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— Arrête, arrête Emmet.

Elle le repoussa un peu plus fort afin qu'il revienne à la raison.

Il se décolla alors d'elle et fit quelques pas en arrière. Ses tatouages recouvraient entièrement sa peau et il ferma les yeux en grimaçant, le souffle coupé. Ses cheveux sombres tombaient en désordre sur ses épaules qui tressautaient.

Une chaleur inhabituelle l'entourait. Lorey ne pouvait plus bouger, sa respiration coupée devant ce qui avait failli arriver. Ses jambes tremblaient sous l'effort de rester bien droite.

Elle ne comprenait pas ce qui leur avait pris. Elle savait qu'elle avait du désir pour lui, mais pas comme ça. Est-ce que ce qu'elle ressentait lui appartenait vraiment ? Ses pupilles encore flamboyantes se plaquèrent sur les siennes, durement.

— Désolés.

Il fit quelques pas en arrière en baissant la tête et se tourna pour prendre la fuite d'un pas raide. Lorsqu'il disparut de sa vue, Lorey put reprendre sa respiration.

Elle tenta de mettre de l'ordre dans ses cheveux emmêlés et ses vêtements à moitié défaits et faire de même avec ses propres pensées. Elle regarda autour d'elle, essayant de faire disparaître l'empreinte que son corps avait laissée sur elle.

Ce fût vain, quelques minutes plus tard, elle se dirigea vers le ruisseau. L'eau glacée l'aida à frissonner pour autre chose qu'un désir qu'elle se refusait à ressentir. Il ne fallait pas oublier ce qu'il était ni ce qu'il avait fait.

À genoux sur les cailloux qui éraflaient sa peau, elle se passa de l'eau sur le visage et la nuque. Elle resta un long moment à contempler les vaguelettes que l'eau formait à la surface miroitante.

Elle pouvait voir la lueur rougeâtre de l'astre onduler sur l'eau non loin de là. Il ne fallait pas qu'elle oublie pourquoi elle avait atterrit ici, ni à cause de qui.

Garder la rancœur en premier dans son esprit l'aida à faire disparaître les dernières miettes du désir qui crépitait dans son ventre. Lorsqu'elle revint au campement, il n'était toujours pas revenu. Elle ne s'en inquiéta pas outre mesure.

Le feu s'était éteint depuis longtemps et elle frissonna de froid en s'asseyant. Lorsqu'il revint, plusieurs heures plus tard, elle s'était rendormie. Il la secoua du bout du pied et lui ordonna de se remettre en route.

Sa froideur apparente la surprit quelque peu, mais elle ne lui en tint pas rigueur. Elle le suivit une nouvelle fois à travers la forêt, à une distance plus que nécessaire. Il avait gardé le silence tout du long. Mais en fin d'après midi, Lorey était éreintée. Chaque pas avait fini par lui coûter. Lorsqu'elle s'était laissé tomber à genoux, les muscles de ses cuisses criant de douleur, le désespoir l'avait atteint.

Son estomac s'était sans doute rétréci à cause du peu de nourriture qu'elle ingurgitait depuis des jours entiers. Elle n'avait jamais eu aussi faim de sa vie. La silhouette d'Emmet avait disparu devant elle et pourtant, elle ne put se remettre en route.

Ce n'était qu'une humaine après tout. Le paysage autour d'elle commençait à tourner, sa vision devenue floue ne put faire le point sur l'ombre d'Emmet qui s'approchait à grands pas vers elle. Un peu rassurée malgré tout, elle sentit son corps se dérober et se sentit tomber à la renverse.

Elle ne sut combien de temps elle dormit, mais lorsqu'elle ouvrit les yeux, un feu brûlait joyeusement et l'avait réchauffée. Une feuille pleine à ras bord de viande et de fruits était posée à son attention devant elle. Elle se redressa, en grimaçant de douleur. Le moindre de ses muscles hurla au moindre mouvement. Elle aperçut Emmet, adossé à un tronc d'arbre un peu plus loin. Il ne porta qu'une seconde son regard sur elle. Le visage dur, l'expression déterminée, il gardait les yeux dans les flammes.

— Merci, murmura-t-elle à son adresse en s'emparant de sa part de nourriture.

Il ne tiqua pas, restant immobile, loin d'elle. Elle sentit ses propres épaules s'affaisser, face à la dureté de son comportement. Elle comprenait malgré tout la nécessité de mettre de la distance dans leur rapport, mais elle ne put faire autrement que de s'en sentir quelque peu offensée.

Lorsqu'elle reposa son repas à moitié consommé, il la héla d'une voix dure, sans émotion.

— Tu termines ton repas, entièrement.

La vibration de sa voix qui perça le silence la fit légèrement sursauter. Elle se tourna vers lui. Celui qu'elle avait rencontré quelques semaines plus tôt avait refait son apparition. Son regard sombre la transperça de part en part. Elle en frissonna de répugnance.

— T'as pas le droit de me refaire ça.

Elle osa lui décocher le même regard.

— Si tu veux survivre dans ce monde, il va falloir te fier à moi.

Il avait raison et elle le savait, mais elle ne pouvait empêcher sa fougue de le défier du regard. Il ne répondit même pas à sa réaction puérile. Le combat était déjà terminé. Elle attrapa un morceau de viande entre ses doigts et soudain, une interrogation la surprit.

— Emmet...

— Quoi ?

Il ne semblait pas disposé à discuter, mais peu lui importait en cet instant. Elle devait savoir.

— De quelle manière est-ce que ta chimère se nourrit ?

La question sembla le surprendre et il tourna la tête de côté, silencieux. Lorey mit le morceau de viande dans sa bouche et le mâcha consciencieusement malgré qu'elle n'ait plus d'appétit. Elle aurait besoin de toute la force nécessaire pour suivre l'allure d'Emmet, si elle voulait avoir une chance de regagner son monde.

Un moment avait passé et Lorey avait quasiment terminé ce qui lui restait de son repas qu'Emmet repris de parole. Elle avait cru qu'il ne répondrait jamais.

— Il y a différentes manières. Et ce qui a failli se passer ce matin est l'une d'elles.

Il la regarda d'une manière entendue. Et elle comprit. Elle en resta pantoise en imaginant qu'une union charnelle pouvait mettre fin à sa vie.

— C'est pour ça qu'il est dangereux d'arpenter ce chemin. Je n'ai aucune envie de te voir disparaître sous mes mains. D'autant plus que je ne sais pas ce qu'il adviendrait de moi non plus, vu la charge d'énergie dont tu es pourvue. La chimère ne possède pas de corps physique et celle que je porte affectionne particulièrement la chair, comme tu peux le deviner.

Il se leva alors sur ces mots et s'étira de tout son long.

— Viens, il faut que je te montre quelque chose.

Tatouage de Sang - Malédiction. Tome 1Where stories live. Discover now