14.1 r

21 5 7
                                    

Ces paroles tombèrent sur elle comme une pluie glacée qui la firent frissonner. Il en était capable, elle en était certaine. Ils mangèrent rapidement dans un silence de plomb et elle ne croisa pas son regard lorsqu'il entreprit d'étouffer le feu avec d'autres pierres et de la terre humide.

Elle était sûre pourtant que ses questions étaient légitimes. Leur chance de survie était faible et il devait le savoir. Lorsqu'il lui ordonna de se lever pour partir, Lorey le suivit sans rechigner tandis qu'il prit une direction à travers la forêt. Elle resta un peu en arrière pendant qu'il marchait d'une allure lente, comparée à d'habitude et il ne lui proposa pas de s'accrocher sur son dos pour avancer plus vite. À coup sûr elle l'avait froissé, mais elle s'en fichait.

Malgré sa noirceur, c'était un être plein d'optimisme. À cette pensée, elle faillit éclater de rire, mais se retint. Elle continuait de suivre son gardien de fortune à travers ce paysage toujours identique de la forêt. Marcher lui fit du bien. Ses muscles se réveillèrent un peu douloureusement, mais cela lui donnait l'impression qu'elle était vivante. Au bout d'un moment, elle prit conscience qu'il ne s'éloignait jamais trop du ruisseau qui traversait la forêt. Elle se demanda combien de jours il leur faudrait pour en arriver au bout.

Le soleil avait traversé une bonne partie du ciel au moment où les pas de Lorey se firent plus lents. Ses pieds nus sur la mousse et sur les racines rugueuses étaient lourds, douloureux et l'empêchait de réfléchir convenablement. Elle restait concentrée sur chacun de ses pas en contrôlant sa respiration et ses mouvements de plus en plus raides.

Elle garda malgré tout le rythme autant qu'elle le put, mais la distance entre elle et Emmet ne s'arrêtaient jamais de grandir à mesure que le temps passait.

Lorsque l'humidité dans l'air commença à monter et coller à sa peau, elle fut surprise en levant la tête qu'il se fût arrêté et l'avait attendu, un peu plus loin. Et alors qu'elle l'avait rejoint, il l'avait accueilli avec son visage impassible, avant qu'il ne lui tende sa main calleuse. Sans hésitation, elle l'accepta. Et alors, ils se remirent en marche, partageant un peu de chaleur, paume contre paume.

Il marcha à son allure. Elle se demanda pourquoi il n'utilisait pas sa faculté pour aller plus vite. Elle en déduisit rapidement qu'il s'économisait. C'était sans doute ce que ferait n'importe qui de censé dans une situation pareille. Toute l'énergie qu'il avait dû utiliser durant leur fuite devait avoir vidé ses réserves naturelles et vu ce qu'il ingurgitait en nourriture en temps normal, il devait en être bien diminué.

Un peu plus tard, lorsque le ciel devint distinctement rougeâtre à travers la cime des arbres, Emmet aperçue un buisson de petits fruits qu'ils avalèrent à pleine main, tous d'eux affamés. Et lorsqu'il n'en resta plus rien et Emmet s'en assura minutieusement, il lui offrit son dos afin qu'elle se repose sans un mot.

Elle ne lui laissa pas le temps de changer d'avis, car ses muscles criaient d'agonie. Il resta malgré tout à l'allure humaine et les soupçons de Lorey se concrétisèrent. Bercée par le lent balancement de ses pas, sa joue calée contre le haut de son épaule, elle se surprit à respirer son odeur particulière qui la rassurait. Elle pouvait même percevoir lointainement le battement d'un coeur vigoureux au creux de son cou.

Elle faillit s'endormir lorsqu'il la secoua sans ménagement pour expliquer qu'ils passeraient la nuit ici.

Lorey l'aida mollement à rassembler pierres et branchages au centre. Et comme la veille, il prépara un feu puis s'en alla dans la forêt. Il ramena rapidement de grosses feuilles odorantes aux branches piquantes, une pierre lisse aussi grande que sa paume et l'écorce d'un arbre qu'il tendit à Lorey avant de repartir dans la forêt.

Il n'y eut aucunement besoin de parole à échanger. Elle comprit aisément les tâches qui lui restaient à accomplir. Elle écrasa minutieusement les feuilles pour en faire une purée et lorsqu'il revint avec un cadavre aussi gros qu'un renard sur l'épaule, elle s'éclipsa pour se débarbouiller près de la rivière.

Tatouage de Sang - Malédiction. Tome 1Where stories live. Discover now