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Six heures et demie. Je me réveille au son de ma musique favorite du moment, Photograph, d'Ed Sheeran. Cette chanson me fait voyager. Je ferme les yeux. Allez, encore cinq minutes. Cinq minuscules petites minutes de sommeil supplémentaire, c'est tout ce que je demande.Je me retourne et remonte la couverture.Juste cinq minutes...

Je me réveille en sursaut et regarde à nouveau l'heure sur mon téléphone : 6 h 55. Merde !!! Je rejette la couverture et saute du lit. Je titube et ma tête tourne. Cela m'arrive un matin sur deux. Alors le marathon commence : m'habiller, prendre mon petit déjeuner, attraper mes affaires et rejoindre la ligne de métro qui se trouve à dix minutes de chez moi. Tout ça en quinze minutes si je ne veux pas arriver en retard à la fac.

J'enfile les vêtements que j'avais heureusement préparés hier soir. Un collant noir, une jupe noire, un tee-shirt blanc et un gilet noir. J'enfile mes petites bottines, noires également, puis je fonce dans la salle de bain. Je laisse mes cheveux détachés et je zappe le maquillage. J'en mets rarement, ça me donne l'impression de ressembler à un pot de peinture.

Une fois prête je fonce dans la cuisine à la recherche de quelque chose à me mettre sous la dent. C'est bien simple, si je ne mange pas le matin, je m'évanouis sur le coup de dix heures. Je déniche un paquet d'Oreo caché dans le fond du placard et me sers un verre de jus d'orange en jetant un coup d'œil à la pendule de la cuisine : 7 h 5. À cette heure, ma mère est déjà partie travailler. Mon père entre dans la cuisine au moment où je croque dans le biscuit chocolaté, et l'angoisse me prend immédiatement aux tripes. Pourquoi ?

Trois. Deux. Un...

— ... Constance qu'est-ce que je t'ai déjà dit ? Les jupes ne te vont pas, elles font ressortir tes jambes et cela ne te met franchement pas en valeur. Et puis tu devrais manger équilibré le matin, et adopter une hygiène de vie saine. Sinon, comment veux-tu qu'un garçon puisse un jour s'intéresser à toi ?

Et voilà... Depuis que j'ai quinze ans, j'entends ce discours pratiquement chaque matin. Cela fait bientôt six ans, et je ne m'y suis toujours pas habituée. Ces mots me font toujours aussi mal. Oscillant entre une taille trente-six et une taille trente-huit, je pensais être énorme, mais apparemment pas. Aux yeux de mon père, je suis une véritable baleine.

Je suis une grande gourmande, je sais, mais j'essaie de me restreindre un maximum. Je me suis imposé une routine depuis quelque temps. Une semaine par mois, je me prive de nourriture, ingurgitant exclusivement des aliments liquides. Je perds deux à quatre kilospendant ces sept jours de jeûne... et je reprends tout ensuite.

Mon père quitte la cuisine sans un bonjour ni un « passe une bonne journée, Constance », et je sors de l'appartement un biscuit coincé entre les dents. Je prends l'ascenseur et j'attends patiemment qu'il descende les cinq étages qui me séparent de l'extérieur.

Mes parents et moi habitons dans un immeuble modeste du 5e arrondissement de Paris. J'y ai toujours vécu et j'y ai été heureuse les premières années de ma vie. Depuis l'adolescence, les choses sont devenues compliquées. Et plus les années passent, moins je me sens chez moi.

Je cours prendre le métro pour me rendre à l'université. Je me faufile entre les voyageurs, tous aussi pressés que moi, et m'adosse contre une des portes du wagon. Comme d'habitude, j'observe les gens. Certains lisent, d'autres terminent leur nuit, d'autres encore sont au téléphone ou en train de rire avec leurs voisins, qu'ils connaissent bien. Et puis il y a moi. Moi qui me sens perdue et pas à ma place.

Cette vie me donne la nausée. Je me demande ce que je fais là. Qui j'espère tromper en agissant comme si c'était ce que je désirais réellement. J'ai l'impression d'être une marionnette que tout le monde utilise à sa guise.

My Escort Love [Sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant