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Lorey regarda en arrière, la soeur d'Emmet toujours au sol les observait avec une haine implacable au fond des yeux. Lorey était sûre qu'elle aurait préféré qu'il l'achève plutôt que de lui laisser encore la tache de lui faire entendre raison.

Emmet lâcha sa main et inclina son corps en position de combat. Il émit un grognement alors qu'il s'élança vers le premier homme. Il ne prit pas le temps de le mettre à terre ou d'exécuter des courbettes. Sa rapidité était déconcertante.

Lorey avait du mal à le suivre des yeux, tandis qu'il apposait sa paume sur le front de chacun d'entre eux et qu'un claquement sonore retentissait. Au bout du couloir il se redressa souplement alors que les corps encore vivants des hommes qu'il avait touchés, gisaient derrière lui toujours debout, mais hagard.

Deux autres hommes un peu plus loin battirent en retraite. De nouveau, Emmet se tourna vers Lorey, impassible et tendit la main dans une question silencieuse. Lorey contempla ces hommes un instant, toute vie dans leurs yeux avait disparu. Qu'est-ce qu'il leur faisait ? Quel était ce pouvoir affreux? Pour rien au monde elle n'aurait voulu être à leur place à cet instant.

À leur pied et pour chacun d'eux, une petite pierre lisse était tombée, luisante. Son regard se porta à nouveau sur Emmet, il patientait toujours dans la même position et l'observait attentivement.

Rester ici où on la torturerait à coup sûr, ou suivre un monstre tueur sans doute pervers... Le choix n'était pas vraiment difficile. Sans plus attendre, elle parcourut les quelques pas pour attraper sa main en évitant les hommes encore debout et inerte.

Sa main chaude dans la sienne lui fut un réconfort insolite. Elle n'était pas seule et Emmet ne lui avait jamais fait de mal. Doucement, mais fermement, il tira sur son bras en entamant un pas de course régulier pour sortir du couloir. Elle se laissa entraîner à bout de souffle tandis qu'ils parcouraient de nombreuses galeries inconnues, froides et maintenant désertes.

Peu de temps après, ils franchirent une double et immense porte en métal. Lorey n'eût pas le loisir de l'observer avec attention, mais les gravures était finement ouvragées avec de multiples motifs qui lui rappelèrent les tatouages d'Emmet.

Là, il s'arrêta soudainement, la laissant pantelante à ses côtés. L'astre rouge menaçait toujours dans le ciel, faisant rougir les nuages qui passaient par là. La poigne d'Emmet se fit plus forte sur sa paume. Et elle comprit pourquoi.

Ils faisaient halte sur une estrade en pierre qui surplombait toute une ville, les rayons crépusculaires de leur soleil se reflétaient sur les toits hauts des maisons, mélangés à la lueur de l'astre rouge, une atmosphère funèbre les enveloppa.

Un léger frisson lui traversa l'échine, il ferait bientôt nuit et des gens se baladaient en bas dans une ambiance chaleureuse. Les bruits de pas et les rires résonnèrent jusqu'à eux. Personne n'avait remarqué leur présence et rapidement Emmet prit une direction. Ils descendirent des escaliers en pierre sur le côté qui rejoignait une veine de la ville et il se remit à courir à la même allure, tenant fermement la main de Lorey dans la sienne et évitant les passants.

Emmet n'était même pas essoufflé. C'était une machine de guerre ou quoi ? Lorey n'en pouvait déjà plus. Et lorsqu'elle trébucha sur une pierre pour la troisième fois en jurant de douleur, Emmet s'arrêta pour s'accroupir et lui exposa son dos.

— Dépêche-toi, il faut partir d'ici.

La prestance de sa demande la surprit, mais elle ne prit pas le temps de la réflexion et s'accrocha à ses épaules, la respiration saccadée et le remerciant en pensée.

Lorsqu'il fut à nouveau sur ses jambes et qu'il se remit au pas de course, Lorey se crispa et son estomac se tordit d'embarras. Mis à part le baiser qu'ils avaient partagé, ils n'avaient jamais été aussi proches. Sentir la force de ses muscles qui roulaient sur ses épaules justes là sous ses doigts et les cheveux de sa nuque qui lui chatouillait le menton avait quelque chose de surnaturel.

Elle n'aurait jamais imaginé être à cette place tout éveillée. Cet être rempli de noirceur et de rancœur ne lui voulait pourtant aucun mal. Alors que quelques jours plus tôt, elle avait détesté chacune de leur rencontre. Non, elle ne pouvait pas se dire qu'elle avait détesté, elle le comprit en cet instant, tandis que l'odeur brute et la chaleur rassurante de son corps l'enveloppaient.

Elle avait simplement été désarmée face à son comportement ambigu qu'il avait constamment gardé envers elle. Elle avait maintenant vu son vrai visage. Elle ne saisissait toujours pas tous les aboutissants de cette histoire, mais elle appréciait ce changement.

De façon souple, il zigzaguait entre les gens qui circulaient en sens inverse dans les rues. Sur son passage, des visages se décomposèrent.

— C'est le déserteur ! quelqu'un héla derrière elle.

Emmet affermit sa prise sur elle et accéléra, bousculant quelques personnes à travers la rue. Un attroupement se fit rapidement devant eux.

— Accroche-toi.

Lorey n'eut pas le temps de comprendre qu'il fit un bon dans les airs. Son corps perdit l'équilibre durant une demi-seconde et son estomac fut au bord de ses lèvres.

De désespoir, elle s'accrocha à son cou aussi fort qu'elle le put, comme on s'agrippe à une bouée dans une mer déchaînée. Elle ne vit quasiment rien du paysage tellement sa vitesse était ahurissante.

Il sautait de toit en toit, évitant ainsi de se confronter à la population. La ville était immense. Des hurlements leur parvenaient, certains le maudissaient, d'autres le suppliaient. Lorey distingua parfaitement le cri d'accablement d'une femme en contre bas. Emmet ne semblait pas les entendre et sans tarder ils arrivèrent face à un mur qui encerclait la ville, beaucoup plus haut que le toit des maisons.

Emmet ne s'attarda pas et sauta pour atterrir dessus avec souplesse. Lorey en eut le souffle coupé, mais se refusa à regarder en bas. Il s'arrêta juste un instant, pour se tourner et jeter un œil derrière lui. Lorey continuait de lui serrer le cou, comme si sa vie en dépendait et cela n'avait pas l'air de l'incommoder.

Il sauta une dernière fois et atterri sur un sol rocailleux et se remit a un pas de course plus rapide qu'un humain normal. Il évita soigneusement le chemin en pierre qui menait à l'entrée de la ville et se dirigea plutôt vers une forêt verdoyante et qui se déployait à perte de vue. Lorey ne savait pas où il pourrait bien l'emmener, mais n'importe où ferait l'affaire, pour l'instant. Elle ne souhaitait plus jamais avoir à faire à cette femme horrible qui avait voulu lui ôter la vie, comme on écraserait un moustique.

Ils traversèrent une étendue boisée et son odeur particulière l'assenera un peu. Bien qu'elle n'avait aucune connaissance profonde de la forêt, elle pouvait parfaitement se rendre compte que celle-ci était différente de toute celle qu'elle avait pu voir.

Il baignait ici, une atmosphère de paix irréelle. Emmet s'arrêta après un moment qui lui avait paru une éternité, elle se demanda soudain combien de kilomètres ils avaient pu parcourir et si les autres étaient capable de la même prouesse que lui. Elle espérait que non.

La nuit tombait et l'astre rouge éclairait faiblement l'endroit, lui donnant un long frisson d'appréhension. Emmet la laissa glisser souplement le long de son dos et ses pieds atterrirent sur de la mousse soyeuse et douce. Tout son corps était ankylosé par la crispation intense qu'elle leur avait fait subir et une plainte sortir de ses lèvres.

Ses jambes tremblaient légèrement tandis qu'elle faisait le tour d'elle-même. Ils se trouvaient dans un petit renfoncement entre plusieurs troncs d'arbres aussi épais que des camions. Elle pouvait à peine apercevoir le ciel à travers les branchages touffus. Elle se sentit comme hors d'elle-même. Tout son corps réclamait le repos, mais son esprit ne cessait de faire tourner dans sa tête, tout ce qu'il s'était passé ces derniers jours.

Elle avait du mal à faire le point. À se rendre compte qu'elle était vraiment là, en train d'arpenter une planète étrangère, avec un individu dont la nature lui était inconnue.

— On devrait être en sécurité ici. Repose-toi, je vais chercher du bois sec.

Cette réplique lui était familière.

Tatouage de Sang - Malédiction. Tome 1Where stories live. Discover now