L'equilibre fragile

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Cette dernière avança d'un pas, se présenta sous les acclamations du public et retourna à sa place. Je remarquai très vite les personnes venues la soutenir, ils criaient plus fort, plus longtemps pour l'encourager. Ce fut la même chose pour chaque gymnaste qui suivit. Pendant ce temps, la boule dans mon ventre ne fit que s'accroître, sachant que personne ne crierait plus fort pour moi. Il restait deux filles avant moi. Je n'avais toujours pas osé poser un regard sur la foule, fixant toujours le même point sur le mur.

—Milya Vistone, scanda le présentateur lorsque vint mon tour.

Je fis comme toutes les autres, plaquant un sourire sur mes lèvres, m'avançant d'un pas. Et en retournant à ma place, une petite voix se démarqua des autres. Une voix qui criait mon nom. Je scannais les gens un par un à la recherche de cette personne. Puis mon regard s'arrêta sur une fille avec des cheveux blonds comme l'or, une silhouette fine et un sourire éclatant. Elle criait mon nom encore et encore, toujours plus fort en sautillant sur place. Cette fille, c'était Judie, ma meilleure amie d'enfance.

On se connaissait grâce à la gym, ayant commencé le même sport, dans le même club, au même âge. Dès la première journée, on était devenues inséparables. Et pendant plus de 10 ans, on avait été dans le même groupe de compète, évoluant en même temps.

Malheureusement, elle avait dû déménager à Lyon et on ne se voyait que très rarement. Mais aujourd'hui, elle était venue me voir, moi et moi seul. Elle fit un grand sourire et brandit une pancarte sur laquelle il était écrit : « tu vas tout déchirer, je crois en toi ! ».

Et ces quelques mots me firent le plus grand bien. J'avais mal aux joues tellement je souriais. Je me sentais flotter dans les airs, toute trace de stress partit.

—Mesdemoiselles, maintenant que les présentations sont faites, je vous laisse rejoindre votre entraîneur pour que la compétition puisse commencer. Bonne chance à vous !, nous expliqua le monsieur au micro.

On se dispersa, chacune allant vers son entraîneur. Sève et Nath étaient placés aux barres, mon premier agrès.

—Prête ?, me demanda Sève lorsque j'arrivais à leur niveau.

—Oui ! Comme jamais. Dis-moi, t'étais au courant que Judie venait ?

Elle me répondit par un sourire qui voulait tout dire. C'est elle qui avait organisé ça.

On était cinq gymnastes à la barre. Deux que je connaissais déjà, assez redoutables. Nous nous présentâmes donc devant les juges, et c'était Lili, une des filles que j'avais déjà rencontrée, qui devait commencer. Les quatre autres filles passèrent avant moi. Je les observais avec attention, notant mentalement leurs enchaînements, leurs erreurs, leur niveau.

Lili était solide, rapide et fluide. Une autre, que je ne connaissais pas, manqua un rattrapé sur le lâcher, mais s'en sortit sans chute. Rien d'insurmontable, mais pas de place pour l'erreur non plus.

Moi, j'attendais, immobile, les bras croisés, feignant l'assurance alors que le stress faisait trembler tout mon corps.

— Détends-toi un peu, souffla Nath à mon oreille. Tes épaules sont tellement hautes qu'on dirait que t'as oublié ton cou.

Je souris à moitié, mais c'était vrai. J'étais tendue. Tout mon corps vibrait d'adrénaline contenue.

Puis mon tour arriva. On m'appela d'une voix neutre, et je m'avançai vers les barres.

Je saluai les juges. Et là, tout devint silencieux.

Je m'approchai des barres, les mains moites, le cœur battant à toute vitesse. C'était le premier agrès, celui qui donnait le ton. Celui où tu n'as pas le droit de tomber dès le début, sinon tu perds tout. Je fis craquer mes poignets, secouai mes bras, répétai mentalement chaque mouvement de ma routine. Je les connaissais par cœur, je les avais enchaînés des centaines de fois.
Et pourtant, j'avais l'impression de les découvrir pour la première fois.

Fall, get up, repeatWhere stories live. Discover now