PARTIE 8. Le Feu et la Glace

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Avec l'aide du gardien, Abigail regagna en toute discrétion la place où Gordon et Jared l'attendaient en silence. Le chauffeur remarqua que l'humeur de son patron était beaucoup plus amène et il s'en senti soulagé. Toutefois le regard accusateur de la jeune femme qu'il avait trahie, le gifla de plein fouet. Cette dernière monta dans la calèche après l'invitation du bellâtre qui l'imita. Se mettant en route, Gordon se félicita du fait que grâce à lui, ces deux-là auraient une occasion de se parler sur le chemin de retour. Ce fut Jared qui entama la conversation pour détendre l'atmosphère. Abigail, elle, se sentait de nouveau intimidée et impressionnée. Seulement cette fois, elle ne métamorphoserait pas ses émotions sous une façade d'agressivité.

- Pour répondre à votre question de tout à l'heure, Mademoiselle Richards, je suis là parce que j'ai cru comprendre que vous souhaitiez me remercier et que le moment que vous aviez choisi pour le faire ce matin, était inapproprié.

Abigail ne s'attendait absolument pas à ça et elle en fut d'autant plus gênée. Le vieil homme avait vraiment tout balancé, songea-t-elle.

- En effet, je souhaite vous remercier de m'avoir fait remettre mon bijou ainsi que de l'avoir fait réparer. Et si rapidement, en plus. Ce matin en venant à votre résidence temporaire, j'ai réagi sous le coup de l'impulsivité sans penser que vous seriez occupé.

Jared se fit violence pour ne pas répondre et rester de marbre, laissant la demoiselle continuer ses aveux.

- J'aimerais également excuser mon mauvais comportement d'hier soir. J'ai été...déstabilisée et j'ai mal géré mes émotions.

Le démon nota qu'elle n'était donc pas aussi indifférente qu'elle avait voulu le faire croire. Bien qu'il en fût satisfait, une part de lui savait que c'était mauvais pour lui. Il se maintint donc dans un masque de placidité tout en gardant le silence. Cette fois, c'était bien lui qui ne gérait plus rien.

Abigail poursuivit.

- Vous savez, je m'en suis tellement voulu d'avoir été aussi désagréable que j'ai rêvé de vous cette nuit et...

Dans sa lancée de révélation, la jeune femme qui détourna les yeux du regard si intense de son interlocuteur, s'arrêta soudainement, honteuse d'en avoir trop dit. Heureusement elle n'aurait pas évoqué la nature de son rêve si bon et si triste à la fois, mais la facilité avec laquelle elle s'était confiée, la surprit. Ce coup-ci Jared prit la parole pour changer de sujet, faisant abstraction de la dernière confidence, qui le toucha plus qu'il ne l'eut fallu.

- Dites-moi, Abigail, cette emprise que vous avez sur les animaux, quelle est-elle ? Comment fonctionne-t-elle ?

- Une emprise ?

Dansun premier temps troublée que Jared l'appelle par son prénom au lieu de son habituelMademoiselle Richards, elle fut ensuiteétonnée par sa question.

- Il ne s'agit pas d'emprise, Jared, mais juste un lien qui nous rapproche. Un lien basé sur l'amour. J'aime les animaux, ils m'aiment en retour, point final.

Elle n'était pas très convaincue de sa réponse mais elle fut ravie que celui qu'elle avait imité en évoquant le prénom, réagisse à sa façon par un rictus.

- Sans vouloir vous offenser, Mademoiselle, je pense qu'aimer la plus dangereuse de toutes les créatures du monde, ne puisse la dispenser de vous dévorer. Il doit exister une explication qui va au-delà de tout sens de la logique. Un phénomène surnaturel, je dirais même.

- Mais l'amour ne répond à aucune logique.

Sa répartie le déstabilisa, car cela s'entend, un démon ne pouvait rien connaître de l'amour. Toutefois ce qu'il en savait pour en avoir entendu parler autour de lui, était que la belle étudiante n'avait pas tout à fait tord. Etait-ce donc simplement cela dont il s'agissait ? De l'amour ? C'était peu probable puisque lui-même réagissait à cette emprise et il était absolument certain qu'un tel sentiment ne pût exister en lui, impossible. A l'évidence, il n'aurait pas d'autre explication et la seule chose qui était indéniable à ses yeux, était qu'il devait se tenir loin d'Abigail. Il décida de mettre les choses au clair pour qu'elle le repousse de nouveau et pour de bon, cette fois.

- Puisque nous parlons de ça, je me dois de vous rappeler que je fréquente, votre amie, Victoria. Depuis peu, certes, mais il n'est pas très convenable de ma part de me retrouver en compagnie de l'une de ses amies alors qu'elle me croit à mon hôtel en train de travailler. Je suis conscient que c'est moi qui suis venu. Conscient d'avoir créé cette situation, mais je n'aurais pas dû. J'aimerais que vous acceptiez la sécurité que je vous offre en mettant un chauffeur à votre disposition, sans qu'il n'y ait de sous-entendus et surtout...sans que nous ayons à nous revoir.

Prise au dépourvue par la tournure de la situation, Abigail ne put que se montrer compréhensive. De toute façon, il y avait Victoria, elle ne pouvait que donner raison à Jared.

- Je...euh...Bien sûr, je comprends. C'est d'accord.

- Je ne peux pas me permettre d'être influencé, Abigail. Il en va de ma vie.

Ne comprenant pas tout à fait le sens de sa phrase, elle lui répondit simplement par un geste d'acquiescement. Elle était trop attristée pour répliquer.

L'arrêt soudain de la calèche leur fit savoir qu'ils étaient arrivés à destination. C'est-à-dire, devant la maison d'Abigail.

- Bien ! Sur ce, je vous dis au revoir, Monsieur Lewis.

Elle utilisa un ton plus froid que souhaité pour dissimuler sa peine et lui présenta sa main dans un signe d'adieu qui se voulait définitif. Mais lorsque que le contact se fit entre eux, ils ne purent ignorer ce que chacun avait ressenti. Le même phénomène étrange que la fois précédente : Ce mélange du chaud et du froid qui se heurtent. Il s'agissait en en fait, du choc entre le feu qui animait l'humaine et de la glace qui habitait le démon.

FIN DE LA PARTIE 7.





















Laisse le feu brûler la glace (TERMINÉ)Where stories live. Discover now