Une famille compliquée ? Hérésie. Un vrai bordel, oui.

Depuis le début
                                    

- Je pense que tu as découvert mon secret vu les marques qui te couvrent, sourit-elle doucement. Tu en as plus que ma fille cela dit.

- Je suis un peu spéciale, approuvai-je dans un sourire. Pourquoi tu ne m'as jamais rien avoué.. ?

- Je ne pouvais savoir si tu étais une marquée ou non et tu étais trop jeune, soupira-t-elle. J'espérais pouvoir tout te révéler quand la marque apparaîtrait mais j'ai surestimé la puissance de la pierre philosophale. Je pensais avoir encore du temps devant moi mais sûrement ai-je trop pris l'habitude de cela.

- Maman est-elle au co...

- Elle ne l'est pas, coupa Nana dans une grimace. Laisse-moi te raconter ce que tu dois savoir et tu me pauseras les questions ensuite. Mon histoire est longue et tu trouveras bien des réponses, je l'espère, dans celle-ci.

Je hochai la tête. Ma grand-mère, sous ses aires doucereuses et calmes, était aussi quelqu'un de fort. Je n'avais jamais osé me rebiffer contre elle, j'avais été une petite fille modèle à chaque été où ma mère me confiait à elle. Nana était une femme forte et indépendante, qui n'avait besoin de personne pour s'occuper d'elle-même. Elle était longtemps resté seule dans sa maison en campagne et jamais je ne l'avais entendue se plaindre de quoi que ce soit à ce sujet. La solitude semblait lui convenir. Pourtant c'était une femme joviale et souriante. Au village, tout proche de sa maison, tout le monde s'arrêtait pour la saluer et elle prenait toujours plaisir à discuter avec chaque personne qui le souhaitait.

Mais peut-être n'avais-je pas su voir la véritable souffrance dans ses yeux. J'étais trop jeune pour cela, mais aujourd'hui ses pupilles vertes me semblèrent moins éclatantes qu'il y a quelques années. Sa main fripée attrapa la mienne et je resserrai l'étreinte. Elle semblait soucieuse et incertaine. C'était bien la première fois que je voyais ces deux émotions défigurer son visage. Je la regardais plus attentivement, comme si soudainement je la découvrais.

Nana avait un visage semblable au mien probablement, mais j'avais plus tendance à dire qu'elle ressemblait à ma mère. Des traits fins et délicats, une peau laiteuse sans imperfection, d'immenses yeux verts cadrés de longs cils affinés mais épais. Ses lèvres crispées déformaient un peu le bas de son visage mais je savais que quand elle souriait cette grimace informe n'avait aucunement sa place. Ses cheveux blancs tombaient sur ses épaules dans des boucles souples mais bien rondes. Avec l'âge ses épaules s'étaient tassées et si elle avait toujours veillé à garder le dos droit, on sentait qu'il s'était voûté malgré tout. Dans sa jeunesse, elle avait dû resplendir d'une beauté qu'elle n'avait aucunement à m'envier. C'est moi qui l'enviait, sans aucun doute possible.

- Il y a très longtemps, j'ai été une femme du monde bourgeois, commença-t-elle dans un sourire plus détendu. Dans un entre-deux du monde moderne à un monde beaucoup plus ancien. Mes parents étaient de la vieille école, du genre à ne pas tolérer le moindre écart à l'étiquette. Mais moi je ne rêvais que de liberté, d'amusement, cela déplaisait énormément à mère notamment. Elle voulait que j'épouse un riche fils d'une autre famille, mais moi j'étais déjà amoureuse de quelqu'un d'autre. Un manant comme on disait à l'époque.

- Un quoi ? Demandai-je dans une grimace.

- Manant, répéta-t-elle. Un homme de basse condition, si tu préfères.

- Là je comprends, affirmai-je. Que s'est-il passé, alors ?

- Je n'en ai fait qu'à ma tête. Armand était tellement parfait... il semblait sortir d'un autre monde, sourit-elle plus tristement. Je l'aimais à en perdre la tête. J'étais jeune et pleine d'espoir, je n'ai aucunement réfléchi et j'ai dit à ma mère que je partais avec lui.

Water Lily : l'éclosion.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant