Chapitre 1 - Noa

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Noa. Noa, réveille-toi. 

Je n'y arrive pas. Mes paupières restent obstinément fermées. Mes poumons me donnent l'impression d'être remplis d'eau. Il fait froid. Je meurs. J'en suis sûr, je meurs. Je suis en train de mourir et personne ne réagit.
Tu rêves ? Réveille-toi.
Je suis en train de mourir, et personne ne m'aide. Froid. Il fait froid.
Noa, bordel !

Et tout d'un coup, la lumière revient. La douleur insupportable s'en va. Lorsque mes yeux s'ouvrent, je ne comprends pas où je suis, les lumières semblent danser autour de moi, les détails se font flous. Puis, je réussis de nouveau à respirer. Haletant, à grandes goulées d'air qui s'échappent presque aussitôt de mes poumons. M. ..., le professeur de physique-chimie, me fixe comme si je venais de tuer un de mes camarades de classe. Pourtant, ils sont tous bien là, autour de moi, à me dévisager, les sourcils froncés. J'ai l'impression d'être tombé d'un nuage, une migraine insupportable me martèle le crâne, me réduit le cerveau en bouillie. Pendant quelques secondes, je reste là, frémissant, dans le silence le plus complet. Jusqu'à qu'il reprenne la parole.
« Donc ? Je t'ai posé une question, mon garçon. Pourquoi dois-je répéter ton nom plusieurs fois, avant que tu ne daignes me prêter attention, mhh ? Tu dors en cours ? »
Silence. Je ne sais pas quoi dire. J'ignore de quoi il me parle. Alors je reste immobile, la bouche entrouverte comme si les mots allaient se former d'eux-mêmes. Mais toujours rien.
« Tu as perdu ta langue ? Ou bien tu dors les yeux ouverts ? »
Les ricanements – peu discrets – des autres élèves fusent. Pourtant, ils n'ont aucune raison de me traiter comme un animal de cirque, là, tout de suite. Je n'ai rien fait. Mais le professeur n'a peut-être pas tort. Peut-être dormais-je vraiment.
Ce dont je suis certain, c'est que je sors tout droit d'un cauchemar.
« Pardon monsieur, je... »
Je
quoi ? Je rien du tout. Je n'ai rien à lui servir en guise de réponse. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive. Mon estomac se retourne dans mon ventre, j'ai l'impression d'être au bord de la crise de panique. Et je déteste ces regards qui me collent à la peau, qui suintent le mépris et le malaise. Ils sont mal-à-l'aise parce qu'ils me trouvent bizarre, je le sais. Déglutissant avec difficulté, je finis par me lever, les jambes tremblantes.
« Excusez-moi, je... je vais y aller. »
Et sans plus attendre, je quitte la salle de classe, avec une précipitation non dissimulée.

Etrangement, je me sens déjà beaucoup mieux lorsque j'entre dans les toilettes. Il n'y a personne, je suis seul, et pour le moment ça me va très bien. Respirant le plus lentement possible, j'ouvre le robinet, faisant face au miroir sale accroché au mur, pour me passer de l'eau sur le visage. Mon reflet dans la glace me semble plus désastreux que ce à quoi je m'étais attendu. Teint pâle, – déjà que je suis loin d'être bronzé de base – cernes profonds, yeux injectés de sang. Le contraste entre la blancheur de ma peau et la noirceur de ma chevelure me fait plus ressembler à un vampire qu'à un adolescent fragile, selon moi.
Inspire, expire.
Exercice de base, lorsque l'on est sujet à une crise de panique. Bon, je ne veux pas dramatiser, je suis juste légèrement anxieux, même si ma psy préfère me qualifier de sensible.

« Noa ? Tu es là ? »
Je soupire lorsque j'entends la voix familière me parvenir depuis le couloir. Je la reconnaitrais entre mille, tout simplement parce que c'est celle de mon meilleur ami, Matthias. Quelques secondes plus tard, il passe la tête par l'ouverture de la porte.
Pourquoi tu ne me réponds pas ? enchaine-t-il avec entrain, avant de me servir son plus grand sourire, et de faire quelques pas en ma direction.
Je me contente de lever les yeux au ciel, et de lui rendre son sourire, même si le mien semble bien plus amer.
« J'étais occupé à respirer, tu vois. »

Laissez-moi vous parler un peu de Matthias. D'après environ tout le monde, c'est le gosse de riche asiatique fils adoptif d'un magnat des médias, qui doit se faire plus de cent mille euros par an. D'après moi, c'est un adolescent adorable, du genre bon public, souriant, au visage poupin qui correspond parfaitement à sa façon d'être en général. Sans négliger le fait qu'il est mon meilleur ami depuis bientôt six ans, et qu'il ne m'a jamais laissé tomber.
Au départ, il voulait cacher cette situation familiale et financière plus que spéciale, mais, lorsqu'on l'a vu devant l'école avec son chauffeur particulier, en cinquième, c'était déjà trop tard. Ensuite sont venus les vêtements hors prix, les styles extravagants, qui lui ont valu des jugements négatifs de la part des autres adolescents de notre âge. Mais ce genre de choses n'a bien entendu jamais rien changé à notre relation : moi, je le connais vraiment, ça me suffit.

Il me dévisage avec des yeux curieux, et j'y décèle un peu de compassion, mais je n'irais pas jusqu'à dire qu'il est inquiet pour moi. 

« Noa, mon gars, ce n'est pas la première fois que ton cerveau s'éteint en cours. »
Je me tourne vers lui, lui lançant un regard qui se veut agressif, mais qui ne l'est pas, à coup sûr. Je n'ai pas envie de commencer à parler de problèmes dont je ne connais même pas la source. Ça se trouve, je suis juste légèrement fatigué. Oui, c'est peut-être parfaitement normal de se noyer dans des rêves éveillés en classe.
« Matt, ça va. Vraiment. dis-je avec un soupir.
- Mec, tu ressembles à un cadavre.
- Merci, c'est sympa. »
Je suis d'humeur trop amère pour communiquer d'une autre façon qu'à l'aide de mon sarcasme habituel. Du haut de mon mètre soixante-quinze et de mes soixante kilos, c'est probablement ma seule arme. Le truc, c'est qu'il a l'air sincère, et que je n'arrive pas à me mettre en colère contre lui. Serrant les dents, je m'éloigne du miroir, et par conséquent de mon reflet qui ne vend pas du rêve.
« Désolé. Je ne suis vraiment pas d'humeur. Je crois que je vais rentrer chez moi. »

Je n'ai qu'une idée en tête : m'allonger dans mon lit, regarder un film et dormir quelques heures. Et après ça, j'irai probablement mieux. Angoissé ? Pas du tout. 

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 25, 2016 ⏰

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