La porte

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Dans la panique, il court jusqu'à chez lui, non sans manquer de trébucher une bonne demi-douzaine de fois, et ouvre la porte précipitamment. Elle se tient là, sur sa table basse en marbre blanc que son oncle lui avait ramenée d'Autriche. Elle déteint avec le mur sombre du salon, avec sa couleur chatoyante. Il s'approche lentement tout en reprenant son souffle et la caresse du bout des doigts. La fraîcheur du métal peint est agréable. Il n'ose pas la prendre en main, de peur de la briser, elle paraît si fragile. Soudain, un cri retentit à l'étage, un cri de fureur. Il avance à travers le rez-de-chaussée doucement, perplexe. Son instinct lui hurle de ne faire aucun bruit et de ne pas bouger, mais la curiosité est trop forte. Ce défaut lui a par souvent joué des tours, mais, pour le moment, il n'en a que faire, il veut savoir l'identité de la personne à l'étage. On lui avait dit que la maison serait vide à son arrivée.

Il arrive devant les escaliers et commence à les gravir. Il évite les marches qu'il sait grinçantes et arrive finalement en haut. Il tend le cou pour regarder dans le couloir, mais n'aperçoit personne, seulement la chambre d'amis allumée, avec la porte entrouverte. Il avance pas à pas vers la pièce, quand soudain il marche sur quelque chose. Quand la chose se met à feuler, il comprend qu'il a le pied sur la queue d'un chat. Il baisse la tête et se fige, terrifié. Dans la pénombre du couloir, il distingue à peine le chat, mais suffisamment pour pouvoir dire qu'il n'a pas une taille normale. Il est beaucoup trop grand. Et ses yeux, rouge sang, brillent d'une lueur mauvaise. En relevant la tête, il s'aperçoit que la porte de la chambre s'est entrouverte et qu'une forme se distingue derrière. Le chat pousse un miaulement strident qui fit se dresser les poils de sa nuque.

Il commence à reculer de peur que la personne n'ouvre complètement la porte, toute curiosité envolée, mais trop tard, la porte s'ouvre violemment et va se fracasser contre le mur. Il ne parvient pas à distinguer de détails, seule une silhouette se découpant dans l'encadrement de la porte. C'est visiblement une femme, en robe de soirée, et, surtout, éprise d'une rage sans nom. Il abandonne toute discrétion et court vers les escaliers sans regarder derrière lui. Il entend malgré tout des pas, lourds et précipités, comme si la femme marchait d'une démarche rapide mais appuyée. Constater cela ne fait qu'augmenter sa terreur. Il a extrêmement peur. Peur d'être paralysé de peur. Alors, il court encore plus vite, plus vite qu'il n'a jamais couru. Arrivé dans le salon, il jette un regard à l'objet de sa présence ici, et un regret profond l'envahit. Mais c'est trop tard, il l'a dépassée et ne peut maintenant courir et espérer que ni la femme ni le chat ne la touchent. Il entend la femme pas loin derrière lui. Il court de toutes ses forces, mais ne parvient jamais à la distancer. Elle reste derrière lui, à la même distance depuis le début de sa fuite.

Il ouvre la porte d'entrée et la claque violemment derrière lui. Mais ce fut en vain, la femme la brise en milliers de copeaux de bois sombre qui s'éparpillent sur le trottoir. Il continue de courir dans la rue, craignant de bousculer quelqu'un, mais pas de risques, il n'y a personne. Absolument personne, pas même dans la pizzeria qui fait l'angle. Ce n'est pas normal. La maison est située dans une avenue réputée, celle-ci est habituellement noire de monde. De plus, ce sont les vacances d'été, un samedi après-midi ensoleillé. Il court jusque la fin de la rue, puis se rend finalement compte qu'il n'entend plus rien, hormis ses battements de cœur effrénés. Il a réussi à semer la femme en colère. 

Il se sent fier pendant quelques secondes, mais, en se retournant, il la voit de nouveau. Elle s'est arrêtée au beau milieu de la rue et le fixe d'un regard qui se pourrait noir, si seulement elle avait des pupilles. Mais ses globes oculaires sont entièrement blancs. Enfin, celui de droite. Celui de gauche est injecté de sang, comme si elle n'avait pas dormi depuis plusieurs jours. Soudain, elle ouvre la bouche et commence à chanter. Elle chante une mélodie familière, il a l'impression de l'avoir déjà entendue. Il se rapproche lentement, comme envoûté par son envie de savoir où l'a-t-il entendue. Plus il se rapproche, plus il sent qu'il doit se rapprocher encore plus pour savoir. Donc il se rapproche encore. Arrivé devant la femme, elle se coupe et tend la main, l'invitant à la prendre. Il regarde sa propre main et la rapproche de l'autre. Alors qu'il n'a qu'à tendre les doigts pour toucher la paume de la femme, il hésite. Il a très envie de la prendre, cette main, mais il sait que c'est mal, que cette femme n'est pas sainte, et qu'elle l'a hypnotisé. Mais son envie est plus forte, et il presse sa paume contre cette main divine. Il se dit que c'est le plus beau moment de sa vie. Il se sent si bien, comme si tous ses problèmes s'étaient envolés. Alors, il leva la tête et n'eut seulement le temps de voir la rage sur le visage de la femme qu'il s'évanouit.

Quand il ouvre les yeux, il ne bouge pas immédiatement et observe silencieusement le plafond de sa chambre d'hôpital, parsemé de petites taches bleues. Il tourne la tête sur le côté et voit, posée sur un petit bureau, une lettre de ses parents. Il la prend et la lit. Ils ne prennent pas de ses nouvelles, ils ne donnent pas de nouvelles d'eux non plus, mais ils lui expliquent la situation. Cette lettre, il l'a lue et relue des milliers de fois, il la connait par cœur, il l'avait reçue le lendemain de son réveil du coma, cette lettre lui expliquant pourquoi il avait des hallucinations.

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Voilà, merci de me le dire si il y a des fautes, et merci de lire.

La porteWhere stories live. Discover now