- Il voulait me voir, j'ai reçu une convocation hier soir de la part de son petit-fils, Nélo ...

Les gardes se regardent puis tournent de nouveau les yeux vers moi.

- Le Grand-Maître ne désire voir personne, et vous ne dérogez pas à la règle.

Je me sens offensée. Pourquoi est-ce qu'il me demande de venir le voir si c'est pour me chasser par la suite ?

- Qu'est-ce qu'il se passe ? je demande alors. Pourquoi il ne veut voir personne ?

- Cela ne vous regarde pas, je vous prie de retourner à vos occupations. Bonne journée.

Voyant qu je ne pourrais rien négocier, je tourne les talons et je me dirige vers l'autre côté du village pour aller travailler. Des questions tourbillonnent dans mon esprit agité.

De quoi voulait-il me parler ?

Pourquoi chasser tous les visiteurs ?

Et puis soudain, je repense à ce que m'a dit Jude hier. Alphonse est malade. Sans réfléchir deux fois, je fais demi-tour et je retourne devant les gardes.

- Je suis au courant, dis-je. Je sais qu'Alphonse est malade.

Tous les deux sont abasourdis. Visiblement, cette information est plus que confidentielle. Ils me regardent sans trop savoir quoi faire, puis d'un même geste, ils s'écartent pour me laisser entrer.

L'intérieur de la demeure est plus sombre que jamais. Les lieux sentent la poussière et le froid matinal accentue le côté hostile de la maison. Je ne reconnais presque rien, comme si la maladie d'Alphonse affectait les lieux. Je frissonne.

Les escaliers face à moi ne sont aucunement accueillants et je ne désire en aucun cas monter à l'étage. La pièce où je me suis rendue les deux dernières fois que je suis venue est fermée a clef. Le métal froid de la poignée fait un bruit de grincement qui me fait tressaillir.

A droite de l'escalier se troue un couloir qui est tout aussi sombre que le reste de la maison. Il desserre deux portes qui sont sur le même pan de mur. J'ai une chance sur deux. Il n'y a aucuns bruits et je doute que quelqu'un se trouve dans les deux pièces fermées.

Je colle mon oreille sur la première porte mais je n'entends rien. Je décide donc de frapper sur la deuxième porte.

Trois coups.

J'entends quelques pas résonner de l'autre côté puis une tête apparaît dans l'embrasure de la porte. C'est Jude.

Mon cœur se met à battre la chamade, je ne devrai pas être là, je dois sortir d'ici.

Je veux courir, mais je suis pétrifiée.

Jude ouvre la porte en plus grand et je vois qu'Alphonse est allongé dans un lit au fond de la pièce. Il ne prend pas la peine de tourner la tête vers moi.

- Nous vous attendions Aurore, dit-il de sa voix cristalline.

J'entre dans la pièce même si je n'ai aucune idée de ce qu'il se passe. Nélo est aussi présent, mais il est reclus dans un coin, en larmes. Il me fait penser à un enfant à cet instant, il a l'air tellement vulnérable ...

Sans prévenir, Jude me prend la main. Je pose directement mon regard sur nos mains jointes et je la retire précipitamment sans donner d'explications. Je sens le regard interloqué de Jude sur moi, mais je n'ai pas le courage de lever la tête pour constater de son étonnement.

Je prends place dans un des sièges a côté du lit du Grand-Maître sans rien dire. J'aurais préféré m'entretenir seule avec Alphonse. La présence de Jude me met mal à l'aise et c'est la première fois que je ressens ça avec lui.

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