Freyja déglutit et penche un peu la tête. Humia semble en savoir plus qu'elle et elle se décide à lui poser la question.

« Que lui est-il arrivé ? », demande-t-elle en murmurant. « Quel criminel ferait une chose pareille ? » Humia fronce les sourcils et se passe une main dans le chignon en désordre. Elle semble hésiter un instant, chercher ses mots en se mordillant la lèvre. Elle finit par pousser un soupir tremblant.

« Je n'en suis pas certaine. Mais... ça m'a tout l'air être l'œuvre des-des Winterschlächter, des bouchers de l'hiver. Cela fait bien longtemps que je n'avais plus entendu parler d'eux... Par tous les Dieux. » Elle a les yeux exorbités, perdus dans des souvenirs du passé. Freyja réfléchit quelques instants, le mot Winterschlächter ne réveillant en elle que des légendes sans queue ni tête qu'on raconte aux enfants pour pas qu'ils ne sortent la nuit. Avant qu'elle ne puisse poser de questions, Humia se remet à parler.


« Cette femme qu'ils ont amenée aux villages... Ce corps... Il me semble bien qu'il s'agit de Solvejg Kjelddòttir. », marmonne-t-elle, « Une petite d'un village pas loin du notre, de l'autre côté de la forêt. Je l'ai vu quelques fois en allant visiter une amie vivant là-bas. Elle s'était mariée depuis peu. Pauvre, pauvre Solvejg, si gentille, si jeune, si belle... Quels monstres, mais quels monstres ! Comment peut-on tuer une femme qui est encore presque une enfant !»

Freyja se passe une main sur le visage. Elle se mordille la lèvre.

« Je ne comprends pas tout à fait. », dit-elle doucement, « Les bouchers de l'hiver... Solvejg, les villageois... Qui sont les Winterschlächter ? Les villageois leurs ont-ils fait quelque chose pour qu'ils tuent une jeune femme ? Dans quel but ? »

Humia rit, un rire sans humour et dénué de chaleur tandis que des images du passé défilent devant ses yeux qui ont déjà vécus et trop vus.

« Oh, mon petit flocon, ces hommes n'ont pas besoin d'un but pour tuer et ils n'ont sûrement pas tué seulement Solvejg. Ces hommes sont des brutes, des truands sans cœur. Tu es bien trop jeune pour savoir ce genre de choses, mais il y a une cinquantaine d'années, ces hommes sont déjà venus ici, détruisant tout sur leur passage. Les Winterschlächter sont des monstres, ma petite, et j'avais désespérément espéré ne plus jamais devoir croiser leur chemin. » Elle réfléchit un instant, avant de continuer son explication. « Vois-tu, ce sont des guerriers nomades, des bêtes avec des visages d'homme qui viennent tous les hivers dans les villages, massacrer femme, homme, enfant à main nue, piller les richesses et brûler chaque maison jusqu'à ce que tout ce qui reste soit un tas de cendre que le vent emportent le matin suivant. Chaque années, ils changent de région et chaque années, les anciens des villages, ceux qui se souviennent encore des massacres, tremblent à l'idée de les voir apparaître au milieu de la nuit. On dit qu'ils sont possédés par les dieux : ils viennent vêtus de peaux d'ours ou de loup, le corps injecté de symbole à l'encre bleue, les yeux brillant de folie et de violence, insensibles à la douleur. Ces hommes sont fous. »

Freyja frissonne, tandis qu'elle écarquille les yeux. Un mauvais pressentiment s'installe dans le creux de son ventre.

« Mais enfin... Ces hommes... Pourquoi viendraient-ils ici ? Nous ne sommes pas riches et pas des guerriers, comme le sont les hommes dans d'autres villages. Peut-être Solvejg n'a-t-elle réellement été que tué par un meurtrier solitaire ? Peut-être s'est-elle promenée trop tard dans la forêt ? Humia, je...Je ne veux pas croire à ce genre d'histoire. Il y a cinquante ans qu'ils ne sont pas venus ici. Cinquante ans. Les Winterschlächter n'existent peut-être même plus depuis le temps. »

Humia lui lance un regard sombre rempli de sous-entendu. A nouveau, elle porte la main à son chignon et resserre les fourrures autour de ses épaules. Elle secoue la tête, les yeux rivés au loin sur le paysage enneigé et les cimes des arbres se tendant vers le ciel.

Vénus a froidOù les histoires vivent. Découvrez maintenant