Chapitre six

Depuis le début
                                    

Son masque impénétrable était tellement parfait qu'il ne pouvait qu'être durement travaillé. Il frotta ses mains les unes contre les autres et s'approcha de nous. Pas un sourire, pas un fronçement de sourcils, pas un tic.

-Vous êtes la famille de Mme. Tomlinson?

Mon père se leva, raide, et tendit sa main au médecin.

-Son mari, Bartholémé Tomlinson.

Louis se leva lui aussi, et se posta à côté de mon père.

-Louis, le fils. Comment va ma mère ?

Mon père posa une main sur l'épaule de son fils et lui serra, lui offrant un sourire rassurant.

-Je vais être honnête avec vous, nous sommes sceptiques concernant l'état de votre femme. Je vis mon père pâlir. On ne sait pas ce qu'il se passe, ce qu'il lui arrive mais ce n'est pas un cas isolé. Elle est maintenant stabilisée, mais on ne sait pas si elle va rester comme cela et quand ça changera... Quand à son coma, elle y est toujours plongée profondément, et on ne sait pas quand et si elle se réveillera.

Encore une fois, les mots d'un intervenant médical flottaient dans l'atmosphère lourde. Peu importe leur grade, leurs mots pouvaient détruire des familles, des personnes. Je vis Louis serrer les poings alors que mon père semblait avoir pris dix ans tellement le poids de ces mots l'accablait.

-Comme je l'ai dit, son état est stable mais s'est considérablement aggravé, et nous n'avons aucun moyen de traitement. Jusque là, les patients admis dans le même état sont dans le même cas sans que l'on ne puisse rien faire. Je crains que...

-Non non non, je vous interdis de le dire, dit Louis en passant devant mon père pour se mettre devant le médecin. Vous n'avez pas fait autant d'études pour me dire que vous ne savez pas quoi faire ni ce que c'est. Et sans vouloir vous offenser, vous semblez avoir suffisamment de métier pour avoir déjà fait face à ce type de situation où tout semblait perdu. Maintenant, vous n'allez pas laisser cette épidémie ou cette chose décimer des familles entières sur Londres, donc vous et tous les médecins de cet hôpital, qui je l'espère sont assez qualifiés et plus enclin que vous à trouver une solution, fassent un petit effort.

Le médecin allait répliquer quand son biper sonna. Sans s'excuser, il fonça dans le dédale de couloirs que constituait l'hôpital. Louis soupira et ses épaules s'affaissèrent alors que mon père restait debout, le regard fixé sur le sol.

-Vous pensez qu'on peut rentrer ?, demanda Nash.

-Manquerait plus qu'on ait pas le droit, dit Louis en poussant la porte.

On s'avança tous dans la petite pièce. Mon père fonça au chevet de ma mère et lui prit la main. Elle avait toujours le même masque qui lui cachait le visage, mais dessous, elle avait considérablement pâli. J'avalais ma salive difficilement. La peur m'étreignait la gorge et je n'osais pas avancer comme tout le monde le faisait. Elle semblait si fragile...

-S'il te plaît Julia, ne nous laisse pas, dit mon père d'une petite voix.

Je crois que cette scène nous déchira tous le cœur en petits morceaux. Mon père semblait sur le point de s'effondrer mais gardait la face devant ses enfants. Comme un peu tout le monde ici.

Another World. hsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant