Chapitre 4

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Pimp ta vie en rose, c'est le secret du bonheur bébé.

Amélie

Les mains pleines de liquide poisseux, j'appelle ma mère à la rescousse en criant à plein poumons pour qu'elle m'entende dans cette baraque trop bien isolée. Hésitante, je rattrape les dégâts en étalant un peu plus la sorte de crème rose sur le haut de mon front, évitant avec minutie de me faire une grosse tache qui ne partira pas avant des jours. Je vous dis directement : je me suis quand même fait une trace sur la joue parce que ça me grattait.

- Tu m'as appelé ? J'entends crier du rez-de-chaussée la voix aiguë de ma mère.

- Oui m'man ! Sauf si papa veut s'y coller, je réplique sur le même ton en constatant les dégâts de mon étourderie.

Quelques secondes de silences me répondent avant que je n'entende la voix de mon père par la fenêtre ouverte de la salle de bain, donnant sur notre petit jardin en pente. Pour qu'il puisse m'entendre de là où il est, c'est qu'il est bien en haut de notre pelouse.

- On m'appelle ? crie-t-il à notre intention.

Je ris en entendant au même moment le bruit de la tondeuse à gazon s'éteindre, juste pour ça.

- Non ! Répond-on en cœur avec la madré qui monte avec détermination les escaliers qui nous séparent dans un boucan pas possible.

La tondeuse redémarre, et je vois dans le reflet du miroir la tête de ma mère passer l'embrasure de la porte jaune poussin. Ses grands yeux de biches s'écarquillent en voyant le carnage, mais elle se contente de soupirer en pénétrant dans la pièce, pour mon plus grand bonheur.

- Tu ne pouvais pas aller chez le coiffeur ? Questionne-t-elle simplement en cherchant dans un tiroir un paquet de gants en latex que je déteste.

Je lui souris de toutes mes dents pendant qu'elle les enfile, les faisant claquer sèchement sur sa peau pale, fière et concentrée comme si elle allait faire une opération chirurgicale.

- Les gants, jeune fille ! Quand on fait des bêtises, on fait ça bien et pas sans sa vieille mère.

- T'es pas vieille maman, t'as juste 50 ans...

- Tu as raison, j'ai moins de rides que toi en plus !

Je lui tire la langue en riant, mais elle se contente de saisir le pinceau que j'ai sali pour le tremper dans la petite bassine qui contient mon mélange rose. Observant un instant ce que j'ai déjà fait, elle s'empresse d'appliquer la coloration sur mes cheveux, ou du moins sur les trous que je dois avoir derrière le crâne. Se contorsionner pour voir où j'ai mal appliqué la mixture, trop dur pour moi !

Comme on peut le voir, une maman qui accepte de vous colorer les cheveux en rose un dimanche après-midi, sans même remettre en question ce choix, peut prétendre être la meilleure maman du monde. Parce que oui, Sophie Marceau est de loin la mère la plus géniale qui soit.

Toi aussi, papa, je ne t'oublie pas.

Si elle m'a bien remonté les bretelles de nombreuses fois au cours de mon adolescence, je dois tout à cette femme. Toute petite, ses cheveux blonds en choucroute et son style coloré des années 80 lui donnent le droit de faire ce qu'elle veut. Elle est la définition vivante du Girl Power.

Alors quand papa tente de prendre le pouvoir pour rire quelques instants, il ne fait pas long feu avant d'aller passer un coup d'aspirateur ! C'est presque devenu une tradition ici, papa nous taquine, il se retrouve à faire le ménage. Mais même cette légère dictature ne dure jamais bien longtemps : maman aime trop passer la serpillère avec Queen à fond dans la maison et son mari à ses côtés. J'avoue que je les rejoins très souvent pour danser avec un plumeau.

Contre vent et maréesWhere stories live. Discover now