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Ils sursautèrent dans un même geste, levant la tête pour mieux entendre. Un grognement lointain, mais tout de même assez proche pour les sortir du sommeil avait résonné d'entre les arbres. Le corps d'Emmet se tendit un peu plus dans son dos.

— Je crois que nous ne sommes plus seuls, murmura-t-il au-dessus d'elle.

Ses yeux rougeoyaient dans la semi-pénombre de l'aube. Quelque chose grogna un peu plus près encore. Lorey se tendit d'appréhension et Emmet se leva dans un geste souple, comme si une nuit inconfortable sur un sol si dur n'avait pas meurtri son dos et ses articulations.

À genoux à côté d'elle, il lui fit un geste pressé pour grimper sur son dos. Elle ne se fit pas prier devant l'urgence de la situation et s'accrocha à son cou. Dans le mouvement, elle reconnut la gueule d'un animal ressemblant à un loup, apparaître en travers d'un buisson géant.

Lorey en eut le souffle coupé. La bête était disproportionnellement énorme. Sa grosse tête pointait vers eux, la gueule retroussée sur des dents aussi longues que ses propres doigts. La dernière vision qu'elle eût avant qu'Emmet se mette à courir à grande vitesse fut les yeux de la bête, striés d'un bleu électrique.

Elle avait senti ses immenses pupilles braquées sur elle. Puis, dans une dernière vision, elle l'avait vu bondir pour prendre de l'élan, son corps souple et élancé n'avait pu les suivre dans le mouvement.

Le vent s'était alors abattu sur son visage, l'obligeant à fermer les yeux et serrer les dents. Ballottée en tout sens par la course d'Emmet, elle le sentit perdre haleine comme l'aurait fait un humain normal. Il n'utilisa sa grande vitesse qu'une minute ou deux avant de s'arrêter subitement.

Espérant que cela avait suffi à mettre suffisamment de distance entre la bête et eux, elle lâcha le cou d'Emmet et se laissa glisser jusqu'au sol, pour lui laisser le temps de récupérer son souffle.

Ensuite, sans la regarder, il lui attrapa autoritairement la main afin qu'ils continuent d'avancer. Elle s'inquiéta un instant de savoir qu'il avait peut-être utilisé ses dernières réserves pour les sauver en scrutant son profil.

Qu'elles en seraient les conséquences ? La mâchoire tendue, il gardait les yeux vers l'horizon, concentré. Il avançait d'un pas rapide et quelques gouttes de sueur perlaient à son front qu'il essuya de son autre bras, d'un geste nerveux.

— Qu'est-ce que c'était que ce truc ? Ne put-elle s'empêcher de demander.

— Un ravageur... Il va sans doute nous pister, mais j'ai pris pas mal d'avance. J'espère que ça n'était qu'un éclaireur, ça les fera perdre du temps de faire suivre la meute.

— Est-ce que t'as vu ses yeux ?

— Non j'ai préféré prendre mes jambes à mon coup si tu vois ce que je veux dire.

Son ton condescendant la fit taire. Un peu plus loin, ils trouvèrent un arbuste plein de fruits orange, dont la moitié avaient déjà été mangés par les insectes environnants. Ils ne se firent pas prier et en engouffrèrent autant qu'ils le purent rapidement.

Aucunement repus, ils continuèrent leur chemin. Emmet tirant fermement sa main en avant. Quelque chose lui disait qu'il n'avait pas envie de la laisser derrière lui.

Étrangement, elle ne se sentait pas inquiète à propos de l'animal qui les suivait, même s'il avait été terriblement effrayant. Non, il y avait quelque chose d'autre qui l'empêchait de penser de façon propre. Le sentiment étrange qu'elle avait ressenti la veille était toujours là, plus ténu et insidieux, et chaque pas qu'elle fit le faisait grandir un peu plus dans sa poitrine.

Au bout d'un long moment d'incertitude qui lui sembla une éternité, la sensation sourdait douloureusement jusqu'à ses tempes, elle lâcha la main d'Emmet et s'arrêta pour essayer de comprendre ce qu'il se passait. Dans le même mouvement, il se tourna vers elle, l'interrogeant du regard. Elle fouilla dans ses sensations un instant.

Tatouage de Sang - Malédiction. Tome 1Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt