Relation discrète

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Depuis ce jour dans le square, Louane et Gabriel étaient officiellement « ensemble ». Officiellement... mais pas aux yeux de tous. Leur relation était un secret, un doux mystère qu'ils gardaient pour eux seuls, comme un trésor caché.

Ils avaient décidé, d'un commun accord, de ne rien dire pour l'instant. Ni à Lucie, ni à Martin, ni même à Chloé la surveillante si gentille, encore moins aux autres élèves toujours prompts à jaser. C'était leur bulle, leur monde parallèle, protégé du regard des autres. Et ça rendait chaque moment encore plus intense.

Au collège, ils faisaient comme si de rien n'était.

Assis à leur îlot, Louane gardait toujours une certaine distance physique, mais ses yeux cherchaient souvent ceux de Gabriel. Parfois, leurs jambes se frôlaient sous la table, intentionnellement. Parfois, leurs mains se touchaient à peine en passant une feuille. Et parfois, pendant les travaux de groupe, elle sentait son souffle tout près de son oreille lorsqu'il lui murmurait une réponse.

Personne ne s'en doutait. Ou alors, tout le monde faisait semblant de ne rien voir.

— T'as vu le prof de maths ? Il a encore oublié son propre exercice, chuchota un jour Lucie en riant.

— C'est clair, répondit Louane en souriant, mais son regard avait glissé vers Gabriel, qui levait à peine un sourcil pour elle, sourire discret au coin des lèvres.

Il ne parlait pas beaucoup en classe. Mais quand il le faisait, Louane sentait toujours un frisson courir le long de son dos. Il avait cette voix grave pour son âge, calme, et surtout... pour elle, il avait des mots doux en réserve. Mais jamais devant les autres.

Leur relation se vivait entre deux couloirs, à l'ombre d'un arbre dans la cour, derrière un pilier dans le hall. Ils se retrouvaient quelques secondes à peine, un regard, un sourire, un mot doux.

— Tu m'as manqué, lui murmurait-il souvent.

— Mais on était ensemble ce matin, chuchotait-elle en rougissant.

— Je sais. Et alors ?

Elle riait, sa main pressée dans la sienne pendant deux secondes, avant que quelqu'un n'apparaisse au détour du couloir.

La pause de midi était souvent le moment le plus difficile.

Au self, ils s'installaient côte à côte, entourés de Lucie et Martin. Impossible de se frôler, de se parler comme ils le voulaient. Mais parfois, ils échangeaient un mot sous la table, griffonné à la va-vite sur une serviette :

« T'es trop belle aujourd'hui. »

« Tu veux me retrouver à la récré ? »

« Je rêve de t'embrasser, là, maintenant. »

Chaque mot volé devenait une preuve. Un rappel qu'ils existaient l'un pour l'autre.

Un jour, pendant une heure de permanence, ils avaient réussi à s'éclipser. Prétextant un mal de tête, Louane était sortie en premier, suivie de Gabriel dix minutes plus tard. Ils s'étaient retrouvés derrière le vieux bâtiment, là où presque personne ne traînait. Les murs étaient couverts de mousse et le sol de feuilles sèches. Leurs pas étouffés, leurs souffles rapides.

Il l'avait prise dans ses bras, sans un mot. Elle avait enfoui son visage dans son sweat noir, respirant son odeur, sa chaleur.

— C'est trop court, murmura-t-elle.

— Je sais, répondit-il. Mais c'est déjà ça.

Ils s'étaient embrassés là, à l'abri du monde, en silence. Et ce silence, si profond, valait tous les mots.

Mais garder un secret, aussi doux soit-il, finit toujours par peser.

Un vendredi après-midi, alors que le ciel était gris et que la pluie martelait les vitres de la salle de français, Louane sentait une tension étrange. Lucie la regardait par moments, puis observait Gabriel. À la fin du cours, elle tira Louane par la manche.

— Dis... y'a un truc entre vous deux, non ?

Le cœur de Louane fit un bond.

— Hein ? Non, pourquoi tu dis ça ?

Lucie haussa les épaules, sourire en coin.

— Juste une intuition. Vous avez l'air... trop en phase.

Louane baissa les yeux, un peu déstabilisée. Elle savait que le moment de tout dire finirait par venir. Mais pas encore. Pas aujourd'hui.

Le soir même, elle en parla à Gabriel.

— Lucie commence à se douter.

— Tu veux qu'on lui dise ?

Elle réfléchit un instant, puis secoua la tête.

— Pas encore. J'aime bien qu'on soit juste nous deux à savoir.

Il lui envoya un cœur en réponse.

Le lendemain, samedi matin, ils se retrouvèrent au skatepark. Gabriel l'avait invitée pour lui « montrer un truc ».

Il faisait froid, mais Louane avait mis une écharpe rose autour de son cou. Gabriel était déjà là, casquette sur la tête, planche à la main.

Il fit quelques figures, rien d'incroyable, mais elle le regardait comme s'il dansait. Et quand il vint s'asseoir à côté d'elle, il lui tendit une petite boîte.

— C'est pas grand-chose, dit-il.

Louane ouvrit. Un petit bracelet tressé, fait de fils noirs et dorés.

— C'est... pour moi ?

— Tu le mets à ta cheville, comme ça personne ne le verra. Mais tu sauras que je pense à toi.

Les larmes lui montèrent presque aux yeux.

— Je t'aime, souffla-t-elle.

Il la regarda longuement.

— Moi aussi.

Et ce jour-là, dans le froid, sous un ciel d'hiver, leur relation secrète devint un peu plus forte. Plus réelle.

Parce que même caché, l'amour sait se faire entendre.


~☆Destin☆~Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon