Chapitre 4 - Prochaine étape

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Des bruissement, un craquement sec, un grognement féroce à quelques mètres d'elle. Sans plus attendre, la jeune fille se retourna vers la source du bruit. Un grand canidé lui faisait face, montrant ses crocs d'un air menaçant, alors Elna emplit ses poumons d'air et tenta d'utiliser ses nouvelles cordes vocales pour les faire vibrer selon ses attentes, sans succès. Elle reprit de l'air, mais trop tard, l'animal lui sautait dessus, refermant ses mâchoires sur sa gorge, sans serrer.
- Échec et mat.
La jeune fille s'indigna, allongée au sol sous l'ennemi :
- Mais je n'y arrive pas !
- Il faudra bien, la Sirène t'a fait don de la manipulation. Ça m'a l'air très utile personnellement, répondit Dryan.
Il était accroupi un peu plus loin, à l'ombre sous un arbre, la regardant avec un sourire narquois. Il avait l'air très fier de ses chiens.
- Allez Botch, vient, c'est au tour de Nu de s'amuser.
L'ami canin le rejoignit, libérant ainsi Elna, en poussant un petit gémissement pour se plaindre.
- Hey, pas de jalousie, tonna-t-il séchement.
Il semblait que ce cher protecteur n'aimait pas la jalousie nota la jeune fille en se redressant.
- Je préfèrerais m'entraîner un peu seule d'abord...
- Et comment comptes-tu voir ta progression sans "victime" à contrôler ?
- Mais... Nu et Botch pourraient simplement rester assis et...
- Nous mourrions d'ennui, la coupa-t-il.
Elle marmonna d'un air boudeur.
- Ou alors essaie sur moi, déclara-t-il.
La fille louve devint rouge comme une pivoine.
- Mais... Je ne saurais pas quoi t'ordonner !
- Ce que tu veux, chantonna-t-il en trottinant vers elle tout heureux.
- T'as l'air enchanté à cette idée toi...
- Bien sûr, je vais voir ce que ma petite louve adorée veut me faire, fit-il avant de siffloter.
- Mais arrête ! Je ne veux plus te voir ! clama-t-elle plus gênée que jamais.
Cependant, à cet instant précis, sa voix était différente d'accoutumée. Et à sa plus grande surprise encore, Dryan se dirigeait loin de la portée de sa vue.
- Botch, Nu ! J'ai réussi ! exprima-t-elle avec joie et fierté, sautillant sur place.
Petit problème, Dryan s'éloignait toujours plus, et elle ne le vit plus au bout de quelques minutes.
- Euh... Dryan ? Tu peux revenir, c'est bon...
Cependant il ne revenait pas, restant caché derrière des arbres.
- Elna... Une force m'en empêche, essais de redonner un ordre ! hurla ce dernier pour se faire entendre.
La jeune fille se concentra donc pour essayer de ressentir ses nouvelles cordes vocales vibrer avec la douceur qu'elle avait senti en lui ordonnant de partir.
- Tu peux revenir.
...
Rien.
Elle tenta d'autres fois sans plus de succès et la situation commença fortement à l'ennuyer. Un air espiègle passa alors dans ses yeux.
- Aux pieds Dryan ! s'amusa-t-elle.
- Je ne suis pas un chien, gronda l'homme vexé.
- Vilain Dryan, vient aux pieds, allez !
- Va te faire... fit-il en ne voulant pas finir sa phrase.
- Han ! Je ne t'imaginais pas dire ça !
- Ni moi t'entendre me parler comme à un chien.
- C'était pas méchant, s'expliqua-t-elle d'un air boudeur.
- M'en fout !
Au ton de sa voix, Elna l'imagina très bien faire la moue en croisant les bras dos à un arbre et elle se mit à rire légèrement.
Derrière son arbre, Dryan se mit à sourire en fermant les yeux. Il n'était pas réellement vexé. Il adorait ce genre de petits jeux, et il se sentait bien. Le rire d'Elna était adorable. C'est tellement agréable de faire rire les gens. Mais il préférerait la voir.
- Essaie de te rappeler de la sensation que tu as eu lorsque la Sirène t'as manipulée peut-être ? proposa l'homme de plus en plus dépité.
Elna se concentra de nouveau et réessaya.

- Bon... On va faire comment pour passer la nuit? s'enquit Dryan sans plus d'espoir.
Le soleil se cachait derrière les montagnes tandis que la journée se finissait. La Bête les avait rejoint et avait l'air d'apprécier le spectacle.
- Elna peut dormir contre moi pour se protéger du froid dehors si tu le souhaites petit homme, ronronna la déité.
Dryan s'imagina très bien "l'envie folle" qu'avait Elna de passer la nuit entre les pattes de cette créature après tout ce qu'il s'était passé depuis le début de son aventure.
- Je crois que je vais lui laisser mon lit, après mûre réflexion, mais une couverture ne serait pas de refus.
La jeune fille entra donc dans la grotte et donna la peau d'ours à Nu pour qu'il la passe à son maître. Puis elle regarda la grotte. Un lit, une pile de peaux dans un coin, une sorte de cheminée, un paravent, le fond bloqué par des briques colmatées... Un vrai petit nid douillet. En se rapprochant du lit, elle heurta quelque chose avec son pied. En se baissant, une pile de livres lui apparu, puis un carnet tout jauni et couvert d'éclaboussures de sang capta son attention... Elna tendit la main pour l'attraper puis commença à le feuilleter.
Des dessins, d'une fille toute en noire lui apparu sur la première page. Merveilleusement bien faits. Sur l'autre page, un dessin enfantin représentait un garçon aux grandes - gigantesques même - ailes noires.
- Dryan...
La Bête entra dans la caverne et s'intalla près du feu.
- Ferme le rideau à l'entrée élue, tu devras travailler dur demain pour maîtriser ton pouvoir.
- ... Quelle est la prochaine étape ?
La déité gromella pensive.
- Le plus proche me semble être Squlékta, le serpent des sables, Dieu de la mort.
Dieu de la mort... Après la manipulation, l'art de l'assassinat. La mission que lui confiait les Dieux l'inspirait malheureusement de moins en moins.
- Quel est les but de ma mission ? osa-t-elle demander en rassemblant son courage.
Les oreilles de la Bête se redressèrent et il la regarda comme jamais encore. De la curiosité ? De l'intérêt ?
- Comment dire... Tu devras permettre au monde de se métamorphoser.
La déité renifla brusquement avant de poser son imposante tête entre ses pattes pour dormir.
- Dors maintenant petite humaine. Je suis fatigué.
Sans faire de bruits, Elna s'installa dans le lit froid de son hôte et s'enroula dans ses couvertures avant que le grognement de la Bête la fasse se rappeler du rideau à fermer. Une fois sa tâche accomplie, elle caressa le dos du journal qu'elle n'avait pas lâché et se réinstalla au chaud. Assise les jambes croisées, elle posa l'ouvrage entre ses cuisses et le feuilleta.
Pleins de dessins, de splendides dessins.
Ils n'étaient pas forcément réalistes, mais ils n'étaient pas dans un style de bande dessinée non plus. Ils étaient juste beaux, cherchant à harmoniser les formes, mais sans une seule couleur. Du fusain, du graphite, de l'encre noire, tels étaient les éléments qui agrémentaient les pages jaunies par le passage des doigts et du temps. Une jeune fille, des lapins, des papillons, des oiseaux, et un enfant, dans l'ombre, qui pleurait des larmes de sang étaient les dessins qui se répétaient le plus. Il semblait n'y avoir que des dessins de Dryan, si ce n'est la deuxième page qui le représentait avec un style enfantin. Puis la fille louve se concentra sur les tâches de sang. Des pages froisées et déchirées semblaient être à l'origine des tâches sur les autres. Le livre avait donc été manipulé les mains couvertes de ce sang, et pas qu'un peu... Des pages manquaient. En caressant les traces rouges, Elna crut ressentir toute la rage, la détresse et le désespoir de celui qui avait abîmé ces magnifiques créations. Ce sentiment froid lui pénètra dans les veines, faisant s'emballer son cœur avec un sentiment de pur effroi. Sans plus tarder, elle remit l'ouvrage sous le lit et essuya ses mains frénétiquement sur ses vêtements, les larmes perlant dans le coin de ses yeux.
- Oh non... Faites que je n'en rêve pas, s'il vous plaît... Je ne veux pas savoir l'histoire de ce livre...
Terrifiée, elle joignit ses mains en face de son visage et pria le Loup des songes - nom commun de la Louve Céleste - de lui permettre de ne pas à voir les horreurs que souhaitait partager l'objet avec elle. C'était l'histoire de Dryan, pas la sienne, et elle ne voulait pas empiéter sur ce territoire de sa vie. Elle ne le connaissait que depuis quelques jours, tout au plus une semaine ! Si jamais elle voyait ses plus sombres secrets... Comment pourrait-elle lui faire face de nouveau ?
Elle pria ainsi plusieurs longues minutes, essayant de vider son esprit des sensations qui avaient emprisonné son cœur. Puis la fatigue prenant le dessus, elle s'allongea et laissa le monde des songes l'accaparer. Mais l'anxiété ne l'avait pas entièrement quittée et un enfant couvert de son propre sang avec ses ailes arrachées vint la visiter dans le monde onirique, les larmes inondant son visage.

L'Enfant louve et la BêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant