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Oui, ils m'ont déçue. Mais ils s'en moquent pas mal.

Au mieux, ils se sentirons un peu coupables les prochaines heures, au pire, ils ne réagirons pas.

Ils ne sont pas mes amis. Ils ne sont liés directement à moi que d'une seule manière: le secret. Je connais leurs vies dans les moindres détails. Si je le voulais, je pourrais les faire chanter, mais ça, ce n'est pas moi. Ça ressemble plus à ma sœur. La seule qui a d'ailleurs encore la tête haute, qui se tiens droite.

C'est ainsi, nous ne pouvons pas nous soumettre l'une l'autre; nous avons beau nous être mutuellement fait des coups bas, je la connais par cœur et vice-versa. Je ne cède pas à son charisme, ni elle au mien. Toutes les deux, nous avons les mêmes compétences, autant au niveau artistique que charismatique, mais nous ne nous en servons pas pour les mêmes choses. Elle, elle est égocentrique, et moi, je partage tout pour essayer de faire le bien autour de moi. Peut-être un peu trop, peut-être. Mais au moins, moi, je sais que je suis encore naïve.
Je ne dirais pas que Aglaé est égoïste, elle est juste comme une petite fille, qui ne sait même pas qu'on peut penser à autre chose que soi en premier lieu.

C'est d'ailleurs la première à s'avancer vers moi, alors que la salle toute entière retient son souffle. Elle semble éprouver des difficultés à avaler sa salive alors qu'elle croise mon regard accusateur.

-Tu aurais pu me prévenir, lâchais-je froidement.
-De quoi ? répondit-elle avec un air faussement innocent.
-De tout. Mais ce n'est ni le moment ni le lieu d'avoir cette discussion. Maintenant, il va falloir assumer votre bêtise, terminais-je en m'adressant cette fois-ci à toute la salle, qui releva la tête pour me regarder.

Tous retenaient leurs souffle. Ils étaient une cour de statues muettes.

-Les journalistes savent que je suis là. Ils m'attendent à l'entrée pour me mitrailler. Mais je me montrerais quand j'en aurais envie. Peut-être ce soir, ou peut-être pas ; je verrais. Et si non, vous ne pourrez ne vous en prendre qu'a vous-même. Je pensais que vous saviez pourtant que je n'aime pas qu'on me force, que vous l'aviez appris...

Je scrutais les visages. Quelques-unes m'étaient encore inconnus ; mais je les avais probablement déjà « fichés » dans ma base de données.

-Enfin. Tant qu'on y est, il serait dommage de gâcher une si belle fête. Vous devriez en profiter. Je ne pense pas dévoiler vos sombres mélodies avant un petit bout de temps.

Leurs épaules se relaxèrent, et la musique reprit.

« Sombres mélodies ». C'est ainsi que je qualifiais leurs secrets, codés sous la forme de partitions. Je ne veut pas spécialement connaitre leurs secrets, alors une fois que j'en ai découvert un, je le rentre dans ma base de données, qui le code sous forme de musique, et une nouvelle partition est crée, avec les anciens et nouveaux secrets. Je l'imprime, et me force à oublier le secret. Je remplace l'ancienne partition par la nouvelle dans l'un de mes nombreux classeurs de partitions. Bien sûr, certains secrets sont trop horribles ou stupéfiants pour que je les oublies. Quelques fois, lorsque le secret était trop lourd à porter, ou vraiment trop horrible, et que je n'avais pas absolument besoin de la personne, je la dénonçais. Anonymement, bien sûr, car non seulement j'avais acquis ces secret dans la ligne grise de la loi, parfois même sans la respecter du tout, mais surtout pour protéger mon nom, que je sois associée trop souvent à des affaires morbides du genre pouvant paraître louche.

Pour en revenir à ces secrets, sans qui je n'aurais pas été si productive, je ne veux pas que quiconque, pas même moi, puisse y accéder juste comme ça. Il s'agit de leur vies privées après tout !

C'est pour ça que le seul moyen de voir la fiche de ces personnes (ce que j'ai fait rarement, ce ne sont que des cas de force majeure), c'est de jouer la musique de la partition, et là, je peux apercevoir la fiche dans son intégralité. Car sur les partitions ne sont codes que les éléments les plus importants, il y a beaucoup, beaucoup plus de détails sur l'ordinateur. Souvent les preuves.

Ma vie de notesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant