Chapitre 1 - L'étonnante rencontre

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C'était un vendredi soir.

Axel avait décidé d'inviter son épouse au restaurant pour fêter leurs 12 ans de mariage.

Ce n'est pas un chiffre rond, 12 ans, mais les femmes attachent de l'importance à ces choses là...

Du coup, il avait cassé sa tirelire pour un restaurant étoilé, histoire de marquer le coup, quoi.

Pourtant, ce n'était guère le moment : il rencontrait des difficultés financières, comme on dit élégamment.

Sauf que pour lui, ce n'étaient pas des difficultés passagères mais plutôt chroniques...

Il n'avait, à vrai dire, jamais eu d'argent devant lui et, avec leurs deux petits salaires mis bout à bout et la maison à payer, ce n'était pas maintenant que ça allait commencer.

Dès qu'il sortait un peu la tête de l'eau, une dépense incontournable se présentait.

Là, c'était la voiture qui commençait à arriver au bout du rouleau et qu'il allait falloir changer avant d'être obligés d'engager de gros frais.

Bref, une soirée un peu déraisonnable mais après tout, un peu plus ou un peu moins de découvert n'allaient pas changer beaucoup le discours du banquier...


Ils avaient à peine commencé à manger qu'entra un couple qu'on plaça à deux tables d'eux.

Axel écarquilla les yeux. La tête du gars lui semblait vaguement familière.

Les nouveaux arrivants étaient, tous les deux, littéralement éblouissants. La jeune femme était d'une beauté à couper le souffle et rayonnait. Lui aussi avait beaucoup de charme et dégageait une impression de confiance en lui extraordinaire, pourtant sans aucune pédanterie.

On se doutait, à la façon dont ils étaient habillés, qu'ils ne devaient guère connaître le genre de problèmes que ceux qui préoccupaient Axel.

Et puis, le détachement avec lequel ils se comportaient dans ce lieu huppé laissait à penser qu'ils étaient habitués au luxe.

D'ailleurs, ils commandèrent du champagne à l'apéritif, et Axel vit qu'on leur apportait des blinis avec du caviar.


Il était en train de dire à Anna qu'il y avait tout de même des gens qui avaient de la chance quand, d'un seul coup, la mémoire lui revint et il reconnut le type.

Tout d'abord, cela lui parut impossible. Non, ce ne pouvait pas être lui, cet affreux Ludovic qu'il avait connu vers la fin de ses études !

Il ne pouvait pas avoir changé à ce point !

Les souvenirs revenaient à toute vitesse. Ludovic le râleur, moche, pas drôle, pas sympa, le copain de personne et qui faisait fuir les filles.

Dans la classe, ils l'évitaient tous et inventaient n'importe quoi pour ne pas se le trimballer, ne serait-ce qu'au café près du lycée.

Comment avait-il pu se métamorphoser à ce point ? Une hideuse chenille devenue un beau papillon, se mit à penser Axel assez sottement.

A moins que ce ne soit pas lui, il y a des gens qui se ressemblent, après tout...


Leur présence lui gâcha le repas. Il n'arrivait pas à ne pas les regarder et la femme était tellement jolie qu'Anna finit par lui demander s'il voulait sa photo...

Il bredouilla qu'il croyait reconnaître un ancien camarade de classe mais qu'il hésitait, que le gars aurait beaucoup changé, et Anna eut l'air sceptique.

Subitement, le couple qui était à la table les séparant d'eux se leva et le serveur leur apporta leurs vêtements. Ils avaient fini de dîner sans qu'Axel n'ait prêté l'oeil à eux et partaient.

Anna et Axel venaient d'ailleurs, eux aussi, de finir de dîner.

C'est alors que, l'obstacle qui les masquait ayant disparu, Ludovic vit Axel.

Il n'hésita pas une seconde. Arborant un grand sourire, il se leva sans le quitter des yeux et vint à leur table, la main tendue vers lui.

- Axel ! lui dit-il.

Il lui serra la main.

- Ludo ? Il me semblait bien t'avoir reconnu mais j'avais peur de me tromper. Tu as changé, dis donc !

- Toi pas trop, lui dit-il. Ton épouse ? Il désignait Anna en l'interrogeant du regard.

- Oui, je te présente ma femme, Anna.

Il serra la main d'Anna avec une empathie qui se lisait sur son visage, en disant ce qu'on dit un peu bêtement dans ces situations, quelque chose comme « Très heureux ».

- Pfiouuuu, ça fait un bail, dit-il à Axel.

- Oui, 14 ans non ?

- Oui, 14 ou 15, tu te souviens, le lycée... Mais, vous avez fini de dîner ? Je m'impose, là, je vous dérange...

- Non, on avait fini, lui dit Axel en regardant Anna.

- Ecoute, nous, nous en sommes au dessert, vous venez boire le café ?

Voyant qu'Anna opinait, Axel accepta. Ludovic appela le serveur et l'affaire fut réglée en un instant.

Il leur présenta sa compagne. Elle s'appelait Laure. Elle était encore plus belle de près et, chose rare chez les gens que la nature a si généreusement gâtés, semblait très simple et très gentille.

Anna et elle sympathisèrent immédiatement.

Puis vinrent les inévitables questions sur ce qu'ils étaient devenus, depuis tout ce temps.

- Tu sembles avoir bien tourné, finit par lui dire Axel avec un clin d'oeil qu'il regretta d'avoir fait dans la seconde suivante. Anna n'aimait pas cela. Mauvais genre, disait-elle.

- Oui, disons que je n'ai pas à me plaindre.

- Alors, tu fais quoi au juste, tu as poursuivi, après le bac ?

- Non, lui répondit Ludovic, pas plus que toi mais bon, j'ai su nager, ça va, et toi ?

- Moi, euh bon, moyen.

Les filles parlaient déjà de leur côté. Axel n'arrivait pas à entendre vraiment, juste quelques bribes du style « oui, super classe mais un peu cher ». Il en conclut qu'elles parlaient de fringues.

Ludo lui parut être ennuyé par cette dernière réponse. Il faut dire que « Moi, euh bon, moyen », ben justement, comme conversation, c'est moyen.

Il regarda Axel étrangement et dit :

- Maintenant qu'on s'est retrouvés, je ne vais pas te laisser repartir comme ça. Si tu es libre lundi vers 18 heures, passe chez moi, j'aimerais bien qu'on parle.

Axel n'était pas submergé de rendez-vous, loin de là.

Il accepta et Ludovic lui tendit une carte de visite comme on n'en faisait plus depuis longtemps, sans doute à cause du coût.

Mais l'argent semblait être le dernier des soucis de Ludo.

La soirée se finit comme ça, sans autre intérêt particulier.

A la sortie du restaurant, ils s'embrassèrent tous, comme des gens que la vie avait séparés et qui venaient de se retrouver, ce qui était vrai à l'exception des filles.

Ludo fit une sorte de petit signe à l'intention d'Axel et dit :

- A lundi soir alors ?

- A lundi oui, 18 heures.


La malle du DiableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant