre et de petits légumes mijotés, nous avons même le droit à un fondant au chocolat pour le dessert. L'employée qui se charge de la cuisine s'appelle Maria, c'est une petit femme potelée qui arbore toujours un sourire chaleureux. Je trouve hallucinant que Papa ait les moyens de rémunérer autant de personnes lorsque Maman économise des mois entiers pour un nouvel aspirateur. Mais je sais que la raison à cette inégalité n'est pas l'égoïsme de Papa mais plutôt la fierté de Maman qui refuse toujours d'admettre qu'elle a besoin d'une aide financière de son ex-mari. Je sais aussi que Papa a essayé à plusieurs reprises d'offrir de l'argent à Maman, mais elle l'a évidemment refusé. Je l'admire énormément pour ça, pour le fait qu'elle ait refusé d'emprunter la voie de la facilité. La voix de Teddy coupe soudain le fil de mes pensées.
- C'est quoi ton nouveau travail papa ? Tu es toujours agent immobilier ?
- Et bien disons qu'avant je n'étais qu'un simple cadre et que depuis le départ de mon patron j'ai été désigné comme son successeur.
Perplexe, je lui demande :
- Mais donc tu ne travailles plus dans la même entreprise que Maman ? La sienne a fermé...
- C'est compliqué Maddisson...
Je le fixe sévèrement.
- Je suis sûre que je pourrais comprendre. 
- Et bien, disons que dans le monde des affaires il faut savoir faire des choix difficiles...
- Des choix difficiles ?
- Quand je suis devenu le patron de l'entreprise, je me suis vite rendu compte que le siège principale situé dans cette ville était largement suffisant et que nos autres agences n'étaient pas bénéfiques à l'entreprise. Alors j'ai...
Mon sang ne fait qu'un tour.
- Alors tu as fait fermer les autres agences, dont celle de Maman.
Un silence pesant s'installe alors. Teddy baisse tristement ses yeux en direction de son assiette. Je lui saisis la main et lui souris faiblement. Je ne veux pas que toute cette histoire l'affecte.
- Viens Teddy on va débarrasser nos couverts. Maria se jette alors sur nos assiettes sans nous laisser le temps de faire quoi que soit.
- Non non laissez ! repète-t-elle sur un ton paniqué
- Va dans ta chambre Teddy, je te rejoins dans une minute. Je l'embrasse tendrement sur le front et l'observe monter les escaliers quatre à quatre. J'inspire profondément avant de me retourner froidement vers mon père.
- Tu comptais nous avouer ça un jour ?
- Maddisson...
- Moi c'est Maddie ! Arrêtes avec ce nom !  
- Ok pardon. Maddie, le monde du travail est bien plus compliqué que ce que tu peux penser. En tant que patron, j'ai des sacrifices à faire et...
Je le coupe violemment :
- Des sacrifices ?! C'est vrai que ça a dû être difficile pour toi de retirer l'emploi de centaines de personnes histoire d'augmenter le chiffre d'affaire de ta chère agence !
- Ce n'est pas aussi simple...
- Oh mais si ça l'est ! Car au fond je me fiche des tenants et des aboutissants, tout ce que je sais à présent c'est que si Maman est dans une situation aussi merdique c'est uniquement de ta faute !
Ne l'écoutant plus, je fonce en direction de l'étage. J'entends au loin la voix brisée de Papa.     
- Maddie... Je t'en prie...
Je l'ignore royalement.

En me rapprochant de la chambre de Teddy j'entends des sanglots étouffés, j'accélère mon pas et tente d'ouvrir la porte avant de me rendre compte qu'elle est verrouillée.
- Teddy... C'est moi, ouvre s'il te plaît...
Je patiente quelques secondes avant d'entendre la clé faire un tour dans la serrure. C'est un petit garçon aux yeux rougis par les larmes qui se tient dans l'encadrement de la porte. Je m'approche de lui et l'attire avec douceur contre moi. Je me met sur les genoux afin d'être à sa hauteur puis je balaye avec ma main les larmes qui ruissellent sur ses joues.
- Faut pas pleurer Teddy, ça va aller.
Il recommence alors à sangloter et enfouie son visage dans mon cou. Je resserre mon étreinte sans cesser de lui répéter que tout va bien se passer. Au bout de longues minutes, Teddy se redresse et plante son regard dans le mien.
- Je dois en vouloir à Papa ?
Je réfléchis un instant à ma réponse.
- Non, bien sur que non. Ce sont des histoires de grands.
- Mais toi, tu lui en veux...
Ne sachant pas quoi répondre, je passe une de ses petites boucles blondes derrière son oreille.
- Maddie ?
Je lui réponds d'une voix douce :
- Oui ?
- Tu ne vas pas partir vivre avec Maman dans son T2 et me laisser ici tout seul, hein ?
- Jamais je ne ferais une chose pareille Teddy ! Toi et moi on est un lot, c'est ensemble ou rien.
Il me sourit tendrement avant de grimper dans le T-Rex qui lui sert de lit.
- Bonne nuit Maddie.
J'escalade l'échelle de la mezzanine et dépose un baiser sur son front.
- Bonne nuit Teddy.

Ne pas ouvrir, morts à l'intérieur...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant