Chapitre 2 - L'oiseau chanteur (partie II)

38 1 0
                                    

Elna ouvrit les yeux lentement. La yourte était plongée dans la pénombre car le feu avait été éteint. La fille louve sursauta en sentant une boule duveuteuse se frotter contre sa cuisse. Contre toute attente, les chiens étaient venus chercher de la chaleur contre elle. Ils ressemblaient à des husky, mais avec un pelage rêche et frisé, probablement des chiens bâtards. L'un d'eux poussa un bâillement et Elna se blottit contre lui. Les chiens avaient été ses plus grands compagnons toute sa vie. Elle se sentait aussi étrangement à sa place auprès d'eux. Peut-être une sorte d'instinct animal de par ses gènes particuliers ? Puis elle redressa ses oreilles. La Bête l'appelait. Elna chercha Dryan du regard. En le regardant dormir paisiblement, elle repensa à ses blessures. Sa peau la démangeait, signe de guérison. Il faudra absolument qu'elle lui exprime sa gratitude à son réveil! Même s'il l'avait mise mal à l'aise. En se redressant, les chiens se levèrent et la suivirent.
- Non, recouchez-vous! chuchota-t-elle en vain.
Les chiens ne bougèrent pas d'un poil, la regardant avec une lueur d'intelligence surnaturelle dans les yeux. Ils semblaient comprendre tous ses mots. Alors elle tenta de les pousser dans leur coin au fond de la yourte. Le processus lui fit perdre l'équilibre et elle écrasa le pied de son hôte endormi au passage. Dryan se redressa lentement, puis se mit à faire un sourire en coin en comprenant la situation. Elna le regardait comme un lapin prêt à détaler sous le coup de la suprise.
- Ne t'inquiète pas, je leur ai ordonné de te surveiller. Et la Bête est au courant. Je ne voudrais pas qu'Il blesse mes plus proches compagnons, expliqua-t-il en continuant de sourire amusé.
- Oh très bien... Désolé pour le dérangement alors, bouda-t-elle en accentuant sur les voyelles les oreilles baissées.
Vexée, elle se dépécha de sortir de l'habitation de son sauveur, avant de se rappeler qu'elle s'était promise de le remercier. En poussant un long soupir, elle rentra de nouveau. Face à ses yeux qui la fixaient, elle rougit et oublia tout pendant une fraction de seconde. En revenant à elle, elle grogna en rebaissant ses oreilles puis marmonna :
- Merci...
Dryan la regarda s'enfuir de la tente un peu abasourdi puis se frotta le menton, sentant ses joues chauffer un peu.
- Vraiment adorable... Cela en est troublant.
Puis il gloussa doucement. Sa compagnie le sortirai un peu de sa mélancolie quotidienne. Il en remerciait les Dieux d'avance.
- Me mettre à l'écart n'était pas mon choix en un sens, merci de m'accorder enfin un peu de compagnie.
Puis il regarda les ailes accrochées au mur.
- Ésperons que cela ne finisse pas une fois de plus en drame...

La jeune fille se précipita dans la grotte de son Dieu, transformée en louve pour avoir moins froid et aller plus vite. Son pelage était plus abimé qu'à l'ordinaire et sa peau la démangeait davantage. Ses blessures se répercutaient donc sur toutes ses formes, qu'elle soit louve ou humaine. Devant son Dieu elle s'inclina et attendit son fameux grognement habituel avant de se redresser lentement. Elle était de plus en plus terrorisée par cet être divin. Puis Il commença à parler.
- Chiens, sortez.
Et les canidés obtempérèrent sans se retourner.
- Ces chiens sont un très beau cadeau ma foi, grogna la déité.
- Un cadeau? Dryan ne me les a pas offerts! Si?! s'exclama-t-elle effarée.
- Non, ils lui ont été remis par la Sirène, contesta la Bête avec un reniflement de dédain. Il est son serviteur.
Elna hocha la tête. Elle s'en doutait depuis qu'ils avaient discuté la veille. Elle remarqua qu'Il la fixait intensément.
- Montre-moi tes blessures.
Se sentant comme un vulgaire bout de viande vivant sous ses yeux, elle obéit sans gêne en se remettant sous sa forme humaine. Il l'examina quelques minutes avant de souffler puissamment par ses narines.
- Le garçon est trop consciencieux, nous partirons demain à l'aube, il pourra nous suivre s'il le désire pour te guider.
Elna ne put cacher sa joie, se mettant à remuer sa queue frénétiquement.
- C'est pathétique de voir ton propre corps te trahir de la sorte. Il te faudra cacher ces oreilles et cette queue lorsque tu iras dans des villages humains.
- Entendu, fit-elle le plus sérieusement du monde.
La jeune fille voyait la sagesse qui se cachait derrière ces paroles. Remarquant que la Bête se recouchait au fond de l'antre pour commencer sa nuit au milieu des ossements de ses proies, elle se courba pour le saluer et ressortit dans la neige, en louve. Le vent la regaillardit en caressant son pelage. Elle se sentait si bien, si libre. Quel bonheur de pouvoir enfin voir le monde en dehors de sa cave de dix mètres carrés, éclairée par des bougies pour annoncer le jour pendant seize longues années. Ses premiers jours de voyage avec la Bête avaient été particulièrement douloureux pour Elna, et ce pour plusieurs raisons. Déjà l'effort physique, puis ses yeux non habitués à la lumière vive du soleil, mais surtout, la solitude, la peur, et le fait que sa famille lui manquait atrocement.

L'Enfant louve et la BêteWhere stories live. Discover now