My Escort Love [Sous contrat d'édition]

6

— Alors ?!

— Chut !

— Allez, Constance, raconte-moi.

— Chut !!!

— Tu ne peux pas me faire ça. Je suis ta meilleure amie et c'est en partie grâce à moi si tu n'es plus...

— CHUT !!!

Le manque de tact de Sophia m'insupporte parfois. Nous sommes au milieu du réfectoire et elle ne peut s'empêcher de parler fort, comme si elle voulait à tout prix que le monde entier sache que j'ai perdu ma virginité avec... un professionnel.

— Je ne me tairai pas tant que tu ne m'auras pas raconté comment ça s'est passé.

— Bon sang, Sophia, ce n'est pas quelque chose qu'on raconte, c'est très intime.

— Constance, ça fait longtemps qu'on a dépassé ce stade, toi et moi. Je te raconte toujours mes parties de jambes en l'air.

— Je sais,et j'en ai d'ailleurs pour dix ans de psychanalyse.

— Arrête tes conneries. Allez, dis-moi au moins si c'était bien.

— Je n'ai aucun point de comparaison, mais... je dirais que c'était bien, dis-je en rougissant immédiatement.

— Mais encore... ? Oh, allez, Constance, tu sais que je ne te lâcherai pas tant que je n'aurai pas eu de détails croustillants.

— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Il a été patient et très doux. Il a essayé de me mettre à l'aise, mais tu me connais, je suis une anxieuse née. Là encore je n'ai aucun point de comparaison, mais je sais qu'il embrasse très bien. Vraiment très bien... et puis il a un corps parfait. C'était super, il y en a certaines qui ont dû avoir des premières fois pires que la mienne.

— Ça, tu peux le dire ! Veinarde. Aaaaah, je n'en reviens pas, ma Constance a franchi le cap !

Elle me prend dans ses bras et me serre contre elle en trépignant. Sophia a vraiment du mal à gérer ses émotions, mais je ne peux m'empêcher de sourire de sa réaction. Lorsqu'elle me relâche, je remarque le regard de certains autres élèves sur nous. Évidemment, Sophia est aussi discrète qu'une bande de pachydermes.

— Est-ce que tu vas le revoir ? demande-t-elle, toujours aussi excitée.

— Non. Pourquoi je le reverrais ?

— Oh, je n'en sais rien, peut-être pour prendre ton pied encore une fois.

— J'avais juste besoin qu'il me rende ce service, c'est tout.

— Comme tu voudras. En tout cas je suis contente pour toi. Au fait, il a quel âge ?

Je me rends compte que je n'en ai pas la moindre idée. C'est vrai, ça, quel âge peut bien avoir Noah ?

— Ce n'était pas écrit sur sa fiche de renseignements ?

Sophia secoue la tête en croquant dans sa pomme.

— Il est dans la catégorie des vingt-trente ans.

Je m'apprêtais à planter ma cuillère dans mon liégeois au café quand mon geste se fige.

— Mais... tu imagines s'il a trente ans ?

— Eh bien quoi ?

— Eh bien quoi ? Ça fait neuf ans de plus que moi !

— Je ne vois pas le problème. Mais on peut essayer de deviner, tu l'as vu de près... De vraiment, vraiment, très très près.

— Oh, ça suffit Sophia. C'est sûr qu'il a au moins vingt-cinq ans.

— De toute façon peu importe. Il est canon, bien foutu, sympa et gentleman et c'est tout ce qui compte.

Je hoche énergiquement la tête.

— En tout cas, si tu ne veux plus faire appel à ses services, peut-être que moi je l'appellerai. Mais alors je prendrai le forfait vingt-quatre heures, histoire d'en profiter un maximum.

— Vingt-quatre heures ? Il peut être loué pour de si longues périodes ?

— Ouais, mais là c'est mille cinq cents euros qu'il faut débourser.

— Putain !

Sophia écarquille les yeux. Je jure rarement, mais là il faut avouer que je suis choquée.

Le reste de la journée passe lentement. Les cours sont toujours ennuyeux, mais je m'applique pour suivre. Des flashs de ma soirée me reviennent en tête et je me surprends à esquisser quelques sourires. Heureusement pour moi, Sophia ne le remarque pas, trop occupée à draguer Martin, son voisin de droite.

Ce soir, en rentrant chez moi, je suis dans la lune. Les choses n'ont pas vraiment changé. Je marche toujours la tête baissée, je m'efforce de ne pas me faire remarquer et je traîne toujours cette mélancolie qui me caractérise. Je pensais que ne plus être vierge me ferait me sentir plus sûre de moi ; ce n'est pas le cas. Je remarque surtout que Noah a raison, cela ne me rend en rien différente.

Je passe la porte de chez moi et je suis heureuse de constater que mes parents ne sont pas encore rentrés. Je fonce vers le placard de la cuisine et j'en sors un paquet de cookies surmontés d'énormes pépites de chocolat. Un pur délice. Ma semaine de jeûne arrive bientôt, alors j'en profite avant de me priver de tout ce que j'aime.

Je zappe à la télé, à la recherche de quelque chose d'intéressant. Je retiens une nausée lorsque je tombe sur une émission de téléréalité. Je déteste ce genre de programme complètement dénué de sens. Un groupe d'idiots se retrouve à cohabiter et c'est à celui qui passera pour le plus bête de tous. Le plus affligeant, là-dedans, c'est qu'ils revendiquent leur connerie. Mais on ne peut pas leur en vouloir. On ne peut pas attendre grand-chose de personnes dont le QI est aussi élevé que celui d'une huître.

Alors que je mange (déjà ?) mon troisième cookie, j'entends la porte d'entrée s'ouvrir. À cette heure, ça ne peut être que mon père. Je referme précipitamment le paquet de gâteaux et le fourre sous un coussin. Je ne suis pas d'humeur à subir ses remontrances.

Malheureusement, je n'ai pas le temps de terminer le biscuit que j'ai dans la main que mon père débarque dans le salon. Il plisse les yeux en me voyant.

— C'est ça que tu fais en rentrant ? Tu te goinfres sur le canapé ?

— Je n'ai pas beaucoup mangé à midi et j'avais faim.

— Bois de l'eau. Je dis ça pour toi, Constance, un jour tu vas te réveiller et tu seras obèse. Et il sera trop tard pour pleurer.

Sur sa remarque assassine, il quitte la pièce. J'encaisse le coup encore une fois sans rien dire, et je vais ranger le paquet de gâteaux avant d'aller dans ma chambre. Ce soir encore je ne dînerai pas avec mes parents. Ma mère est venue me demander comment se sont passés les cours, mais rien de plus. Pas même un « Et toi, Constance, comment vas-tu ? » Mais ce n'est pas grave, je me suis habituée à cette indifférence.