1- SANS GENE - Sacha

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Sacha

Une fois ma journée finie, je me fonds dans la masse new yorkaise. C'est tellement réconfortant d'être happée par cette foule, je suis à la fois seule et à la fois entourée de millions de personnes.
New York s'est imposé comme un choix logique, je suis, enfin non, j'étais prof d'anglais, les États Unis m'ont toujours attirés et Julien a toujours rêvé d'y aller...
Fuir, partir était devenu une obsession pour moi, après tout ça je devais me prouver que ma vie n'était pas foutue, que je pouvais tout recommencer.

A vingt quatre ans rien n'est perdu. Ma mère m'a répétée cette phrase pendant des mois, mais chaque fois je m'enfonçais un peu plus dans une lourde dépression.

New York c'est mon nouveau point de départ, le début de ma nouvelle vie.

Je suis le flot des travailleurs et des touristes, je suis emportée par ce courant humain, j'aime cette sensation de sécurité que cette marée humaine me procure.

Depuis deux mois j'ai pris mes habitudes, je rentre dans mon petit appartement. Je me change et part courir, pas dix kilomètres mais une distance raisonnable et qui me permet surtout d'évacuer toute la tension accumulée ces derniers mois avant mon départ.
Au retour de ma course je m'arrête au traiteur, j'y retrouve Ana, elle travaille la bas depuis huit mois. A force de m'approvisionner chez eux en plats en tout genre nous avons sympathisé puis nous sommes devenues amies, elle a facilité mon intégration en me présentant ses amis. Il m'arrive parfois de sortir avec eux mais rarement, j'aime la solitude.

Dans mon ancienne vie, je n'aimais pas la solitude, Julien et moi étions toujours entourés de nos amis, toujours les uns chez les autres, à rire et s'amuser.
Cette vie me semble si loin.
Dans quelques semaines, ça fera un an, un an que je suis plongée dans le noir, un an que je fais fasse pour ne pas sombrer.
Mon cœur se serre à la pensée de cette date fatidique.
Comment vais je aborder cette journée ?

Je chasse mes idées noires, j'ai mis du temps à refouler toutes mes émotions et à cacher mes peurs et mes doutes.

8h20 : il fait son entrée. Il me jette un regard, me sourit et fait la queue.
Je l'ignore royalement.
Dans ma tête je compte mécaniquement pour voir si je vais être obligée de le servir ou si ça sera Tom.
Alors que je respire car Tom va devoir s'y coller, je le vois avec horreur céder sa place à l'homme derrière lui.
C'est pas possible, ce mec a décidé de me rendre la vie impossible.

- Bonjour,

- Sacha ! Vous êtes en beauté ce matin !

Mais bien-sûr ! Casquette verte et jaune et tablier assorti... Je dois être éblouissante !

Ne relevant pas son compliment, je plaque mon sourire le plus commercial et enchaine

- Cocktail matin énergétique je suppose ?

- Je suis agréablement surpris et honoré que vous ayez noté mes habitudes.

- C'est juste mon travail.

- Je ne crois pas, je pense que je vous plais et que vous faites attention à moi

- Mais dans tes rêves gars !

Comme hier, au lieu de penser la phrase en silence je l'ai dite à voix haute. Je vais finir par avoir des problèmes, mon manager a été clair, le client est roi.

- Sacha, vous êtes surprenante

Je prépare rapidement son cocktail pour qu'il me lâche et dégage.
Je lui tends en prenant bien soin de ne pas croiser son regard.

- Bonne journée,

- A demain Sacha

Je ne prends même pas la peine de répondre et passe au client suivant. Le matin, nous avons rarement le temps de chômer, notre boutique est située en plein dans le quartier des affaires dans Manhattan. Toute la journée c'est un ballet incessant d'hommes d'affaires costumes cravates ou de femmes très classes en tailleur, ils entrent chacun leur tour et commandent sans me prêter la moindre attention un cocktail de fruits frais. J'aime leur capacité à me porter aucun intérêt, je demande qu'une chose, être la plus transparente possible.

Le secret de Sacha [ en pause ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant