Chapitre 1 : Aisling

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Et les cloches sonnent. Dans leur écho, de longues ailes noires se déploient dans le ciel, et le croassement des oiseaux accompagnent les huit coup de l'église de la ville. Et dans un envol chutent de fines plumes aux couleurs de la nuit. De fines plumes, vacillantes, virevoltantes, dansant dans le vent sec d'un frais matin. La saison lunaire est déjà bien avancée et le temps semble se refroidir un peu plus chaque jour. Dans les contrées les plus au nord du pays, certains villages ont même déjà pu apercevoir les premiers flocons de neiges de l'année.

Pourtant, dans cet air froid qui englobe la ville de Keighley, une jeune femme se balade encore bras et jambes dénudées, et la longue cape qui orne son cou sert probablement plus à exhiber les armoiries de sa famille plutôt qu'à protéger sa peau opaline des agressions extérieures. Son regard aux teintes vert et chocolat vogue sur le bâtiment qui lui fait face. Elle ne supporte pas qu'on la fasse attendre. Elle était arrivée par voiture aux éclats de sept heure et demi, mais son client n'avait daigné l'accueillir en avance. Pour qui pouvait-il bien se prendre à laisser une jeune dame telle qu'elle se glacer doucement au temps du troisième mois lunaire ?

Malheureusement, elle ne pouvait pas se permettre de l'abandonner ainsi à son sort et de risquer de subir les foudres de son père. Alors, pour patienter, elle avait dirigé ces pas vers l'imposante gare qui dominait la place. Et elle en était bien vite revenue. Un vieil homme avait tenté de nouer un contact avec elle. Ce roturier avait même osé la toucher. Elle avait été si choquée qu'il ne lui avait pas fallu longtemps pour retourner attendre devant l'ancienne bâtisse défraîchit qui servait de maison à son client. L'un des majordomes de la famille finit par venir la chercher.

« Lady Aisling, mon maître est enfin prêt à vous accueillir. »

« Dire je viens à peine de me débarrasser de celui d'hier..., soupire-t-elle en regardant sa montre à gousset fissurée. Vous signalerez à votre maître que s'il lui prend encore la folie de me négliger comme il l'a fait, il pourra se passer définitivement de mes services. »

« Bien, Lady Aisling. Veuillez me suivre s'il vous plaît. »

Sans parlementer plus que ça, elle emboîte docilement le pas au majordome. Celui ci était nouveau visiblement. Voilà que six mois s'étaient écoulés depuis la dernière fois qu'elle avait visité la famille Theyn, et déjà, il avait fait remplacer son précédent employé. Il n'était pourtant pas si souillé que ça. Cependant, le nouveau semble pur. Une présentation agréable, une voix claire, une posture digne. Des cheveux blonds gominés, un sage regard noisette, un nez droit, un imperceptible sourire gravé sur les lèvres, une carrure un peu longiligne, mais portant bien l'uniforme. Bien que les quelques trous cicatrisés qui décorent ses mains et sa nuque soulignent une période ingrate, il avait sûrement déjà payé pour ses erreurs. La Vie est une vieille dame rancunière.

L'intérieur du bâtiment est aussi lugubre et insalubre que ce que laisse présager l'extérieur. La tapisserie des murs est sale et déchirée, les couleurs ont perdu leur éclat, les visages des tableaux sont recouvert d'une épaisse couche de poussière, au même titre que le sol. Le vieux Theyn a peut-être les moyens de se payer ses services, mais jamais il ne songerait à engager une femme de ménage. Mais l'environnement sied parfaitement au personnage. Après avoir monté le large escalier de bois craquelé -dont elle avait toujours peur qu'il s'écroule un jour- le majordome lui indiqua une porte entr'ouverte au fond d'un sombre couloir.

« Mon maître vous attend dans cette pièce, Lady Aisling. »

Elle observe quelques secondes encore l'homme face à elle. Autant, son prédécesseur ne lui plaisait guère, autant celui là avait une aura très agréable et reposante. Elle croise les bras sous sa poitrine et prend alors un air sérieux.

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