II. L É A N D R E.

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Le réveil sonne d'un bip strident. 6H10, l'heure pour moi de me lever pour recommencer une journée de petit étudiant d'université bien élevé. Bien que, soyons francs, je n'y vais que pour faire plaisir à mon père et ne pas lui faire honte. Et puis, de cette manière, je peux rester à la maison sans rien payer. Que du bénéfice.

Quelqu'un toque et entre juste après.

- Monsieur Léandre, il est l'heure de vous lever. Je vous prépare votre petit déjeuner dans la salle à manger. Votre père vous y attend.

Comme tous les matins, Madame Charles, la bonne, vient vérifier que je suis bien réveillé. Puis retourne à ses activités bien nombreuses puisqu'elle est seule à s'occuper de toute la maison. Et, ma maison n'est pas petite puisque je suis le fils du bras droit de la présidente actuelle de France. Oui, vous ne connaissez pas encore de femme présidente mais le monde a bien évolué. Certes, il y a quelques côtés noirs dans notre société... Mais c'est leur faute à eux. Ils sont une menace pour nous ! Il faut bien les enfermer pour ne pas qu'ils nous attaquent. Vous imaginez un peu ? Tous ces pouvoirs utilisés contre nous tous ? Ce serait l'apocalypse.

Ah...Je dois me lever maintenant. Mon corps chaud ne veut pas sortir de sous la couette. Je ne veux pas ! ... Mais il le faut. Je sors une jambe, puis l'autre, et m'assois sur le matelas. Je bâille à me déboîter la mâchoire et me décide enfin à me lever. 6H23. Je mets mon pantalon de pyjama et un tee-shirt, et vais dans la salle à manger.

Mon père est installé en bout de la grande table à manger et lit son journal.

- Bonjour, Léandre.

- Bonjour..., je réponds endormi.

Les tartines sont à la confiture de fraise. Et dieu sait que je hais la fraise. Ce goût me rappelle les médicaments que mon père m'a fait prendre durant l'épidémie. Heureusement car je n'ai pas développé la maladie et encore moins des « facultés ».

- Comment te sens-tu ce matin ? Prêt pour ton excursion ?

- ... M'ouais..

Mon « excursion », comme il l'appelle, est une sortie annuelle que tous les établissements universitaires font dans la prison où sont retenus les défaillants. Cette sortie ne me fait ni chaud ni froid. Je m'en fiche tout simplement.

Mon père pousse une exclamation et louche sur son journal. Il fronce les sourcils et écarquille les yeux.

- Que se passe-t-il.. ? je lui demande.

- .. R-Rien.. Ne t'inquiètes pas.

Il regarde sa montre.

- 7h04 ! Dépêche-toi d'aller te préparer ! Tu vas arriver en retard.

- Oui oui, bien sûr. Change donc de sujet.

Après une bonne douche, je m'habille le plus simplement possible : jeans, baskets kaki, tee-shirt rouge et un sweater noir à capuche.

Je me dépêche de rentrer dans la limousine qui m'attend car oui, je suis obligé d'y aller en limousine. Pour représenter mon père. Évidemment. Mais je vous assure que j'aimerais beaucoup y aller en bus comme les autres adolescents en écoutant de la musique ou en lisant pendant le trajet.

Je m'assois à l'arrière de la limousine, très confortable au passage, et enfonce mes écouteurs dans les oreilles. J'aime beaucoup écouter de la musique, ça me permet de m'évader hors de cette société devenue complètement folle. Je ne nies pas que ces personnes, les défaillants, sont dangereuses... J'en suis convaincu qu'elles sont dangereuses. Mais elles sont enfermées non ? Alors pourquoi en faire tout un plat ?

- Monsieur ? Faites bien attention aujourd'hui à la Prison. Les défaillants sont actuellement très mouvementés depuis ... Enfin, vous savez, depuis le meurtre de leur ami. Un certain Jez Mojales.

Je ne comprends pas du tout ce qu'il entend par « meurtre ». Enfin, si, je sais très bien ce qu'est un meurtre. Mais les défaillants sont dangereux pour nous, pas entre eux. En théorie.

- Un meurtre ? En êtes-vous sûr ?

Le moteur vrombit et la voiture commence à rouler sur le chemin de gravillons qui mène à la sortie de ma grande maison.

- Pour sûr, monsieur. Le pauvre homme - enfin peut-on l'appeler vraiment « le pauvre » étant donnée sa condition - a été retrouvé mort dans une benne à ordure, à l'extérieur de la Prison. Les boyaux débordants de son corps, dans une immense flaque de sang et ses yeux étaient éteints. Mort il était bien, monsieur.

Je tique. « Les boyaux débordants de son corps » ? Qui serait capable d'une telle chose ? Je n'ai pas connaissance, dans les rapports de mon père en grande partie, qu'une personne soit recensée comme détentrice d'un tel pouvoir. Et les armes blanches et autres sont interdites dans la Prison car elles sont le seul moyen pour les détenus de s'échapper.

- Nous sommes arrivés monsieur.

Il me dépose juste devant la Prison, où quelques secondes après moi, un bus scolaire arrive et se gare. Un flot continu d'étudiants de lamême université que moi, sort de ce bus.

- Hé ! Me hèle un garçon que je connais bien puisqu'il s'agit de mon plus fidèle ami : j'ai nommé Mathis.

Mais il préfère qu'on l'appelle Math car il trouve que Mathis fait un peu trop enfantin.

- Yo Lé' !

- Yo Math' ! Je lui réponds stupidement.

Ce qui est bien avec Math, c'est que je peux faire ce que je veux, il ne me jugera jamais et parfois - voire tout le temps - il fera même pire !

L'ambiance redevient très sérieuse et pesante. Math se tourne vers le bâtiment imposant qu'est la Prison. Et encore, imposant est un mot assez faible pour décrire la chose. Ce bâtiment est immensément grand. Structuré en hexagone, il prend à lui seul le quartier entier.

- Tu es prêt à entrer dans ... ça ? Me demande Math, nerveux, en montrant le Prison de sa tête.

Oui, je suis prêt pour découvrir cette Prison. Mais avant tout, je suis prêt pour découvrir ce que signifie ce corps retrouvé. Quelque chose cloche. Mon père doit sûrement être au courant et il me l'aurait caché ? Si c'est le cas, ce n'est vraiment pas normal.

- Oui, allons-y.

Et nous rentrons, précédés des agents de sécurité qui assurent la « visite », dans cette immense Prison que nous ne connaissons finalement pas.


N°139 Théa. [ABANDONNEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant