Voyageur temporel : 1

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Marc vit en 2017, il a trente ans et vit dans une vieille petite maison campagnarde au milieu de nulle part. Cet isolement lui convient, les autres ne lui manquent que rarement, quelques élans de solitude qu'il dompte de mieux en mieux. Il partage ses journées entre ses livres, son potager et ses promenades en courant. Quelques connexions sur un jeu de rôle médiéval pour s'abreuver du minimum vital de lien social. Il s'est donné pour but dans la vie de comprendre le monde, comprendre ce qu'il fait là sur cette petite planète. Il y consacre tout son temps pour aller le plus loin possible et ne comprend pas les autres qui perdent le leur à s'intégrer socialement le plus haut possible au lieu de se poser des questions importantes. Il est assis à l'ombre d'un grand chêne dans son petit jardin, referme le livre scientifique qu'il vient de finir et va le poser sur une étagère de sa grande bibliothèque à coté des 1600 autres. Il s'apprête à aller arroser ses tomates quand une intense lumière surgit du ciel, au moins un million de lumens concentrés en un cercle de moins de cent mètres de diamètre. Il s'attend à brûler vif mais aucune chaleur ne s'en dégage, presque aucune énergie même. Pas le temps de chercher à comprendre, le monde disparaît, il s'évanouit.  

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La capsule pénètre dans l'atmosphère, déclenche ses boucliers thermiques et son module de furtivité. Des anti-photons captent les photons dans une embrassade annihilante avant qu'ils n'aillent finir leurs courses dans un capteur de la population locale. Discrétion assurée mais pour plus de sécurité le lieu d'atterrissage a été choisi à l'écart des habitants. Personne à huit kilomètres à la ronde, peu de chances que le cratère d'impact soit décelé et encore moins qu'il soit rapporté à des autorités avant que le corps d'apparence locale ne soit fabriqué. L'ambassadrice opte le plus souvent pour l'immersion sous forme locale pour faciliter la communication. La secousse de l'impact déclenche le catalyseur biologique qui utilise les données captées dans l'atmosphère pour construire un corps autochtone. De grand jets d'eau éteignent la végétation enflammée autour du trou de quatre mètres de profondeur et un hologramme imitant le sol est projeté au bon endroit. La supercherie ne résisterait pas à un œil attentif mais pour les dix jours de maturation du corps c'est suffisant. Les capteurs de sous-sol et de surfaces se déploient et des sondes invisibles à la lumière ordinaire s'envolent pour étudier divers aspects de la planète. L'ambassadrice analyse les données pour moduler au mieux l'apparence et le métabolisme du nourrisson synthétique. Elle profite de sa forme quasi dématérialisée tant qu'elle peut, incorporer cette matière difforme ne la tente pas vraiment. Quelle complication que de devoir prendre forme et s'encombrer de cette masse lente et inutile, les pauvres! Elle puise de la motivation dans les objectifs à atteindre. Ce moment passera vite, à peine dix petits tours autour de leur étoile. Le dilatateur de dimensions réduit progressivement sa puissance jusqu'à ce qu'elle ait intégré le corps. Seule façon de voyager dans le temps et l'espace restreint de cette jeune civilisation les variations dimensionnelles peuvent perturber l'équilibre d'un système de quelques dimensions, il vaut mieux ne pas prendre le risque d'une régression quantique ici. Bien que très improbable, un emballement à l'échelle de Planck impliquerait une boucle évanescente de trame spatio-temporelle autour de la capsule, des êtres vivants pourraient la traverser par mégarde. 

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Marc reprend connaissance comme si rien n'était arrivé, toujours en état de choc mais la conscience fluide et alerte. L'endroit semble être le même mais différent, il cherche sa maison du regard mais ne voit rien d'autre que la forêt habituelle. A bien y regarder ce n'est pas la même forêt, toujours le même dénivelé de terrain mais les arbres sont différents et le ciel est parsemé de nuages absents l'instant d'avant. Et cette lumière aveuglante? Une chose est sûre ça ne vient pas de mon cerveau, ma maison serait là sinon, ou alors c'est un traumatisme profond, sans signe précurseur et extrêmement rare? Il teste rapidement ses fonctions usuelles : motricité ok, langage ok, mémoires ok, raisonnement ok, intégrité du soi ok...tout semble en ordre. D'un autre coté, trouver une explication moins improbable qu'une cause interne s'avère difficile. Une expérience militaire ou civile top-secrète de miroir en orbite qui concentrerait la lumière du soleil sur une petite surface? Non, la température aurait augmentée. Une explosion de supernova à proximité? non, bien sûr. La foudre en boule, une explosion nucléaire, un dirigeable à l'hélium instable, radioactivité du manteau supérieur de la planète, tempête solaire? Non, non et encore non, impossible, ça ne va pas. Mais alors quoi? Surchargé d'inconnu, en état de non-contrôle sur les événements il décide de s'allonger en position latérale de sécurité, au cas où, puis ferme les yeux et respire profondément. Il lui faut du temps et aucun danger immédiat ne gronde, il patiente un quart d'heure au sol jusqu'à ce que ses pensées se calment. Finalement les choses sont simples, il y a trop d'inconnues et pas assez d'équations pour résoudre ce mystère, il n'y a qu'une chose à faire, obtenir plus d'informations. Il se lève et explore les environs.

L'extra-terrestreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant