Chapitre 4 : Una Mattina

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« Un jour, tu as dit que tu serais toujours là pour moi, et tu sais quoi ? Je t'ai cru.
Je te crois encore. »

Moon to Sun, in another life

Mercredi 29 août 2012,

C'est la deuxième matinée de suite que j'arrive en retard au lycée. Si hier, j'avais une bonne excuse, aujourd'hui, c'est tout simplement parce que je n'ai pas réussi à me lever.

La nuit a été longue et agitée.

C'est rare que je fasse des cauchemars. La plupart du temps, je tombe de fatigue aux alentours de minuit et je m'endors dès que ma tête effleure la taie de mon oreiller. Entre les cours, les leçons de solfège, les devoirs à la maison et le harcèlement quasi-constant, j'ai tendance à pousser mon corps et mon esprit au-delà de leurs limites, si bien qu'une fois au lit, mon cerveau épuisé ne dispose plus d'aucune énergie pour faire autre chose que se reposer.

Mais cette nuit, j'ai rêvé d'armes à feu, d'éclaboussures de sang sur les murs peints de blanc et de cris horrifiés qui résonnaient à travers les couloirs de mon lycée, le tout sur un fond de piano aussi doux que cruel.

Una Mattina ne m'a jamais semblé aussi belle que dans ce songe sanglant, interprétée avec une justesse dramatique qui a amplifié l'écho sinistre des détonations. Les accords mélodieux se sont élevés crescendo jusqu'à frôler l'apothéose, emportant mon âme vers un firmament lumineux tandis que les dépouilles s'accumulaient devant moi. Accompagné par la musique, je me suis avancé sur le sentier de la paix, comme bercé par la grâce, en répandant la mort sur un chant envoûtant. Dans le secret de la nuit, la vengeance a côtoyé le chemin de la mélancolie, telle une ballade de larmes carminées, et ensemble, elles ont rendu un hommage solennel à tous les hurlements muets que je dois constamment retenir... car je n'ai personne à qui les confier.

L'horreur m'a réconforté.

Le temps d'une nuit.

L'espace d'un instant.

L'horreur a étreint mon cœur et fait mon bonheur.

Et c'est à mon réveil que le cauchemar a véritablement commencé.

Parce que je ne me suis pas senti coupable.

J'aurais dû l'être, non ? Au moins un peu, même si ce n'était qu'un moment d'égarement ? Qu'un songe tissé dans les ténèbres d'un minuit sans lune et voué à disparaître au lever du soleil ? Rien qu'un fantasmé éphémère, enterré comme un secret dans les méandres tourmentés de mon inconscient ?

Pourquoi ai-je pensé à ça ?

̶N̶'̶e̶s̶t̶-̶c̶e̶ ̶p̶a̶s̶ ̶é̶v̶i̶d̶e̶n̶t̶ ̶?̶

Comment mon cerveau a-t-il pu en arriver là ?

̶A̶l̶l̶o̶n̶s̶,̶ ̶j̶e̶ ̶l̶e̶ ̶s̶a̶i̶s̶ ̶t̶r̶è̶s̶ ̶b̶i̶e̶n̶..

D'une certaine façon, je me suis fait peur à moi-même... en n'étant absolument pas effrayé par le monstre que j'abrite en mon sein.

Mais peut-être que ça n'a rien à voir avec moi. Peut-être est-ce à cause d'Ethan Hagerthy et de son omniprésence dans les médias, ainsi que dans les conversations et les bruits de couloir. Tout le monde en parle, partout. Ou peut-être est-ce à cause de la remarque d'Aloys, hier après-midi, alors que je me dirigeais vers mon casier et qu'il se rendait à son entraînement de football.

UNFAIR Where stories live. Discover now