J’ai ouvert les yeux. Il m’a fallu un instant, un long instant, pour réaliser que j’étais dans notre nouvelle maison. Puis, les souvenirs d’hier sont revenus, lourds et désagréables… Attends, je me suis endormie sur mon tapis de prière. Alors, qu’est-ce qui m’a amenée ici ? Ou plutôt, qui est-ce qui m'a déposée sur ce lit, notre lit ?
Ça ne pouvait être que lui.
Il était sept heures et quart. J’étais toujours étendue, à écouter le silence de la maison. Soudain, j'ai entendu le bruit de la chasse d’eau qui s’ouvrait. Ce devait être Rachid qui prenait sa douche, se préparant à aller au travail.
Je me suis alors levée, mes pensées lourdes comme du plomb. Je me suis dirigée vers la cuisine et j’ai commencé à préparer son petit-déjeuner. En attendant de savoir exactement ce que je devais lui préparer, j’ai préalablement mis de l’eau à chauffer pour son café. (Oui, on s’est disputés, oui, on ne se parle plus, oui, il ne m’aime pas ou plus, mais je reste quand même sa femme. Ce que je dois faire, je le ferai. S’il ne fait pas ce qu’il a à faire, c’est son problème, pas le mien.)
Je suis revenue dans la chambre et lui ai demandé ce qu’il voulait manger. Il m’a répondu, d'une voix neutre qui m'a glacée, qu’il voulait juste une tasse de café.
Je la lui ai apportée, silencieusement, et je suis partie prendre ma douche. Quand je suis sortie de la salle de bain, il était déjà parti au travail. La tasse de café vide reposait sur la table. Je suis partie au marché, etc… La journée a commencé son cours monotone.
Quand je suis revenue, j’ai commencé à préparer le déjeuner. Quand j’avais fini, il était quatorze heures. Du coup, je me suis lavée, j’ai prié et me suis un peu reposée aussi. J’ai appelé le chauffeur pour qu’il livre le déjeuner à Rachid. Puis, en même temps, je lui ai demandé de me déposer chez ma mère quand il reviendrait.
Le trajet fut un peu long et les embouteillages incroyables. J’ai passé tout le temps à regarder par la fenêtre, à laisser mon esprit vagabonder loin des murs de cette nouvelle maison qui n'était pas encore un « chez-nous ».
Arrivée chez ma mère
Je l’ai trouvée dans la cuisine. Elle était en train de préparer mes beignets préférés. La bonne odeur familière a chassé mes soucis de la journée.
— « Maman ! Tu m’as tellement manqué, » ai-je dit en la serrant fort.
— « Tu m’as manqué aussi. Bonne arrivée, ma fille, » a-t-elle répondu en riant.
— « Où sont mes tantes ? Elles me manquent tellement aussi avec leurs histoires ! Chiiiii ! Vous m’avez vraiment manqué… Maman, je vais dans ma chambre, j’arrive, » ai-je lancé, impatiente de retrouver mon refuge.
Elle a hoché la tête, un sourire dans les yeux. Je suis entrée dans ma chambre. Elle était intacte, rien n’avait changé. C'était un réconfort immense. Je me suis douchée, vu que le chemin avait été long. J’ai enfilé quelques habits que j’avais laissés là-bas et suis descendue aider ma mère avec les beignets.
— « Maman, je te préviens, enhh, une partie pour moi, dhh ! L’autre partie, tu peux vendre ça ! » ai-je prévenu en pétrissant la pâte.
— « Heee, jamais de la vie ! Toi-même, tu sais que tu parles comme ça, mais tu n’y crois pas, » a-t-elle rétorqué, amusée.
J’ai arrêté de pétrir et l’ai regardée, faussement blessée, mon cœur sautant de joie à retrouver cette complicité.
— « Maman, je ne plaisante pas, dhh ! Hein, ma part ! »
Ayant fini, je me suis lavé les mains et ai prié. J’avais prévu de reprendre le chemin à 18 heures. Donc, j’allais profiter au maximum, car je savais que j’allais prendre du temps à revenir.
Je me suis allongée sur mon lit, et là, tout est repassé dans mon esprit comme dans un film, de mon réveil à l'odeur des beignets. J’ai soupiré.
J’entendis quelqu’un toquer. Je lui dis d’entrer. C’était ma tante Khady, une de mes tantes préférées, celle qui voit tout.
— « Bonjour, Asma. »
— « Salut, tata. »
— « Ta mère m’a dit que tu étais arrivée tout à l’heure. Le trajet n’a pas été dur ? »
— « Non, non, ça va, Alhamdoulillah. »
Elle s’installa plus confortablement sur mon lit, le regard attentif.
— « Et ton mariage, ça va ? »
Le silence s’est fait lourd entre nous.
— « … »
— « Asma, ça va ? »
— « Oh… oui, oui, » ai-je bégayé, essayant de paraître convaincante.
Elle posa sa main sur la mienne, son regard plein de douceur.
— « Tu me mens. Je sais que tu ne vas pas bien… Je suis plus âgée que toi, ma fille. Tu as grandi devant mes yeux. Je te comprends bien mieux que tu ne le crois. »
— « Bien sûr que si, ma tante, ça va, » ai-je insisté, n'aimant pas qu'on lise en moi.
— « Bon, je vais te laisser te reposer un peu, d’accord ? J’y vais, » a-t-elle dit, acceptant mon mensonge par politesse.
— « OK, bonne journée. »
Elle est sortie. J’ai soupiré, passant une main sur mon front. Faut vraiment que j’arrête de trop penser, dhh ! Les gens âgés là, on dirait qu’ils lisent dans ma tête, là. Ihhhh. Eux-mêmes, est-ce qu’ils sont humains ?
Bon, il fallait que j’aille voir ma mère dehors avec les beignets. Je suis sortie. Je l’ai vue, elle était en train de les frire. Bon, la mission ici, c’était de prendre cinq beignets sans qu’elle le sache.
Je suis retournée dans ma chambre pour poser le plan. Une vraie mission d'infiltration.
— « Bon, Asma, on doit réussir la mission. On doit le faire, et je sais qu’on peut le faire ! C’est la seule chance que j’ai de réussir. C’est maintenant ou jamais. Je peux le faire ! »
Je suis sortie en mode agent secret, j’ai avancé à pas de loup, aucun bruit. Bon, pour l’instant. Le plat était juste derrière elle, donc même si je respirais trop fort, elle allait savoir. J’étais derrière elle. Je me suis penchée un peu et, doucement, j’en ai pris trois.
Je me suis retournée lentement et suis repartie dans ma chambre. Quand j’ai fermé la porte :
— « VICTOIRE !!!! »
— « ASMAAAAA ! »
— « Ohh, non, » ai-je chuchoté, les joues pendantes.
— « VIENS ICI ! »
Je suis sortie, désespérée, car je savais ce qui m’attendait, mais je suis quand même sortie sans les beignets.
— « Rends-les-moi ! »
— « Hein ? »
— « Rends-moi les trois beignets que tu as pris ici ! »
— « Heeee, Maman, toi aussi ! On t’a dit je suis voleuse ? J’ai dépassé ça ! Ne parle pas comme ça, sinon mes tantes vont encore recommencer à me "kagno" (taquiner) ! »
— « Sheuuuu ! Amène-moi mes beignets avant que je te trouve là-bas, hun ! »
Je suis entrée dans la chambre et les ai pris. Je suis ressortie, déçue. J’avais parlé trop tôt… enfin, crié trop tôt. Je me suis dirigée vers elle avec des yeux de chien battu.
— « Tu sais, ce n’est même pas les tiens ! C’est tata Khady qui me les a offerts ! »
— « Menteuse, » a-t-elle chuchoté en riant.
— « Oh, oh, oh, oh ! Là, non ! Là, tu touches à ma sensibilité ! Tu touches à ma sensibilité ! »
Elle a ri encore plus fort. Je ne rigolais pas du tout, moi !
— « Maman, je ne rigole pas moiiiiii ! »
— « J’ai dit de déposer les beignets ici. »
Je les ai déposés, espérant au moins qu’elle me dise : « Tu peux en prendre un. » Mais non. La femme là, même, ahhhhh ! Elle ne m’a même pas regardée. Je me demande où est passé l’amour de cette maman pour moi !
— « Je peux en prendre un, hein, Maman ? »
— « Non. »
— « Je vais prendre, dhh ! »
Sur le coup, j’en ai pris un et j’ai fui dans ma chambre. Je me suis enfermée dedans. Je l’ai directement mis dans ma bouche. Et je suis restée collée à la porte, de dos, pour que mes tantes ne me chatouillent pas (ici, c’était ça la punition, dhh, enfin la mienne).
De la porte de ma chambre, j’ai entendu tata Khady :
— « Cette fille-là, elle ne va jamais grandir, jamais ! » en riant.
— « Tata, je ne suis pas ton égal, dhhh ! " Yagui may traversé nak " (Tu vas trop loin, là) ! » les mots étouffés par la nourriture.
— « " Mane yakamti woumala dinala diap " (Je ne suis pas pressée, je sais que je t’aurais) ! »
— « J’ai pas peur, toi, ohh ! »
J’ai ri, franchement. Des moments comme ça m’avaient tellement manqué. J’ai attendu qu’elle sorte pour pouvoir enfin m’allonger sur mon lit. J’ai repensé à tout et j’ai encore ri.
Soudainement, la porte s’est ouverte sans qu’on toque.
Ohh, non ! J’étais fichue.
C’était ma tante Khady. La sentence. Chiiii.
— « Je t’avais dit que je n’étais pas pressée, non ? » dit tata Khady, le visage confiant.
— « Ankayy bilay yako wax (Oui, exactement) ! »
— « On va commencer par quoi ? Les chatouilles ou la fessée ? »
— « Aucun des deux, tata ! Toi aussi, je parlais à ma maman ! »
— « Enhhhhhh ! Tu parlais comme ça à ta mère ? » dit-elle en s’approchant, un sourire espiègle aux lèvres.
— « Non, non, nonnnnnnn ! Je parlais… au… au téléphone ! » ai-je crié, ayant l’air de pleurer.
Elle m’a chatouillée. J’ai ri jusqu’à en avoir les larmes aux yeux. J’ai crié, crié, crié tellement que je ne pouvais même plus parler. J’ai tenté de parler pour me défendre, pour lui dire d’arrêter, mais ma voix m’a trahie. Je ne pouvais même plus sortir un mot. La douleur de ça, ahhhh ! Et c’est la pire sensation du monde, car quand on te chatouille, tu ne peux pas parler, même le son de ton rire ne sort pas, c'est juste un spasme silencieux.
Quand elle m’a enfin relâchée, j’ai repris mon souffle, fatiguée.
— « Thuurrrrrr ! » ai-je soufflé.
Elle s’est retournée pour me regarder. J’ai tourné le regard vers l’armoire.
— « Depuis ce matin, je cherche ma robe. Là, je ne la vois pas… Pourquoi tu me regardes, tata ? Je ne te parle pas, dhh ! Ce que tu m’as fait vivre n’est pas assez ! »
— « Thimmm ! Fille sans vergogne ! » a-t-elle lâché en rigolant.
Vers 17 heures, j’ai prié, j’ai fait des douas, etc… Puis, je suis descendue voir ma mère avec la vente. On a papoté, papoté. Je me suis sentie si libre et si… heureuse. C’était le refuge dont j’avais besoin.
— « Asma, tu peux m’apporter de l’eau ? J’ai un peu soif, » m'a demandé ma mère.
Ohhh, j’avais la flemme de remonter en haut. Bahhh, du coup :
— « Je dois partir à la boutique, là, je vais t’en acheter ! »
C’était faux. Je voulais juste ne pas aller à l’intérieur, et ça me faisait l’occasion. Je voulais marcher un peu, donc…
J’ai marché, un peu longtemps. J’ai voulu me rendre dans l’autre boutique, mais tellement j’ai pris des raccourcis que je me suis perdue. En plus, je ne me rendais pas trop là-bas, très rarement, et je n’avais jamais pris de raccourcis. J’ai marché longtemps pour retrouver mon chemin et, enfin, je l’ai retrouvé. Il était environ 18 heures.
Je marchais tranquillement, mon cœur apaisé par la journée en famille. J’étais à deux pas de la maison de ma mère, prête à retrouver le chauffeur pour rentrer.
Quand soudain,
j’ai entendu un son familier derrière moi.
Un bruit de moteur que je connaissais trop bien.
Mon cœur a manqué un battement. Un sentiment de malaise, une intuition glaciale.
Je me suis retournée lentement.
ANDA SEDANG MEMBACA
La Promise Inattendue
CintaElle ne voulait pas se marier. Il ne voulait pas d'elle. Mais entre regards volés et silences brûlants... Le cœur pourrait bien dire "oui" avant ou après eux.
