17. Xyrus le squatteur

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Je discutais avec mon éditeur de cette histoire que j'aime bien et il m'a fait la même remarque que pour Immortels à savoir que c'est trop court. Hors j'ai peu de facilité à étayer mes descriptions lorsque mon récit est à la première personne comme ce fut le cas jusqu'à maintenant. J'ai donc essayé de basculer ce chapitre à la troisième personne, dites-moi ce que vous en pensez, si cela ne vous plaît pas, je le réécris à la première personne et je garde la troisième pour la version publiée. Si cela vous plaît je basculerai les précédents chapitres afin que l'ensemble du récit soit homogène. 

Bonne lecture. 

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En vérité Xyrus ne gérait pas grand-chose, il était même paniqué, terrorisé par la fureur maternelle qui à coup sûr lui exploserait au visage. Il avait assommé Allya pour deux raisons, qu'elle ne parte pas dans cette folle quête de l'Equilibrium et qu'elle ne le voit pas craquer. Perdre son aptitude à voler après son accident fut un choc mais en comparaison de la situation actuelle ce n'était rien. Il avait violé les règles de son clan, plusieurs fois. Sa fuite le condamnerait à porter des chaînes pour une période indéterminée et si sa mère apprenait pour le dragonneau elle le tuerait sans hésiter. Lui, le bébé, Allya, ils allaient tous y passer. Xyrus n'arrivait pas à se souvenir qu'il y ait eu un précédent dans l'histoire de son clan. Etre le premier ne le rassurait pas vraiment.

Il regarda son petit enroulé autour de sa mère et décréta qu'il était temps de partir, la destination était inconnue mais rester sur place était le moyen le plus sûr de ne pas l'atteindre. Il mit en vrac les affaires d'Allya dans un grand sac de toile qu'il avait trouvé au fond de la grotte. Puis il changea d'apparence, prit le sac dans une patte et Allya dans une autre après avoir détacher son petit. Lui finit dans sa gueule, c'était encore le moyen le plus sûr de ne pas le lâcher. Il décolla et décida de se laisser porter par les vents du nord. La meilleure solution eut peut-être été de fuir le plus loin possible de Terrenor et de sa mère mais ce royaume était synonyme de sécurité à ses yeux. Il navigua donc dans les grands courants aériens et survola son monde en quête d'un lieu qui pourrait les accueillir. Il évita le volcan et s'en fut plus à l'ouest, vers le couchant. Même à tire d'ailes le royaume était immense, Xyrus vola pendant des heures sans en atteindre les limites.

Leur refuge se détacha des nuages, baigné par un soleil rouge. C'était un pic isolé en haut duquel son clan avait construit une forteresse. Elle avait été partiellement détruite par les guerres successives mais n'avait jamais cédé. Peu de dragons y venaient, l'occupant actuel n'était pas très agréable du fait de son exil mais cela serait plutôt un avantage. Xyrus atterrit sur une petite plate-forme d'envol et conserva sa forme de dragon. Il était possible que l'hôte ne soit pas très amical. Il eut à moitié raison car une silhouette se détacha bientôt du seuil de la porte. Un vieux dragon vint à sa rencontre en boitant et ne semblait pas spécialement heureux de le voir.

— Alors elle s'est enfin décidée ? Je pensais qu'elle enverrait Yelenda, quoique elle ne risquerait pas la vie de son aîné. Je te préviens petit il te faudra user de toutes tes forces pour m'abattre, je ne vais pas me laisser faire.

— Je ne suis pas là sur ordre de ma mère, répondit Xyrus en inclinant la tête en signe de salut. C'est même le contraire, je la fuis.

— Tiens donc ? ricana le vieux dragon, toi aussi tu as essayé de lui arracher sa couronne ?

— Presque grand-père, admit Xyrus en posant Allya sur le sol.

Le dragon prit forme humaine et se transforma en un homme voûté, large d'épaule, avec une longue chevelure blanche et une petite barbe de la même couleur. Il s'approcha d'Allya, glissa un bras sous ses épaules, l'autre sous ses genoux et se redressa.

— Joli brin d'humaine, tu t'es entiché ?

Pour toute réponse Xyrus ouvrit la gueule, déposa avec soin son petit par terre puis redevint humain avant de l'enrouler autour de son cou et de saisir le sac qu'il avait emmené. L'ancien n'eut pas besoin qu'on lui fasse un dessin pour comprendre ce qu'il en était.

— Ta mère va te tuer, elle va tous vous tuer, et moi avec pour t'avoir aider.

— Elle ne doit pas savoir que nous sommes là.

L'ancien soupira et secoua la tête avant de partir en direction de la forteresse, il invita Xyrus à le suivre à l'intérieur. Les pièces étaient taillées pour les dragons mais également meublées pour les humains. Du plafond tombaient de lourdes tentures déchirées par les siècles, elles ne retenaient à présent ni la chaleur, ni la lumière mais créaient des ombres mouvantes au sol. Il y a bien longtemps que plus personne n'entretenait les yeux. L'ancien y avait été exilé, condamné à une solitude éternelle. Il n'était pas décorateur d'intérieur et n'avait aucune envie de prendre soin de sa cage. Il n'y avait guère que le personnel constitué de Wollions, des sortes de trolls moins balourds que leurs congénères des montagnes. L'espèce vivait habituellement en forêt mais les dragons en avaient déporté tout un clan et établi ici un village à leur service. Il y avait bien un peu de végétation, de l'eau et des bêtes mais la torture première était la hauteur. Les pauvres Wollions étaient sujets au vertige et, par conséquent, ils n'avaient jamais essayé de s'enfuir bien qu'il n'y ait aucun mur, aucune chaîne.

Deux d'entre eux s'approchèrent des dragons, l'ancien ordonna à l'un de leur apporter à boire et à l'autre de monter l'énorme sac dans l'une des chambres les moins insalubres qu'ils avaient. Xyrus suivit son grand-père jusqu'à un grand salon éclairé et chauffé par un feu crépitant dans une vaste cheminée en pierres noires. L'ancien déposa Allya toujours inconsciente sur ce qui fut un moelleux sofa et s'en fut s'asseoir à sa place habituelle, dans un fauteuil situé juste à côté du foyer.

Le jeune dragon voulut également prendre place mais son petit reprit forme humaine et réclama bruyamment son dû. Xyrus s'approcha donc d'Allya et la secoua délicatement afin de la réveiller. Elle ouvrit les yeux, les referma tout en posant une main sur son front puis se redressa et examina les lieux tout en prenant l'enfant que le dragon lui tendait. Le petit n'eut aucun mal à lui faire comprendre ce qu'il voulait et se retrouva bientôt dans sa position préférée : lové contre sa mère, engloutissant son lait. Le regard d'Allya se posa sur l'ancien qui la salua d'un signe de tête.

— Mon grand-père maternel, on l'appelle l'ancien.

Il s'attendait à une remarque, un reproche même mais non à la gifle qu'elle lui asséna violemment.

— C'est pour m'avoir assommée.

— Tu allais partir en vadrouille ! J'avais besoin de temps pour trouver une solution.

— Et donc ta solution c'est ton grand-père ? Il va nous dénoncer !

L'ancien se permit d'intégrer cette conversation de couple en déclarant qu'il serait le dernier à les dénoncer. La mère de Xyrus, sa propre fille l'avait fait exiler ici, la solitude était un fléau pour les dragons. Le bannissement du clan était l'un des pires châtiments possibles, seule la mort le surpassait, et encore. Une éternité de solitude pouvait s'avérer plus terrible encore qu'une fin rapide.

— Vous avez enfreint les règles des dragons, les hybrides ne sont pas autorisés. Elle vous tuera pour cela.

— Qu'elle essaye, murmura furieusement Allya.

Xyrus fut partagé, cette colère et cette détermination au fond des yeux de sa compagne la rendaient admirable et désirable. D'un autre côté elle était totalement inconsciente de la dangerosité de la situation. Elle ne ferait pas le poids face à sa mère. L'ancien rit en voyant l'assurance que la sorcière affichait.

— Toutes les femelles ont cela en commun, lorsque l'on vous parle de votre progéniture vous perdez tout sens de la raison. C'est votre plus grande faiblesse.

— Et notre plus grande force !  

AllyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant