Laisse moi t'aimer (T1)

#40 Nathan

Je suis éreinté, je ne suis plus que l'ombre de moi même.
Aujourd'hui j'ai tout donné, ça faisait longtemps que je ne m'étais pas autant défoncé. Le foot, la boxe, toute cette adrénaline constitue ma drogue et certains jours, j'en ai plus besoin que d'autres. Aujourd'hui est un de ces jours où il fallait que j'évacue toute cette tension.
Entre le sport et les parties de jambes en l'air avec Jenna, je pensais avoir trouvé un équilibre, mais comme de plus en plus souvent, je ressens encore ce vide en moi. Je ne sais pas comment le remplir, et ça me frustre. Je suis épuisé mais j'ai toujours cette rage en moi, celle qui me donne envie de tout casser. Ce soir, je n'arrive pas à m'apaiser et je ne sais pas comment régler mon putain de problème.
Je me douche rapidement et sors des vestiaires traînant mon sac comme s'il contenait toute la misère du monde. Ma misère, plus précisément.

- Nate, viens par là deux minutes.

Je me retourne vers la voix qui s'est élevée dans la nuit. Mon entraîneur Mr Lewis se tient contre la porte du club house, et me fait signe d'approcher.

- Oui, coach ?

Il prend un air soucieux et se frotte le front, ce qui n'est vraiment pas bon signe. Je passe en revu les derniers matchs et entraînements. Je n'ai fait aucun dérapages, je ne me suis pas battu (ou du moins il ne peut pas être au courant de mes activités extra scolaire), et j'ai plutôt progressé ces dernières semaines. Non, je ne vois pas du tout ce qu'il pourrait me reprocher.

- Ecoute, c'est plutôt délicat. (Il prend sa respiration et pose ses deux mains sur mes épaules.) Ton père a appelé, il ne veut pas que tu joues demain, pour que tu sois en forme pour ton gala ou je ne sais quelle connerie.

Je ne dis rien et accuse le coup. J'attends qu'il poursuive en contenant ma rage de toute mes forces, mais je sens que je vais bientôt devoir exploser.

- Je lui ai répondu que ce choix t'appartenait et qu'il était hors de question que de te mettre sur le banc de touche. Je voulais que tu sois au courant, car il va sûrement s'en prendre à toi. Il était plutôt furieux que je lui ai refusé sa demande, mais je crois que tu devrais poursuivre ton rêve Nate. T'es un bon gamin, tu as un talent immense dont tu te sers noblement, ne laisse personne te dire quoi faire.

Les mots du coach me font du bien, ils me requinquent et me donnent la force d'affronter mon père. Je sais que le coach ne m'encourage pas à entretenir cette relation conflictuelle avec mon paternel, mais je sais aussi qu'il est au courant de la façon dont il m'a toujours traité. Lewis me connaît mieux que je ne me connais moi même. Lui et Mario forment à eux deux, la figure paternelle que je n'ai jamais eue. Je les tiens en haute estime, et si il m'autorise à défier mon père c'est pour de bonnes raisons. Il connaît bien son caractère difficile qui le pousse à prendre les mauvaises décisions concernant son fils.

- Je vais jouer ce match, coach. Il devra faire avec, je vais vivre ma passion jusqu'au bout.

Mon bienfaiteur effectue une légère pression affective sur mes épaules, comme pour me dire qu'il me soutiendra et qu'il sera toujours derrière moi. Certaines fois, je me dis que les liens du sang ne sont pas toujours les plus importants.

Je le salue et me dirige vers ma moto, déterminé à faire de cette soirée un cauchemard pour l'homme qui n'a jamais été autre chose qu'un étranger pour moi mais qui s'octroye le droit de contrôler ma vie.

Lorsque je mets les pieds dans le salon, mon père lève à peine les yeux vers moi. Comme si je n'existais pas, comme si je faisais simplement parti du décor. Un décor qu'il a pour but de façonner à son image.
Je laisse tomber mon sac avec fracas, en espérant attirer son attention. C'est peine perdue.